Mon projet d’école se construit sur la défaite de Mai 68
Marion Maréchal vient d'annoncer le lancement de son école, l'ISSEP. Pour autant, on ne la voit pas "partout" : elle dit préférer, avec le relais solide des réseaux sociaux, privilégier les médias sérieux, lui permettant de développer sereinement le fond de son projet et ses objectifs, sans l'enfermer dans des polémiques de politique politicienne.
Alors qu'en ce dernier jour du mois de mai, elle participe à un colloque intitulé "Débranchons Mai 68", Marion Maréchal explique pourquoi son projet métapolitique se construit à rebours de cette idéologie.
Vous venez d’annoncer le lancement de votre école, l’ISSEP. Pourtant, on vous a entendue sur très peu de médias. Pourquoi avez-vous ainsi ciblé à ce point vos sorties presse ?
De façon générale, c’est un comportement auquel je me suis tenue pendant l’intégralité de mon mandat. Je n’ai jamais été attirée par une frénésie médiatique. J’ai toujours fait le choix d’aller vers des médias que je considérais comme sérieux, et aussi lorsque j’avais quelque chose de précis à dire.
Dans ce cas précis, je n’ai pas voulu m’éparpiller. J’ai voulu exposer les causes et les objectifs de la création de cette école, faire un constat sur l’éducation et dire en quoi cette offre est nécessaire et utile pour les étudiants français. Je ne voulais surtout pas me retrouver de nouveau dans une situation me conduisant à faire de la politique politicienne avec des commentaires peu intéressants. C’est pourquoi j’ai choisi certains formats et certains journalistes, et je m’y tiens, avec l’appui des réseaux sociaux qui nous permettent d’avancer efficacement.
Cela n’a pas empêché les médias d’en parler et de polémiquer sur les personnalités qui composent l’ISSEP, notamment Patrick Louis, qu’on a accusé de venir du Front national, ou d’anciens membres du MPF de Philippe de Villiers. Avez-vous essayé de recréer une sorte de parti politique au sein de l’ISSEP ?
Concernant Patrick Louis, il était en effet membre du MPF, et aussi sur une liste RPR dans les années 90 aux élections européennes. Il n’a plus d’engagement politique depuis.
Il est vrai qu’il y a eu, comme habituellement, beaucoup de mauvaise foi sur l’école. On peut noter, cependant, qu’ils n’ont pas eu beaucoup de choses à dire. Ils se sont arc-boutés sur quelques éléments de langage montés en mayonnaise. Je pense qu’ils sont assez surpris et mal à l’aise que nous ayons déjà réussi à réunir, dans ce conseil scientifique, de belles personnalités reconnues.
Je rappelle que nous accueillons le directeur des masters en droit public d’Assas, Patrick Louis, un professeur reconnu et apprécié à Lyon III, l’ancien directeur de Prépasup, une des meilleures écoles encore aujourd’hui pour préparer au concours des grandes business schools, un philosophe de grande qualité, Jacques de Guillebon, également journaliste reconnu, un autre professeur d’université de Caen, écrivain, compositeur et intellectuel de grande qualité pour quiconque s’est intéressé à ses productions intellectuelles.
La plupart d’entre eux n’ont jamais eu d’engagements politiques. Pour ceux qui ont pu en avoir, ce n’était pas au Front national en ce qui concerne le conseil scientifique. Et nous avons également un président honoraire, issu de la société civile, ancien PDG de la branche Materne de Danone, qui a travaillé chez Kronenbourg et a eu un parcours professionnel assez exemplaire.
De ce point de vue là, le pari est réussi et ils ont du mal à l’admettre.
Vous intervenez ce soir dans un colloque incitant à "débrancher Mai 68". C’est votre deuxième apparition officielle depuis votre retrait de la vie politique. Pourquoi cet événement ?
