Promotion de la Légion d’honneur du 1er janvier : qui sont les heureux élus ?

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Nous sommes une jeune république et un vieux pays au cœur monarchique. Nous sommes écartelés entre la hargne égalitaire, révolutionnaire, qui rend les Français jaloux de ceux qui réussissent, et une révérence teintée de snobisme envers ce que Pascal appelait les « grandeurs d’établissement ». Les ordres nationaux sont à la croisée de ces deux aspirations contradictoires. Lointains héritiers des « ordres du roi » (Saint-Michel et Saint-Esprit), la Légion d’honneur (créée par Napoléon) et l’ordre national du Mérite (créé par de Gaulle) sont les témoins de la capacité de l’appareil d’État à se réinventer. Ces deux « hochets », auxquels il faut ajouter la médaille militaire (réservée aux héros non officiers… et aux généraux en chef qui ont commandé au feu), font l’objet de deux grandes « promotions » par an, le 1er janvier et le 14 juillet. Leurs rubans, rouge pour l’un, bleu pour l’autre, sont caractéristiques : « eau chaude, eau froide », disent méchamment les soldats d’un officier qui n’a que ces deux décorations-là.

La promotion dite « du 1er janvier » pour l’année 2024 est sortie le 31 décembre - l’occasion de se pencher sur la liste des promus. Sur le quota présidentiel, on retrouve Bernard Arnault, élevé à la dignité de grand-croix, et David de Rothschild à celle de grand-officier : Macron est quelqu’un de fidèle. Il n’oublie pas de renvoyer l’ascenseur. Parmi les quotas ministériels, on note en revanche des nominations totalement indiscutables : spationautes, professeurs émérites, simples civils intervenus pendant l’attentat d’Arras sont ainsi nommés ou promus. On note quelques concessions à l’air du temps, évidemment : Frédéric Lenoir, philosophe spécialiste de la bienveillance chez les jeunes, ou Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef de La Croix, sont pile dans la tendance. Il y a des rattrapages symboliques (Jean-Louis Borloo qui reçoit la rosette) et des chevaliers qu’on croyait nommés depuis longtemps. C’est, par exemple, le cas de Thierry Ardisson qu’on trouvait jadis, chez les bourgeois, vulgaire et racoleur, et qui, à l’aune de notre siècle si mesquin, domine le show-biz de la tête et des épaules, à deux doigts de devenir une sorte de Fontenelle rock’n’roll.

On pourra s’amuser, ici ou là, à deviner le pourquoi de telle ou telle nomination ; celle de ce couple, nommé la même année ; celle de ce monsieur dont le seul mérite est de lutter contre les discriminations à l’embauche ; celles de ces « administrateurs de société », « présidents de fondation » ou de ces discutables « sportifs », en réalité avocats ou producteurs, nommés sur le contingent de la Jeunesse et des Sports. On pourra surtout se demander pourquoi, parmi tant d’autres grands sportifs objectivement dignes d’éloges, notamment dans le domaine du handisport ou des sports de combat, le Président a préféré donner son aval à la décoration de Frédéric Michalak. On se souviendra peut-être que ce dernier, après avoir signé (aux côtés notamment d’Antoine Dupont) une tribune appelant à voter Macron au second tour en 2022, avait également témoigné son soutien sur X à sa petite sœur voilée.

Toute décoration est symbolique. Le site de la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur rappelle que nommer quelqu’un chevalier de la Légion d’honneur ou de l’ordre national du Mérite, c’est le donner en exemple à ses contemporains. La raison doit (ou devrait) en être le caractère exceptionnel des services rendus à la patrie. On veut le croire...

Excellente année 2024 à tous les lecteurs de BV. Souvenons-nous de festoyer, de rire et de renouveler nos démonstrations d’affection à ceux que nous aimons. Au risque (totalement consenti) de passer pour un niais, il n’y a pas plus méritoire, dans cette triste époque pré-apocalyptique, que d’être heureux. Et ça vaut bien tous les cordons et toutes les breloques, témoignages sympathiques peut-être, dérisoires sûrement…

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Quand on voit ceux qui sont promus, on conclut vraiment que Depardieu ne l’a pas usurpée (n’en déplaise à la ministresse de la sous-culture)

  2. Quand on sait ce que vaut la .. »Légion… des-Honneurs » aujourd’hui…Je n’en voudrais même pas.

  3. Je ne suis pas partisan de ces honneurs avec quota et prérogatives ministérielles, présidentielles etc. Les simples gens sont elles honorées, et si oui, pourquoi ? N’y a t-il pas une certaine tendance à « mettre les gens de son côté » ( pour employer une formule convenable ) avec ces « remises » ? Cela est bien trop galvaudé et convenu de nos jours.

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