Quand la famille Clain tout entière a basculé dans le djihad

Daesh Djihad

Les Clain venaient de La Réunion. La mère, très pieuse, donnait des cours de catéchisme. Dans les années, 90, elle s'était installée à Alençon, où elle élevait ses enfants, dont Fabien et Jean-Michel, que la France apprendrait bientôt à connaître. En 1996, la sœur, Anne-Diana, est en couple avec un Tunisien dont l'influence fera basculer toute la famille. Les frères Clain, qui se promenaient jusque-là dans les rues avec une lourde croix latine et ne faisaient pas mystère de leur foi catholique, se convertissent à l'islam. Leurs sœurs, puis leur mère, les suivent. Et, comme ce sont des passionnés, ce n'est pas vers un hypothétique « islam des Lumières » qu'ils se tournent tous, mais bien vers l'islam dans sa version la plus pure.

Les frères déménagent à Toulouse, s'installent dans le quartier du Mirail et vivent selon leur foi. Des photos de La Mecque sur les murs, une stricte observance des mille rites de cette orthopraxie qu'est le véritable islam et, déjà, un profil qui attire les services de renseignement intérieur. La famille Clain se rapproche d'Olivier Corel, « l'émir blanc », qui recrute dans l'Ariège, en toute impunité, mais aussi d'un certain Mohammed Merah. En 2007, Fabien Clain est arrêté par la police, qui le soupçonne de préparer des actes violents, et écope de cinq ans de prison. À sa sortie, Merah est passé à l'acte. On ne saura jamais précisément si le charisme et le prosélytisme de Clain avaient joué un rôle dans la radicalisation de cette petite frappe de Toulouse. Fabien Clain fréquente la mosquée de Drancy et prépare déjà la suite.

En 2015, par vagues successives, le « clan Clain » franchit les frontières de l'espace Schengen, puis du monde occidental, à bord de véhicules personnels, sans réseau, sans passeurs, juste comme ça. Jean-Michel Clain est déjà au Cham, le Levant, territoire conquis par Daech sur l'Irak et la Syrie en crise. Son frère Fabien, leur mère, leurs sœurs, leurs enfants l'y rejoignent. Fabien devient la voix francophone de Daech. Il revendique en français les attentats du 13 novembre 2015. Les Clain sont tous des fanatiques. Ils entrent dans la clandestinité à mesure que l'emprise occidentale se referme sur Daech et réduit son territoire.

Le 20 février 2019, une frappe de la Coalition sur Baghouz, dernier réduit de ce qui fut l'État islamique, tue Fabien Clain et blesse très grièvement son frère. La nièce des frères Clain est aujourd'hui dans un camp de prisonniers. Leur sœur, elle, n'avait pas pu rejoindre Raqqa et témoignait, cette semaine, au procès des attentats du Bataclan : « On était en recherche spirituelle depuis pas mal d'années... On était dans l'extrême pratiquement depuis le début. On était tous persuadés que c'était ça, l'islam. Dans l'extrême. Dans la guerre », a-t-elle déclaré.

Que penser de ce parcours ? Ce qu'on voudra, mais d'abord ceci : nous, sociétés occidentales, ne sommes plus capables de donner à des natures passionnées les moyens de se réaliser au service d'un idéal. Dans un monde où le succès se mesure en salaire brut et où faire une école de commerce est le nec plus ultra, il n'y a de place pour les frères Clain que dans un monde de violence et de chaos. Nous n'avons pas de contre-discours, donc nous ne nous faisons pas respecter. Nous ne savons que chevroter « les valeurs de la république » sur un ton d'auxiliaire de vie scolaire ; on « condamne avec fermeté », comme on dirait « Mattéo, ça suffit, vous allez voir le proviseur ». De raison de vivre et de mourir, point.

Deuxièmement, les conversions se font par l'exemple : le fiancé d'Anne-Diana, puis les frères, puis la mère, etc. Nos tristes bourgeois « de droite », pécresso-macronistes, qui pensent qu'être catholique, c'est lire La Croix, et que Macron mettra leurs économies à l'abri, feraient bien d'en prendre de la graine. « Les gens qui sont contre l'avortement sont souvent des gens avec qui, de toutes façons, on n'aurait pas eu envie de coucher », constatait impitoyablement l'humoriste américain George Carlin. C'est bien ça, le problème. Nous n'incarnons plus nos idées et nous ne savons pas les rendre attractives.

Triste destin, si l'on veut, que celui de la famille Clain. Mais, aussi, incroyable gifle à tout notre modèle éducatif et surtout politique. Les Clain étaient français depuis toujours. Ils avaient baigné dans un milieu catholique. Cela n'a, en l'occurrence, rien à voir avec l'immigration et tout à voir avec nos propres renoncements.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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