Présidentielle J -5 : incertitude, quand tu nous tiens…
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À cinq jours du premier tour de scrutin, on commence, dans les instituts de sondage, à préparer les excuses. D’accord, ces gens-là se sont trompés plus souvent qu’à leur tour, mais ils le faisaient jusqu’ici avec assurance, bien calés dans leurs certitudes, expliquant qu’on les avait trompés à l’insu de leur plein gré et que la faute n’était pas au sondeur mais au sondé retors.
Mardi matin, Les Échos publient ainsi une enquête intitulée : « Présidentielle : les sondeurs en quête des électeurs cachés. » Comprenez que les cloches de Pâques sont passées mais n’ont pas révélé qui serait le bénéficiaire du miracle électoral. L’électeur est récalcitrant, ne croit plus lui-même aux miracles, et les sondeurs sont à la peine. Petit changement, toutefois : ceux-ci nous expliquent maintenant en détail pourquoi leurs données ne sont pas fiables.
Ces professionnels du décompte sont donc obsédés par l’idée qu’il existe « des électeurs cachés » ; ils utilisent même le mot « fantôme ». Il s’agirait d’« une catégorie d'électeurs inconnue, invisible, inaudible, qui passerait systématiquement sous les radars des sondages et que les enquêtes d'opinion auraient du mal à atteindre et à entendre ». François Fillon rêve ainsi aux dames à cheveux bleus qui, dimanche, en sortant de la messe, se décideraient quand même à aller voter pour lui avant de passer chez le pâtissier.
Plus sérieusement, dit une éminente personne qui se partage entre le CNRS et Sciences Po, on est confronté à des incertitudes majeures, à savoir : « Trois difficultés : sociologique, avec le poids grandissant des précaires – près du tiers des inscrits – ; politique, avec le nombre inhabituel d'indécis ; et technique, les "access panels" des sondeurs ne pouvant pas atteindre les non-connectés. » Eh oui ! Car dans notre monde perpétuellement branché, il en est qui échappent encore à la connexion. Et, là aussi, pour de multiples raisons.
Primo, le mode opératoire a changé. Fini le face-à-face qui, paraît-il, entraînait un « effet désirabilité » : je dis au sondeur ce qu’il veut entendre. Alors on est passé au téléphone. Oui, mais voilà, « avec le développement de l'usage du téléphone portable, les sondeurs ont eu de plus en plus de mal à toucher le jeune actif urbain, branché sur son smartphone et sans téléphone fixe ». Les sondeurs ont alors basculé sur Internet : on constitue un panel « grâce, le plus souvent, à un accord avec un programme de fidélisation de l'internaute. Accepter de répondre aux sondages rapporte des “points cadeaux” pour réaliser des achats ».
Apparaît alors un autre problème : « Outre certaines catégories de population qui ne peuvent que passer entre les mailles du filet – les personnes hospitalisées, les SDF, les personnes incarcérées… –, les sondages manqueraient une partie significative de la population, soit parce qu'elle n'a pas accès à Internet (près de 20 % n'est pas connectée), soit parce qu'elle se désintéresse de la vie politique et n'a aucune démarche sociale proactive. » Bref, ça n’est pas plus fiable !
Surtout se pose aujourd’hui la question de la réelle « représentativité » du panel en question : qui est sélectionné, et qui, surtout, accepte de répondre ? En effet, « quand l'antisystème est au cœur d'une campagne politique, le sondage est perçu comme une partie du système, donc les gens refusent de répondre. Cela pose clairement un problème de représentativité », souligne un autre expert ès sondages.
On s’aperçoit, ainsi, que seulement 21,4 % des sondés de février avaient un niveau d’études inférieur au bac, quand ils sont 50,9 % inscrits sur les listes électorales. À rapprocher de la "cécité" des sondeurs aux dernières élections américaines : « Si Trump a été élu dans deux tiers des États, la population de ceux-ci ne représentait que 36 % du PIB du pays, alors que le tiers des États en faveur de Hillary Clinton concentrait 64 % du PIB. » Cherchez l’erreur.
Conclusion : nul ne sait ce qui se passera dimanche !
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