Quand la presse fait dans l’uchronie : avec des si et des mais, Boris Johnson aurait échoué !
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On le sait, la victoire de Boris Johnson a profondément peiné nombre de journalistes. Si près de Noël, ce n’est pas très gentil de la part du Grand-Breton. Ils avaient déployé de belles démonstrations, noirci du papier et écrasé du clavier à démontrer par a + b que ce trublion hirsute et foutraque n’avait aucune chance de réussir là où la raisonnable et bien coiffée Theresa May avait échoué. Le Brexit était un « malentexit », un moment « dégarexit », les Anglais d’ailleurs le regrettaient déjà : on allait faire un nouveau référendum et tout allait s’arranger. Exit le Brexit ! Puis la réalité s’est réinvitée. À laquelle certains peinent à se résoudre : qu’à cela ne tienne, dans un article, tout tient dans l’angle. Ouest-France a résolument choisi le sien : l’uchronie.
« Boris Johnson aurait perdu l’élection britannique avec un vote à la proportionnelle. »
Le procédé littéraire est connu. Et si… Et si le nez de Cléopâtre avait été plus court ? s’interrogeait Blaise Pascal. Et si, du fait de l’achat de la Corse par l’Autriche, Napoléon était devenu le feld-maréchal von Bonaparte ? imaginait Jean Dutourd dans le livre du même nom. Et si Adolphe Hitler n’avait pas échoué au concours d’entrée à l’école des beaux-arts de Vienne ? se demandait, dans La Part de l’autre, Éric-Emmanuel Schmitt. Et si ma tante en avait… elle serait mon oncle, concluait Pierre Dac. Avec des si et des mais, on peut mettre Paris en bouteille et faire revenir Londres dans le droit chemin.
C’est une conception amusante et originale de l’information, qui pourrait porter le titre d’une chanson sirupeuse : « Laisse-moi rêver ». En ces temps moroses, elle mériterait d’être explorée, pour faire voir l’actualité aux Français avec des lunettes roses bonbon sur le nez. Dès potron-minet, on lirait dans son quotidien préféré : « La circulation serait fluide sur les périphériques parisiens avec des transports en commun opérationnels. » À défaut d’être bien informé, on serait moins désespéré. Et c’est tout ce qui compte, n’est-ce pas ?
On peut, évidemment, recalculer, pourquoi pas, les résultats de toutes les élections en changeant le mode de scrutin. Certains politiques ne se gênent pas, du reste, pour étudier ces projections avec le dessein inavouable, un jour, de faire peut-être voter une loi, pour leur camp, plus favorable… François Mitterrand a ainsi tricoté à la gauche de confortables législatives sur mesure, renforçant le FN pour affaiblir la droite. Chirac a détricoté l’ouvrage dès qu’il en a eu la possibilité, bricolant à son tour un suffrage à sa main. Puisqu’on en parle, on ne sache pas que la simulation de proportionnelle intégrale lors des dernières législatives françaises, qui aurait fait rentrer 80 députés du FN à l’Assemblée nationale (selon la projection du site de FranceInfo, le 6 juin 2017), au lieu des 8 actuels, ait suscité, en son temps, un titre uchronique dans Ouest-France. On se demande bien pourquoi.
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