Quand Emmanuel Macron félicite le pape François pour son voyage en Irak
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À peine rentré de son voyage officiel en Irak, le pape François s’est entretenu au téléphone avec Emmanuel Macron, l’occasion pour l’Élysée de saluer la diplomatie vaticane, qualifiée de « véritable tournant pour la région ». Malgré les apparences, ces deux hommes ne sont pas sans points communs : l’un s’étant fait élire sans les traditionnels partis politiques constitués, tandis que le second, malgré ses origines italiennes, est le premier pape à n’être point européen. Ce qui peut aussi expliquer pourquoi les deux partagent aussi cette logique du « en même temps », propre à irriter leurs partisans respectifs.
Autre point commun : aucun ne cède aux logiques bellicistes en vogue. Contrairement à ses deux prédécesseurs, Emmanuel Macron n’a mené de guerre ni en Libye ni en Syrie. Et le pape François, perpétuant la politique de Jean-Paul II et de Benoît XVI, a pris son bâton de pèlerin pour entamer un dialogue direct avec ses « homologues » musulmans.
Il y a deux ans, le pape rencontre donc au Caire le recteur de l’université d’Al-Azhar, la plus haute autorité sunnite, et y signe un texte commun relatif à la « fraternité humaine ». Lors de sa visite en Irak, c’est l’ayatollah Ali Sistani, l’un des représentants les plus éminents du chiisme, avec lequel il s’entretient, « un homme humble et sage qui ne se lève jamais pour saluer un visiteur, mais qui s’est levé pour me saluer par deux fois. […] Voilà qui m’a fait du bien à l’âme. »
Il y a trente ans, 6 % des Irakiens étaient chrétiens. Ils ne sont plus que 1 %, aujourd’hui. Il est vrai que, depuis, deux guerres américaines – en 1990 et 2003 – ont renvoyé l’Irak à l’âge de pierre. Dans le même temps, les Saoudiens, meilleurs alliés de Washington, participaient de la naissance de l’État islamique, dont l’un des principaux objectifs consistait à « mettre les chiites dans la tombe » et à « renvoyer les chrétiens à Beyrouth ». Autant dire qu’à l’occasion de ce voyage à Bagdad, le pape François marchait sur des œufs, fussent-ils bientôt de Pâques.
But de la manœuvre ? Ne pas froisser les sunnites majoritaires au Caire tout en faisant assaut de bonnes manières, à Bagdad, vis-à-vis des chiites minoritaires : s’il existe un génie du catholicisme, ne négligeons pas non plus celui du chiisme et de l’antique nation où il demeure religion d’État.
Ce faisant, le pape François prend habilement à contre-pied les alliés sunnites des USA, wahhabites saoudiens et Frères musulmans qataris, les uns finançant l’islamisme de combat, les autres l’activisme sociétal, façon CCIF et « islamo-gauchisme » universitaire. Ainsi, lorsqu’il dénonce le martyre des yézidis, c’est aussi un message discret qu’il envoie à Téhéran.
En effet, ces musulmans yézidis ne sont jamais que survivance du vieux culte zoroastrien, première religion monothéiste au monde, dont le berceau se trouve en Perse, là où ces derniers ont toujours droit à une représentation parlementaire, au même titre que les juifs et les chrétiens, alors qu’ils ont été persécutés par les islamistes sunnites de Daech.
La presse iranienne ne s’y est pas trompée qui, des journalistes les plus « conservateurs » jusqu’aux plus « progressistes », saluent en ce voyage à hauts risques « l’événement le plus marquant dans l’histoire du dialogue entre religions », le journal Iran allant jusqu’à titrer « Victoire pour le chiisme et le christianisme ! »
À en croire que ce pape est parvenu à ce tour de force consistant à rappeler que les trois religions abrahamiques (judaïsme, christianisme et islam) font malgré tout partie de la même famille.
Cela, il n’est pas incongru que ce pape le rappelle à certains musulmans ayant parfois une fâcheuse tendance à l’oublier. C’est peut-être ça, aussi, qu’Emmanuel Macron a tenu à saluer.
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