Quand la gauche consent à une union contre-nature pour conserver ses sièges

olivier faure

« Quelques jours pour faire front populaire. » Depuis l’annonce de la dissolution, les grands partis de gauche et d’extrême gauche tentent obstinément de sceller une alliance électorale pour les législatives, et ce, malgré de profonds désaccords irréconciliables. Antisémitisme, qualification du Hamas, guerre en Ukraine, figure de Jean-Luc Mélenchon… ces divergences insurmontables séparent La France insoumise des socialistes. Pourtant, ces partis semblent prêts à s’asseoir sur leurs convictions pour conserver leur siège. Mais, ce mercredi 13 juin, énième retournement de situation. Après un accord brandi fièrement par les ténors de la gauche et après un accord sur la répartition des circonscriptions (229 pour LFI, 175 pour le PS, 92 pour EELV, 50 pour le PCF), les discussions entre les partis du nouveau « Front populaire » sont suspendues pendant quelques heures. Les socialistes refusent-ils, finalement, de vendre leur âme aux Insoumis ? Difficile d'y croire.

Le Hamas, une organisation terroriste ?

« Je suis prête à tout, du moment qu’on gagne. » Le 11 juin, Sandrine Rousseau posait le cadre de l’alliance de la gauche et de l’extrême gauche. Peu importe les divergences de fond, tout est permis pour l’emporter les 30 juin et 7 juillet prochains. Résultat : après une campagne des européennes durant laquelle insoumis et socialistes n’ont eu de cesse de s’invectiver - parfois avec violence -, de se décrédibiliser mutuellement et se combattre, les voilà maintenant main dans la main pour le scrutin législatif. Au-delà des querelles électorales qui, somme toute, rythment les campagnes électorales, en acceptant de s’allier à La France insoumise, le Parti socialiste commet « une faute politique et morale », selon Manuel Valls, interrogé par Le Point.

Car les sujets de discorde ne manquent pas, à gauche. La question du Hamas, qui avait déjà mis fin à la NUPES à l’automne dernier, est ainsi essentielle. D’un côté, les socialistes, et notamment Raphaël Glucksmann, n’a pas peur de caractériser le mouvement palestinien d’organisation terroriste. De l’autre, les Insoumis s’y refusent. Ce 13 juin encore, Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, interrogé par Laurence Ferrari, s’abstenait à nouveau de qualifier clairement le Hamas de mouvement terroriste. À cela s’ajoute l’arrivée du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) de Philippe Poutou au sein du Front populaire, qui, pour rappel écrivait dans un communiqué, au lendemain du 7 octobre : « Le NPA ne se joint pas à la litanie des appels à la "désescalade". » « Cette fois-ci, l'offensive est du côté de la résistance. […] Le Hamas appelle les Palestiniens à se soulever dans tous les territoires et à lutter contre l’occupation. […] La gauche devrait se rappeler de la nécessaire solidarité avec les luttes de résistances contre l'oppression et l'occupation. Le NPA rappelle son soutien aux Palestiniens et aux moyens de luttes qu'ils et elles ont choisi pour résister », ajoutait le communiqué. Une prise de position à rebours de celle du PS qui, par la voix de son président Olivier Faure, affirmait que « le Hamas est une organisation terroriste » et non « l’armée régulière de Palestine ». En octobre, le député socialiste affirmait d'ailleurs, à ce sujet, être « pour l’union, mais pas à n’importe quelles conditions ». A-t-il changé d’avis, de peur de ne pas être réélu ?

Ils sont prêts à tout

Vient ensuite le problème de l’antisémitisme. Durant la campagne, Raphaël Glucksmann a, ainsi, été la cible d’attaques antisémites causées, si l’on en croit son entourage, par les outrances des Insoumis. Jean-Luc Mélenchon s’est, par ailleurs, distingué en déclarant qu’il ne reste qu’un « antisémitisme résiduel », en France. Olivier Faure (encore lui) avait aussitôt dénoncé la posture du chef de file de LFI. « Pourquoi minimiser les actes antisémites quand tout indique qu’ils explosent ? » lui rétorquait-il. Mais huit mois plus tard, le PS semble à nouveau se renier sur cet autre sujet de discorde. Et que dire de Jean-Luc Mélenchon, présenté comme un potentiel Premier ministre par son parti, mais décrié par les autres membres du « Front populaire » ?

