Provins : une tour médiévale détruite ou « mise en sécurité » ? Débat ouvert…

La tour n°18 sous les assauts de la pelleteuse. Provins © Julien Limongi
La tour n°18 sous les assauts de la pelleteuse. Provins © Julien Limongi

Émotion, chez les Provinois et, au-delà, chez les défenseurs du patrimoine : début février, une tour du XIIIe siècle a été détruite à Provins. À Provins, ville où la tour César, l’église Saint-Quiriace, la Grange aux Dîmes, les Remparts, etc., forment un ensemble médiéval classé à l’UNESCO ! Le maire Olivier Lavenka (LR) s'en défend : pour lui, il n’a fait que « mettre en sécurité une tourelle » dans le cadre de l’aménagement de la Ceinture verte.

Trois petites tours et puis s'en vont

Nous sommes boulevard du Grand-Quartier-Général, qui marque la limite est de la vieille ville. À la périphérie du noyau médiéval qui fait la gloire de Provins. C’en est un élément « confidentiel », pour reprendre le terme d’un document technique officiel de 2017, qui parle d’une « séquence urbaine, paysagère et patrimoniale », d’« un ensemble de qualité » (p. 42). Soit trois tours, coupées à leur premier niveau. Elles sont « très homogènes dans leur conception et leur réalisation », écrivait l’historien Jean Mesqui. Elles ne sont plus que deux, désormais.

À la tête du Collectif pour l’intégrité de la Promenade provinoise (CIPP), Françoise Sistel avait déjà alerté sur la quarantaine d’arbres coupés pour créer la « Ceinture verte ». Une première atteinte patrimoniale. Mais le 5 février, elle n’en a pas cru ses yeux en voyant un instrument de chantier s’en prendre à la tour. « Nous n’avons pas vu venir le coup, explique-t-elle à BV. Nous avons été sidérés et avons beaucoup discuté de ce qui ce passait, entre Provinois. »

Le maire nie toute destruction

La destruction en cours a été signalée dès le 5 février, sur Facebook, par le CIPP, mais aussi sous forme d’un communiqué par Julien Limongi, Provinois et député RN de Seine-et-Marne. Dans une tribune publiée par nos confrères de Frontières, il s’interroge sur l’argument utilisé par le maire de Provins selon lequel la tour « n’était pas classée ni inscrite aux Monuments historiques ». Auprès de BV, le député constate que « cela pose un vrai débat sur tout le patrimoine non classé en France : églises, châteaux, etc., dont on pourrait faire ce qu'on veut ». Le maire conteste cette interprétation : « En précisant que la tour n'était pas classée, je ne donnais pas un argument, je rappelais juste une réalité factuelle et juridique », explique-t-il à BV.

Quelle est sa version des faits ? Il nous la donne bien volontiers : « Les vestiges de la tourelle surplombent le futur jardin public. Ce sont donc des contraintes de sécurité du site et du parcours qui ont justifié les travaux de mise en sécurité de cette tourelle et qui seront suivis de sa restauration à l’identique. » Il conteste donc « absolument » le terme de destruction : « La tourelle a été mise en sécurité sur toute sa partie supérieure qui menaçait de s’ébouler. Ses deux voisines, en bon état, ne seront d’ailleurs pas touchées. » Et il rappelle à BV que « la ville continue de faire les preuves de son engagement sans failles dans la restauration de son patrimoine ».

Le député réclame les expertises et les contrats

De son côté, Julien Limongi est dubitatif sur le fait que la tour allait s'ébouler. « La tour était visuellement en bon état. Il a fallu quatre jours de pelleteuse pour en venir à bout… » Il dénonce une municipalité où la communication est déficiente. « Provins, jadis la ville d’Alain Peyrefitte, ancien fief de Christian Jacob, est aujourd’hui la ville d’Olivier Lavenka. La mairie verrouille tout. C’est comme une vieille baronnie où personne n’ose lever le petit doigt. » Julien Limongi attend maintenant des documents pour comprendre ce qui s’est passé : « Je demande l’expertise qui a conduit la mairie à dire que la tour était fragilisée et qu’il fallait la détruire pour la reconstruire, mais aussi le contrat entre l’entreprise de bâtiment et la mairie. J’aimerais savoir si la destruction de la tour était planifiée et combien cela a coûté. »

Car, enfin, une tour du XIIIe qui est détruite puis « reconstruite », quelle valeur a-t-elle ? Fait-elle encore partie de notre Histoire ou n’est-elle plus qu’un décor de carton-pâte ? Le député RN a alerté Rachida Dati, les Bâtiments de France, l’association Urgence Patrimoine… Il l’affirme à BV : « Le sujet est plus politique que technique, désormais. » Quant à savoir si la tour est détruite ou « mise en sécurité », nous laissons nos lecteurs juger.

 

Source: Facebook CIPP

Picture of Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

19 commentaires

  1. Le maire déclare avoir décidé de détruire puis de reconstruire cette tour… Alors je serais curieux de voir le contrat de reconstruction de la tour….
    Encore une « promesse verbale » comme savent le faire de nombreux politiques.

  2. Personnellement, depuis 1974, je restaure et reconstruis à peu près à l’identique un hameau abandonné dans le Gers. J’en suis au quatrième et dernier bâtiment. La question posée – reconstruction et authenticité – m’interpelle directement ! Pour ma part, j’ai fait le choix de démonter ce qui était encore debout mais dangereux, de trier les matériaux ainsi récupérés et de les réemployer pour garantir l’esthétique (ce que personne ne m’a demandé mais que je fais par conviction) sans renoncer aux moyens modernes (fondations en béton armé, mortier de qualité, fenêtres en double vitrage…). J’habite sur place depuis 25 ans et m’y trouve fort bien. Je pense avoir sauvé l’essentiel. Si je n’avais rien fait, le tas de ruines initial aurait probablement été rasé par sécurité sans autre procès.

  3. Aucun monument historique n’a pu survivre sans restaurations, suite aux dégradations du temps, ou aux accidents (comme ND de Paris). Et l’authenticité n’est pas à remettre en cause, si la reconstruction ou restauration permet la maintenue dans l’Histoire. J’ai dans ma région un arbre vieux de 13 siècles, creusé de deux chapelles, accessibles par un escalier; au fil du temps, selon les menaces dues aux intempéries, aux champignons & autres maladies, à la surfréquentation touristique, il a fallu l’étayer, traiter écorce et branchages, démolir les chapelles, l’escalier des visites, reconstruire après traitements ces fragiles édifices…. mais il est toujours là, et son histoire est intacte!

  4. Soyons raisonnables, c’est ce qui nous différencie de la Gauche : N.D. de Paris est sans doute moins moyenâgeuse que jadis mais elle est debout. Viollet-le-Duc l’avait restaurée sans lui nuire et c’est sans doute à ce jour le seul remerciement que l’on puisse adresser à Macron .

  5. Ah oui, on vois très bien sur la photo l’immense danger que provoquait cette construction, oui un vrais danger mais il ne proviens pas de cet antiquité mais bien d’ailleurs, on nous a bien dit que la France n’a pas d’histoire, non ?

  6. Détruire un authentique vestige du XIIIe siècle pour reconstruire le même tout neuf est est un véritable non sens ; il suffisait de consolider les parties fragiles , ce qui aurait coûter moins cher et permis de garder le patrimoine intact ; un chantier qui a dû rapporter gros à un copain ?

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Est-ce que les Français ont le droit de donner leur avis sur l’immigration ?
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois