Procès Samuel Paty : Priscilla Mangel, l’accusée pro-charia et anti-blasphème

Ce 4 novembre s'ouvrait le procès de l'attentat d'Eragny-sur-Oise à Paris. © Bvoltaire
Ce 4 novembre s'ouvrait le procès de l'attentat d'Eragny-sur-Oise à Paris. © Bvoltaire

Cela fait maintenant sept semaines que Priscilla Mangel comparaît, libre, devant la cour d’assises spéciale de Paris. Chaque matin, un long voile d’une couleur différente sur la tête, la trentenaire patiente dans les files de sécurité, le regard perdu. Puis elle regagne sa place d’accusée, au premier rang de la salle des grands procès, et pose son regard clair sur les écrans de retransmission. Elle est la seule femme, parmi les huit prévenus, à comparaître dans le cadre du procès de l’attentat d’Éragny-sur-Oise ayant coûté la vie à Samuel Paty. Si les auditions d’Abdelhakim Sefrioui, le prédicateur islamiste, et de Brahim Chnina, le père de la jeune menteuse, ont rameuté de nombreux journalistes et curieux, le nom de Priscilla Mangel a, quant à lui, fait couler beaucoup moins d’encre. Pourtant, son rôle présumé dans cette affaire n’est pas des moindres. Poursuivie pour association de malfaiteurs terroriste, elle est soupçonnée d’avoir conforté, voire galvanisé, Abdoullakh Anzorov, le terroriste, dans son projet meurtrier. Mais malgré les graves accusations qui pèsent sur elle, le parquet général n’a requis, ce 16 décembre, que 18 mois d'emprisonnement assortis d'un sursis probatoire de trois ans. Elle encourt pourtant trente ans de réclusion criminelle. Il s’agit de la peine la plus légère requise par le parquet contre l'un des accusés. Autrement dit, Priscilla Mangel comparaît libre depuis le 4 novembre dernier et pourrait ressortir libre de ce procès…

L’ingénue islamiste

« Pour moi, c’était une conversation banale avec un inconnu. » C’est par ces mots, empreints d’une naïveté feinte, que Priscilla Mangel résume les 46 messages qu’elle a échangés sur Twitter (aujourd’hui X) avec le terroriste, entre le 9 et le 13 octobre 2020. Interrogée pendant près de quatre heures par la cour, le 11 décembre dernier, la mère de famille, vêtue d’un long voile marron et d’une chemise verte ample, réfute les accusations qui pèsent sur elle. À l’écouter, elle n’aurait pas compris les intentions mortifères du terroriste. « J’ignorais qu’il avait l’intention de passer à l’acte », déclare-t-elle, l’air candide. Pourtant, tout au long de son échange numérique avec Anzorov, elle n’a pas « arrêté de faire monter la température », lui rappelle Thibault de Montbrial, avocat de Mickaelle Paty.

Le 9 octobre, après avoir partagé, sur son compte Twitter, la vidéo de Brahim Chnina, Priscilla Mangel entame ainsi une conversation avec le terroriste. Après plusieurs messages sur une affaire datant de 2015, la jeune femme tient informé l’assaillant de la polémique en cours au collège du Bois d’Aulne. « Il est suspendu ou alors il a d’autres sanctions ? », l’interroge Anzorov. « Aucune sanction », lui rétorque-t-elle. Et elle délivre ensuite un laïus aux accents islamistes : « La caricature n’est pas un problème pour le rectorat ni l’académie. Il faut vite inculquer aux enfants que le blasphème est normal. Ils veulent vraiment éradiquer la foi des cœurs des gens. » Un discours victimaire et vindicatif auquel le terroriste répondra : « Ils n’y arriveront pas, s’ils savaient… » Mais là encore, Priscilla Mangel assure ne pas avoir vu des aveux, seulement « une expression banale ». Trois jours après cet échange, Anzorov publiera sur son compte Twitter une photo du corps décapité de Samuel Paty. Priscilla Mangel se désabonnera de son profil avant de supprimer ses comptes. « Je ne l’ai pas conforté. Ma seule implication est d’avoir pris part à la polémique », soutient encore la jeune femme.

Radicalisation à l’adolescence

Mais Priscilla Mangel n’a pas échangé par hasard avec le terroriste. Issue d’une famille française athée mais d’origine chrétienne, Priscilla est tombée dans l’islam à l’adolescence. Face à des parents qui confient leur impuissance à la cour, elle arrête de manger du porc, commence à se voiler et finit par épouser un homme musulman. Ensemble, ils partent s’installer en Algérie, mais rapidement, la jeune femme déchante et découvre la double vie de son mari. Elle revient en France et cherche un « combattant de l’État islamique bon à marier » sur Internet. À 29 ans, elle se marie religieusement avec un certain Sami G., condamné en 2018 à 14 ans de réclusion pour association de malfaiteurs terroriste. Et en septembre 2020, alors que Charlie Hebdo publie à nouveau ses caricatures, la trentenaire tweete : « Apparemment, Charlie Hebdo en redemande ! » Aujourd’hui encore, à la barre, Priscilla Mangel défend la charia dans la conduite du mariage, le port du voile pour les petites filles et même la pénalisation du blasphème qui « permettrait un apaisement général ».

Malgré tous ces éléments, Priscilla Mangel pourrait donc repartir libre de ce procès. La situation révulse Mickaëlle Paty qui, au sortir de la salle des grands procès, ce 16 décembre, lançait, au bord des larmes : « On peut avoir participé à une cabale qui a mené à une décapitation et, finalement, on sort pour certains libres ! [...] C'est plus qu'une déception, c'est l'impression de se battre pour rien. » Un sentiment partagé par Me Szpiner, avocat du fils et de l'ancienne compagne de Samuel Paty, qui écrit : « Ce soir, je suis rempli de colère et d’amertume en voyant que ceux qui sont censés être les avocats de la République ont prononcé un réquisitoire qui n’est pas à la hauteur des crimes commis. » Le délibéré est attendu pour le 20 décembre.

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Clémence de Longraye
Journaliste à BV

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