Producteurs, consommateurs, grande distribution : à qui la loi Agriculture et Alimentation va-t-elle vraiment profiter ?
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Elle a été votée le 2 octobre 2018. C’est la loi Agriculture et Alimentation, plus précisément "loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable", promulguée le 1er novembre et qui doit entrer en application le 1er février prochain.
À l’origine, le drame de nombreux agriculteurs et producteurs français qui ne parviennent plus à vivre de leur travail, étranglés qu’ils sont par des réseaux de grande distribution, lesquels, engagés dans une concurrence farouche, tirent chaque jour davantage leurs prix d’achat à la baisse.
Notre temps prisant plus que tout le vocabulaire révolutionnaire, se sont tenus du 20 juillet au 21 décembre 2017 les États généraux de l'alimentation (EGalim, donc) auxquels s’était engagé le Président Macron en campagne.
Bref, cahiers de doléances agricoles et états généraux ont abouti à cet objet, voté à l’automne, qui contient aussi bien des mesures pour lutter contre la maltraitance animale que l’encadrement de la revente à perte et les (fausses) promotions qui, par effet rebond, pénalisent les petits producteurs.
C’est ce dernier volet qui déclenche, ce mercredi matin, la polémique.
Un panneau a été installé dans le supermarché Leclerc de Lanester, dans le Morbihan, dont la photo est rapidement devenue virale. Elle ne fait pas la promotion du saucisson un jour de ramadan, n’est pas honteusement sexiste ou raciste, non : elle dénonce la loi qui, affirme le panneau, va faire grimper les prix du pastis et du café Carte noire :
« La nouvelle loi de notre président Macron :
nouveau prix minimum majoré de 10 % à partir du 1er février sur des centaines d’articles.
Exemples :
le litre de Ricard se vendait 18,22 € et passera à 20,22 €
le café Carte noire se vendait 5,60 € et passera à 6,26 €
Pourquoi la presse reste-t-elle silencieuse ? »
Message subliminal reçu : la loi alimentation est une arnaque qui va faire augmenter les prix de 10 % et le panier de la ménagère tout autant. La grande distribution, elle, garantit votre pouvoir d’achat. C’est la lutte finale sur les prix et vive le pastaga !
Très "défense des gilets jaunes", pense-t-on. Sauf que c’est un peu plus tordu que ça, comme en témoigne la passe d’armes via Twitter entre le "patron" Michel-Édouard Leclerc et le député LREM de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, agriculteur à la ville (ou plutôt à la campagne) :
-M.-E. Leclerc : « Faut reconnaître qu’augmenter le Ricard en disant que ça aide l’agriculture, ça craint ! »
-J.-B. Moreau : « Faut reconnaître que toujours mettre en avant les alliances locales qui constituent environ 2 % du rayon, et où on respecte à peu près les producteurs alors qu’on les étrangle sur les 98 % restants, ça craint… »
M.-E. Leclerc : « Nananaire, on dirait un gosse. Quoi qu'on fasse bien, vous avez besoin qu'on soit votre ennemi, hein ? Sans nous, quel vide. »
Bavardage stérile et malhonnête qui ne dit rien de la réalité. Aujourd’hui, une grande surface peut vendre des produits à prix coûtant ou avec une marge très faible, en dessous de 10 %. La loi l’interdira. Désormais, les articles devront être vendus avec une marge supérieure ou égale à 10 %. Au final, ce sont donc 7 à 10 % des produits qui vont augmenter, notamment la pâte à tartiner, le camembert, les sodas ou encore le café. Qui sont effectivement des produits d’appel, donc les plus achetés.
C’est pourquoi le député de l'Aube et membre de la commission des affaires économique à l'Assemblée nationale, Gregory Besson Moreau, est entré dans la discussion, accusant Leclerc de "faire financer ses gros rabais sur les produits de grande marque comme le Nutella en faisant ensuite pression sur les agriculteurs". Ce qui est une vérité vraie, comme disait ma voisine.
Reste donc la question : producteurs, consommateurs, grande distribution : à qui la loi Agriculture et Alimentation va-t-elle vraiment profiter ? Les paris sont ouverts…
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