QR code dans les restaurants et lieux culturels : une Stasi 2.0 ?

TousAntiCovid

Le gouvernement, sans bien sûr donner de date, travaille à la réouverture des bars, restaurants, musées et salles de sport, et, comme depuis le tout début de l’épidémie, la seule réponse qu’il sache donner est un renforcement du contrôle de la population française et, partant, un rétrécissement de nos libertés.

De quoi s’agit-il ? À l’entrée des restaurants, par exemple, un QR code d’identification cryptée lié à l’application TousAntiCovid devra être scanné par le futur client avant de s’installer à sa table. L’affichage du QR sera obligatoire, mais peut-on forcer un client à télécharger une application qui, rappelons-le, permet le traçage des contacts d’une personne contaminée ? La CNIL a validé cette intrusion supplémentaire dans la vie privée, mettant en avant son utilité dans l’identification des chaînes de contaminations. À ce jour, seuls 13 millions de Français l’ont fait, soit 20 % de la population.

Le chantage à la vie retrouvée et aux plaisirs simples qui en font le sel est le nouveau moyen d’accélérer le traçage de la population : comme le dit Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État au Tourisme, « on veut enrichir Tousanticovid pour améliorer la traçabilité. Cela permet de mieux tracer les gens et de remonter les chaînes pour lutter contre le virus, tout en permettant de retrouver une vie plus normale. »

Ainsi, pendant quinze jours après votre petite échappée en terrasse, l’application gardera en mémoire l’heure et le lieu où vous êtes allé et qui vous avez rencontré… puisque vos commensaux auront aussi flashé le QR code. Une Stasi 2.0.

Sur le caractère obligatoire de la démarche, Jean-Baptiste Lemoyne est resté assez évasif : « Le QR code sera obligatoire en termes d'affichage » pour les restaurants. « Il y a un certain nombre de sujets éthiques. Mais la responsabilité, c'est aussi de ne pas être dans une démarche égoïste. On est responsable aussi de la santé des autres. »

Ainsi, à défaut de pouvoir, pour le moment, graver l’obligation de cette pratique dans le marbre d’une loi, on en appelle à la néo-morale « covidienne » et à son corollaire, la culpabilité, celles-là mêmes qui justifient depuis un an les plus invraisemblables limitations de liberté.

Il était question, ces jours-ci, de tester ce dispositif dans les restaurants routiers qui ont en ce moment « le droit » d’être ouverts. Tollé chez les routiers, l’idée a dû être abandonnée car, comme l’explique à France Info Patrice Clos, secrétaire général de FO Transports, « les routiers ont un moment de liberté lors du déjeuner, ils n'ont pas envie qu'on sache où et avec qui ils sont ».

Qu’en disent les syndicats professionnels ? Partagés entre l’envie d’ouvrir les commerces et la crainte qu’un système trop manifestement intrusif fasse fuir les clients, ils sont mitigés, et coincés. « Si on engage ce processus avec des consommateurs qui viennent s’échapper un peu, honnêtement je m’y opposerai », affirme, à France Info, Régine Ferrère, présidente de la Confédération de l’esthétique, tandis que Hubert Jan, président de l’UMIH restauration, applaudit à ce dispositif… s’il ne devient pas « un passeport sanitaire qui nous obligerait à faire la sélection de nos clients ».

Il est vrai qu’on imagine mal le débonnaire patron d’un bistrot du Tarn refuser de servir un cassoulet au motif que le client refuse d’être fiché !

Au-delà des interrogations nécessaires sur la sécurité d’un dispositif numérique qui collecte des données personnelles, on espère - s’il venait à être mis en place - qu’il susciterait chez ce qui reste de Gaulois réfractaires dans la population française un ultime sursaut de dignité pour refuser la mise sous tutelle de nos plus élémentaires libertés.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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