Prof « braquée » à Créteil : Blanquer veut interdire les portables…

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Il a suffi d'une vidéo sur les réseaux sociaux montrant un jeune braquant sa professeur avec son arme factice pour que le sommet de l’État s'agite et prenne de grands airs scandalisés : tweet du président de la République lui-même, communiqué commun du tout nouveau ministre de l'Intérieur avec son homologue de l’Éducation nationale, création d'un comité de suivi. La violence contre les enseignants devenait presque la grande cause du quinquennat. Le temps d'un week-end. Et cela fait bien sourire - jaune - dans les salles des profs, surtout dans ces établissements où la violence est quotidienne. Cela a aussi déclenché, sur Twitter, une série de témoignages sous le hashtag #PasDeVagues. À l'heure de #BalanceTonPorc, les enseignants aussi auraient beaucoup de choses - et quelques personnes, aussi - à "balancer". Des agresseurs - parents ou élèves -, certes, mais, surtout, comme le titre du hashtag l'indique, ces chefs d'établissement qui vous dissuadent de porter plainte, qui refusent de réunir des conseils de discipline ou qui, quand ils s'y résignent, trouvent une sanction "alternative" à l'exclusion, un "sursis" qui permet de remettre l'agresseur dès le lendemain face à l'agressé. Et ne parlons pas des recteurs qui, quand une décision d'exclusion est prise, la cassent et ordonnent une réintégration immédiate de l'élève. Tout cela, je l'ai connu dans mes établissements. Et, comme beaucoup de collègues qui livrent leur vécu sur #PasDeVague, je suis sceptique sur la nouvelle énergie répressive du ministre Blanquer, car que faisait-il, M. Blanquer, durant toutes ces années où il fut recteur, sinon surfer sur le "pas de vague" ?

Mais, aujourd'hui, la parole se libère - un peu - chez les enseignants et le ministre affirme solennellement que les enseignants doivent signaler et que l'administration les soutiendra : quel aveu ! Et, pour montrer qu'il n'agit pas complètement à la remorque des événements, il a fait une proposition : l'interdiction des portables au lycée. Il a affirmé que sa loi du mois d'août permettait aux lycées d'adopter cette interdiction, arguant que le braquage de Créteil avait certainement été organisé dans le but d'être filmé et ensuite diffusé sur les réseaux sociaux. Ce n'est pas faux, et ce genre de situations extrêmes est souvent commandé par la tentation d'un mauvais buzz, comme je l'ai constaté dans mon propre lycée. Mais ce que j'ai constaté aussi, c'est que ce stade de violence avec diffusion vidéo était aussi le fait d'établissements où le sentiment d'impunité était très répandu. Pour le dire sans détour : où les élèves faisaient la loi, faute d'une administration ferme, toujours complaisante pour les élèves auteurs de violence, jamais exclus définitivement, toujours en sursis. Autrement dit, la diffusion sur Snapchat est un couronnement pour ces lycéens ou la partie émergée de l'iceberg des violences et du climat qui doit certainement régner dans l'établissement.

Donc, l'interdiction des portables, même si elle est réellement effective, ne réglera pas tout. Car il est tout un pan des violences que les lycéens qui en sont les auteurs se gardent bien de filmer. Et ce sont, malheureusement, les plus nombreuses, les plus insidieuses, les plus destructrices, celles qui pourrissent littéralement la vie de certains enseignants et de nombreux élèves. Insultes, regards appuyés, insolences systématiques, contestations, cris, bousculades, harcèlement, trafics, phénomènes de bandes, tenues vestimentaires provocatrices, gestes obscènes, etc.

Par ailleurs, la vidéo a eu le mérite de montrer ce qui se passe effectivement dans certains établissements. Interdire le téléphone, éteindre le buzz sur Snapchat, c'est un peu casser le thermomètre et dire à la France d'Emmanuel Macron : dormez sans crainte, bonnes gens, regardez, il n'y a rien à voir... Or, si, il y a beaucoup à voir et à dire dans bien des établissements, et quelques reportages vidéo seraient les bienvenus. Cela éviterait que la violence ne soit réduite à un sujet buzzeur un week-end de vacances scolaires avant de retomber dans le sable où les autruches aiment à plonger leur têtes.

Faudra-t-il, là aussi, comme pour la tyrannie de l'islamisation sur les municipalités du 93, un livre de MM. Davet et Lhomme pour que la France d'Emmanuel Macron découvre l'ampleur du désastre ?

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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