Il y a une cohérence. Mon projet éducatif s’inscrit dans une logique métapolitique. Former une élite au service de la cité est un projet profondément politique. Si cette offre se justifie aujourd’hui, c’est parce qu’elle se construit sur la défaite éducative de Mai 68 dont on subit tous les jours les effets. Cela a détruit l’ascenseur social. Il n’y a jamais eu aussi peu de fils d’ouvriers dans les grandes écoles françaises marquées par une espèce d’entre-soi sociologique assez frappante. Nous avons abandonné tous les vecteurs de transmission de notre culture et de notre savoir-être au travers de l’abandon progressif de la culture générale dans la plupart des filières sciences politiques ou dans les business schools. L’excellence et l’exigence étaient considérées comme une forme d’outil bourgeois. Il fallait donc absolument niveler tout vers le bas, soi-disant pour favoriser les classes populaires. C’est, en fait, exactement l’inverse qui s’est passé. Nous nous sommes vendus à une conception très utilitariste de l’éducation. On veut uniquement vendre des compétences immédiatement déployables sur le marché du travail. On considère que tout ce qui relève des humanités, de la culture générale n’est pas valorisable immédiatement et rentable sur le marché, et sont donc mises sur le côté.
Je crois que ce constat sur Mai 68 est largement partagé par la population. Notre projet s’inscrit à rebours de cette idéologie qui a tué la hiérarchie, la verticalité et l’autorité. Elle s’est attaquée frontalement à toutes ces figures d’autorité que sont le patron, le prof, le père, le ministre ou le prêtre, se confondant d’ailleurs assez largement avec la dénonciation du fameux mâle blanc qui a fait un peu polémique ces dernières semaines.
Notre but est de reprendre tout simplement les acquis qui ont fait leurs preuves. Nous souhaitons dispenser à la fois des compétences et des expertises, mais aussi une culture générale et une formation intellectuelle solide qui permettront de former des chefs véritablement aptes à l’esprit critique qui fait terriblement défaut dans le système universitaire français.
Marin Goupil vous appelait "Marion Maréchal nous voilà", Laurent Joffrin titrait en une de Libération "Marion Maréchal, le revoilà". Le fait d’avoir enlevé le nom "Le Pen" et de garder uniquement le nom "Maréchal" ne vous expose-t-il pas aux surnoms et aux raccourcis historiques? Comment prenez-vous ces attaques ?
On me fait cette blague depuis que je suis à la maternelle. J’ai fini par m’y habituer. J’ai fini, aussi, par arrêter d’en rire, car ce n’est pas très original. L’antifasciste de bac à sable me fait assez peu d’effet. C’est la démonstration qu’ils n’ont pas grand-chose à dire sur le fond.
Une fois de plus, on utilise soit la morale soit l’humour, en effet. J’en parlais récemment sur France libre. Cette sorte d’humour est davantage du ricanement idéologique que de l’humour réel. Il est utilisé pour faire passer des messages très politiques. Ces attaques déguisées derrière l’humour sont, en fait, très difficiles à faire condamner devant la Justice et mettent la personne qui les reçoit dans une situation un peu délicate. Si on n’y rit pas, cela montrerait qu’on n’est pas quelqu’un de très amusant et de très ouvert, et si on en rigole, on en est complice. C’est donc devenu la nouvelle arme, en quelque sorte, de la gauche. En ce qui concerne la une de Libé, je dois dire qu’ils ne se sont quand même pas donné beaucoup de mal.
D’où vous est venue cette volonté de transmettre ?
Cela s’inscrit en parfaite cohérence avec ce que j’ai déjà entrepris. Je me suis engagée en politique parce que la défense de la transmission de notre mode de vie, de notre histoire et de nos valeurs s’imposait. Mais je considère que la politique électorale n’est pas le seul levier qui permette de défendre cette transmission. L’éducation en est aussi une voie royale. Comme j’ai toujours défendu le combat culturel et métapolitique, je considère que je reste dans cette même logique, mais par une voie différente et que je crois complémentaire et non concurrente.
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