Présidentielles : la malédiction du troisième homme
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Cet article a été publié le 09/04/2017.
À l'occasion du resserrement des derniers sondages, qui voit Mélenchon rejoindre le club des trois favoris et talonner Fillon, on lit des titres stupides qui révèlent le peu de culture politique de leurs auteurs. Ainsi Sud-Ouest : "La percée du leader de La France insoumise fragilise Fillon."
Stupide à deux titres. D'abord, la montée de Mélenchon ne se fait pas au détriment de Fillon, qui monte aussi. Et c'est bien logique car ils ne mordent absolument pas sur le même électorat, ce que montrent d'ailleurs les mêmes sondages. Mélenchon progresse chez les sympathisants socialistes, chez les ouvriers et chez les jeunes, des groupes très peu accessibles à Fillon, davantage porté sur les retraités, les électeurs de droite, les classes moyennes et supérieures. En fait, Mélenchon affaiblit Hamon, Macron et Marine Le Pen. Vases communicants. Mais il faut saluer ce tour de force de parvenir à enfoncer ces trois-là, et c'est logique car le profil de Mélenchon pointe une grosse lacune de chacun d'eux : il est vraiment de gauche, il a une vraie culture et de vraies qualités de tribun populaire. Donc, oui, bravo Mélenchon ! Et, pour Sud-Ouest, non seulement la montée de Mélenchon ne fragilise pas Fillon mais elle le sert, puisqu'il affaiblit les deux adversaires de Fillon que sont Macron et Marine Le Pen.
Ensuite, que Mélenchon dispute à Fillon la troisième place et qu'il finisse par l'obtenir sera un épiphénomène. Car la troisième place, que vous l'obteniez au terme d'une ascension à l'arraché comme Mélenchon (s'il l'obtient) ou d'une dégringolade annoncée (comme on nous le prédit pour Fillon), c'est une très mauvaise place. La troisième place, c'est la place du mort.
Certes, M. Mélenchon pourra se prévaloir d'avoir achevé le PS, mais les socialistes avaient déjà bien commencé le travail eux-mêmes. Il pourra nourrir quelques espoirs d'obtenir un groupe de 50 députés en juin. Mais au-delà ? Attendre 2022 ? Il aura alors 71 ans… et ne sera certainement plus à la mode YouTube du moment…
Car telle est la malédiction du troisième homme : avoir réalisé un exploit, capitalisé des millions de voix... pour rien. Une simple mode de printemps, quinze jours durant. Une capacité de nuisance pour le second tour, c'est tout. Comme en 1981, quand Chirac avait fait battre Giscard, ou comme Bayrou en 2007, à qui il ne restait plus qu'à laisser libre cours à sa détestation de Sarkozy, mais sans grand résultat pour lui. En fait, la troisième place vous conduit tout droit vers le cimetière politique, avec Lecanuet, Chaban, Barre, Balladur, Bayrou.
Une exception : Chirac, qui montre que, pour faire fructifier sa troisième place, il faut commencer jeune et se montrer endurant. Et donc, pour cette présidentielle, la troisième place (ou la quatrième : aucune importance) serait mortelle pour Fillon comme pour Mélenchon. En revanche, pour Macron comme pour Marine Le Pen, leur âge leur permettrait d'espérer encore, d'autant plus que la crise politique, sur laquelle ils surfent, va perdurer.
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