Prix Nobel de la paix : le Pakistan propose le président turc Erdoğan…
Il y a bien longtemps que le prix Nobel de la paix est devenu simple jeu de coulisses, d’influences et de pouvoir. Certes, en 1901, les deux premiers gagnants n’étaient pas sans mérite : Henry Dunant était un des fondateurs de la Croix-Rouge et Frédéric Passy un des premiers militants pacifistes.
Depuis, il y a eu certes quelques millésimes incontestables et globalement incontestés : Martin Luther King Jr. pour sa lutte en faveur des droits civiques aux USA (1964), Anouar el-Sadate et Menahem Begin pour les accords de Camp David (1978), Lech Wałęsa pour le syndicat polonais Solidarność (1983), Nelson Mandela et Frederik Willem de Klerk pour la fin de l’apartheid en Afrique du Sud (1993), sans oublier Shimon Peres, Yitzhak Rabin et Yasser Arafat pour leur tentative de règlement du conflit israélo-palestinien (1994). On notera que le Mahatma Gandhi, pourtant cité en 1937, 1938, 1939 et 1947, est toujours reparti bredouille. Comme quoi...
Il est à craindre que le cru 2023 ne soit autrement moins consensuel, Sadiq Sanjrani, président du Sénat pakistanais, ayant proposé la candidature du président turc Recip Tayyip Erdoğan : ce dernier aurait à lui seul empêché « le risque d’explosion nucléaire qui pourrait entraîner la destruction du monde entier ». D’un simple point de vue factuel, voilà qui n’est pas fondamentalement faux, Vladimir Poutine ayant évidemment tendance à prendre plus au sérieux les conseils de pays tiers menant leur propre politique que ceux dont cette même politique est inféodée aux intérêts supérieurs de la Maison-Blanche. Et à cette aune pesé, le Pakistan n’est pas une nation à prendre à la légère, même si elle subit parfois l'influence américaine.
Résultat ? La Norvège, pays dont l’indépendance diplomatique demeure autrement plus relative, propose dans la foulée un autre potentiel lauréat : Jens Stoltenberg, ancien Premier ministre norvégien devenu, depuis, patron de l’OTAN. On notera que cette initiative n’est pas le fait du premier venu, s’agissant de Christian Tybring-Gjedde. Ce représentant de la droite populiste locale, l’année dernière, avait déjà proposé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, comme possible prétendant. Comme quoi il y a populiste et populiste : ceux qui se préoccupent avant tout de leur propre peuple et ceux qui obéissent, petit doigt sur la couture du pantalon, aux injonctions de Washington.
Pour le reste, on remarquera que l’institution des prix Nobel est déjà passablement démonétisée. Les Nobel de littérature, attribués cette année à Bob Dylan et Annie Ernaux, ont à eux seuls de quoi laisser pensif : si Bob a souvent écrit de belles chansons, Annie a rarement écrit de bons livres. Quant à Erdoğan et Stoltenberg, le moins qu’on puisse constater, c'est que les deux sont plus des chefs de guerre que de paix. L’un, nouveau sultan ottoman, rêve d’en finir avec l’Arménie tout en étendant son empire. L’autre, généralissime de l’OTAN, représentant un autre empire, s'est illustré avec les bombardements sur la Serbie chrétienne ou les conflits en terres arabo-musulmanes, Syrie, Irak, Libye et autres contrées orientales.
Éric Zemmour n’avait pas tort de dire que si, dans cette affaire, Vladimir Poutine était coupable, l’OTAN était responsable. Dans un cas comme dans l’autre, nous sommes très loin du prix Nobel de la paix.
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24 commentaires
Il y a un chef d’Etat, vous savez le roi du « en même temps » qui en rêve. Il ne suffit pas d’être ecellent dans un domaine pour l’avoir, il suffit d’avoir un bon réseau, comme Ernaux et même Dylan.
Surprenant, j’aurai bien vu comme nominé Zelensky il est partout…
Le prix Nobel de la paix, celui de littérature suivent le chemin de la Légion d’Honneur : vers les égouts de l’Histoire.