Reste, enfin, la question de la méthode. Raphaël Glucksmann n’a pas manqué de dénoncer, à plusieurs reprises, « la brutalisation » de la vie politique, initiée notamment par La France insoumise. Drapeaux palestiniens brandis dans l’Hémicycle, invectives ad hominem, insultes, alliance avec la Jeune Garde, un collectif antifa connu pour ses méthodes violentes… Le PS, tout comme le Parti communiste français, cautionnent-ils vraiment ? Et que dire de l’engagement féministe, en apparence si cher à Sandrine Rousseau ? Est-elle prête à renier ses convictions et à soutenir la candidature d’Adrien Quatennens, condamné à quatre mois de prison avec sursis pour violences conjugales ? Et quid de la question ukrainienne ?

Enterrées pendant plus de 72 heures par les dirigeants des différents partis de gauche, ces divergences commencent à refaire surface. Ce jeudi 13 juin, les échanges pour la construction d'un accord électoral ont été suspendus pendant plusieurs heure. Ils ont, finalement, repris en début d’après-midi. Mais si les cadres de la gauche semblent prêts à se renier pour garder leur siège, qu'en est-il de leurs militants ?

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

87 commentaires

  1. Avec cette gauche violente, je pense au régime de l’union soviétique , et actuellement de la Chine et la Corée du Nord et beaucoup d’antisémitisme , je ne comprends pas que le peuple qui voit ce spectacle affligeant de ces gauchistes n’acceptent pas le vote démocratique , cela augure mal de la suite à venir

  2. Qui se souvient que c’est un gouvernement de gauche, issu du Front populaire, qui a voté les pleins pouvoirs en 1940 au maréchal Pétain ?

  3. Non, cette alliance de la gauche n’est pas contre nature, car la nature de la gauche a bien changé, elle a muté vers le communautarisme et l’islamo gauchisme, leur alliance est naturelle.

  4. La gauche fait sa tambouille et ses électeurs trancheront.
    Je suggère que les électeurs de droite sanctionnent lourdement les « chapeaux à plumes judas » qui ont lynché Ciotti, bien que j’aie du mal à digérer son vote qui a sanctionné Grégoire de Fournas.

  5. Prêts à tout pour être élus ou réélus ! Faure saborde le PS en s’alliant avec LFI et ses mélenchonnistes. Ignoble.

    • C’est une question de culture et d’opportunisme dans lequel la gauche est imbattable. Autrefois, Mitterrand s’était bien allié aux communistes avec un programme commun.

  6. Le rassemblement de la honte Macron a raison de dire que Léon Blum doit se retourner dans sa tombe, mais les LR hystériques ne sont pas en reste, ils sont en ce moment même en train de négocier des sièges avec la macronie !!

  7. Depuis le virage chinois en direction d’une économie de profit (1980s) et l’effondrement soviétique (1990s) la gauche, en tout cas celle française, est totalement déboussolée. Économiquement elle est incapable de proposer des solutions raisonnables et efficaces de contrôle des excès du capitalisme. Il ne lui reste que la vie quotidienne et les mœurs. Mais même dans ce domaine elle se heurte à une droite capitaliste qui a très bien compris que c’est sur ce terrain qu’il fallait quelle se donne un air progressiste. C’est tout bénéfices : « le progrès » dans ce secteur peut aussi rapporter beaucoup d’argent.
    Un seul point commun entre la droite d’affaires et le socialisme: le mondialisme. Donc Haro sur la droite « nationale ».

  8. Le boulot représente un bond dans la hiérarchie sociale pour la plupart des députés , et il est rémunérateur (moins que député européen) , avec un système de retraite bien plus avantageux que le commun des travailleurs (moins que député européen), et puis cette ivresse du pouvoir , tous ces gens qui viennent vous voir, qui vous courtisent , vous flattent , vous devenez l’égal des plus grands de votre petit territoire .
    Alors pour conserver sa place tout est bon , adieux ses principes , sa morale , son idéologie politique quand on en a une , et l’âme on la vend au diable s’il le faut.

  9. Blum, Mendes France, Fabius, Glucksmann et tant d’autre sont ils notoirement des antisémites et des antisionistes ?
    Il me semble que l’histoire de notre nation prouve le contraire, mais que le présent infirme. Le futur laisse présager des 7/10/2023 à la française…

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois