Proportionnelle : les Français sont pour. Et Emmanuel Macron y renoncerait !
Alors qu'un sondage de l'IFOP indique que 76 % des Français seraient favorables à la proportionnelle, le chef de l’État serait sur le point d’abandonner une énième promesse : l’instauration de ce scrutin pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale. À seize mois de l’élection législative, il n’aurait plus le temps nécessaire.
Cette décision serait regrettable, car il devient impératif de redonner sa légitimité à la démocratie représentative. Le mode de scrutin proportionnel, appliqué dans la plupart des pays qui nous entourent, permettrait aux principaux courants politiques d’être effectivement représentés à l’Assemblée nationale, ce qui est loin d’être le cas à ce jour.
Certains politiques, souvent des notables accrochés à leur mandat d’élu, reprocheront à la proportionnelle de créer de l’instabilité et de paralyser l’action du gouvernement, comme ce fut le cas avant 1958.
Mais ces arguments ne tiennent plus. La Ve République a considérablement renforcé les attributions du pouvoir exécutif, et notamment du président de la République. En effet, ce dernier, désormais élu directement par le peuple, a vu sa légitimité considérablement renforcée. De plus, il dispose d’un droit très dissuasif de dissolution de l’Assemblée nationale. Son gouvernement peut utiliser la procédure très contraignante du 49.3 et détient le pouvoir de légiférer par ordonnances. Il contrôle l’ordre du jour du Parlement. Il peut recourir au vote bloqué et encadrer la procédure budgétaire. Ainsi, la Constitution donne au président de la République et au gouvernement toutes les armes pour garantir la stabilité ministérielle et éviter la paralysie gouvernementale.
Il convient de souligner que si le général de Gaulle avait souhaité interdire définitivement l’accès au scrutin proportionnel, il aurait fait inscrire le mode de scrutin majoritaire à deux tours, pour la désignation des députés, dans la Constitution. Ce n’est pas le cas. En appeler à l’esprit de la Ve République et à celui qui l’inspira alors que notre Constitution a été maintes fois modifiée depuis 60 ans ne tient pas, ne tient plus.
Cette décision ne peut se justifier par les difficultés de mise en œuvre. Plusieurs solutions sont sur la table, dont deux éviteraient la critique d’un bidouillage électoral quelques mois avant le scrutin.
La première solution serait la proportionnelle départementale applicable dans toute la France métropolitaine et d’outre-mer. C’est celle retenue par François Mitterrand pour les élections législatives de 1986. Il ne s’agirait pas, là, d’une proportionnelle véritablement intégrale, car la dimension plutôt réduite des circonscriptions (les départements), la règle de la plus forte moyenne et la fixation d’un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour participer à l’attribution des sièges ont des effets majoritaires importants. Par exemple, en 1986, les députés RPR-UDF avaient pu constituer une majorité absolue avec 44 % des voix.
La deuxième solution consisterait à mettre en place un scrutin législatif mixte, à savoir qu’une partie des départements, dont la population est la moins importante, continuerait à élire leurs députés au scrutin majoritaire comme aujourd’hui. Les autres départements, dans lesquels cinq députés et plus sont à ce jour éligibles, opteraient pour la proportionnelle. Avec ce dispositif, déjà mis en œuvre pour l’élection des sénateurs et dans des pays comme l’Allemagne, trois quarts des députés seraient élus à la proportionnelle.
Ainsi, rien ne s’opposerait à l’instauration du scrutin proportionnel pour les prochaines élections législatives. Alors, pourquoi ce renoncement ?
Peut-être une arrière-pensée politicienne : empêcher l’arrivée d’un nombre conséquent de députés du Rassemblement national au Parlement, ou alors, tout simplement, un manque de volonté politique.
Pour éviter toutes supputations, respecter son engagement et, au passage, ne pas trahir ses propres amis politiques, il reste au Président une décision : demander l’avis des Françaises et des Français en organisant un référendum. Dans cette période troublée par une crise sanitaire qui n’en finit pas de peser sur le climat politique, cet appel au peuple constituerait un acte de respiration démocratique.
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