Quand les harkis étaient conspués par la gauche
Ainsi donc, quelques jours avant le 25 septembre, journée d’hommage national aux harkis, Emmanuel Macron annonce une loi à venir « de reconnaissance et de réparation » à leur endroit. C’est fort, très fort, trop fort. Si fort que la droite réunie vacille, interdite, et doit reconfigurer son logiciel. Comment ne pas se réjouir, mais comment ne pas non plus flairer l’entourloupe à plein nez ?
C’est Jacques Chirac, en 2003, qui avait instauré cette journée d'« hommage national aux harkis et aux forces supplétives ». C’est Julien Aubert, en juillet dernier, qui, avec 33 députés LR, avait, dans une tribune, demandé à Emmanuel Macron de faire un geste pour les harkis.
Si l’on remonte encore plus loin, force et de reconnaître que c’est la droite, et souvent même la droite la plus dure, qui a prêché dans le désert pour les harkis. « Seul depuis le premier jour le Front national aura proclamé la vérité sur la honteuse trahison dont furent victimes ceux loyaux à notre France », écrit Jean-Marie Le Pen sur Twitter. Un attachement pour ces soldats musulmans, français jusqu’au sang versé, dans lequel a été élevée Marine Le Pen, et qui explique sans doute qu’aujourd’hui, son discours sur la miscibilité de l’islam en France soit moins catégorique que certains le voudraient.
De fait, le peu de cas qui a été fait des harkis arrivant sur notre sol à la fin de la guerre d’Algérie est évidemment intimement lié au parti pris pro-FLN des élites politiques, médiatiques, intellectuelles de l’époque. Les harkis étaient perçus par leurs coreligionnaires indépendantistes comme des traîtres. Et étaient donc méprisés jusqu'en « métropole ». Pour avoir trop aimé notre pays et l’avoir défendu comme des Français à part entière, ils ont été, en somme, les premiers « Arabes de service », « collabeurs », « bounty », « nègres de maison », « native informant » - comme sont usuellement qualifiés, sur les réseaux sociaux, Linda Kebbab, Jean Messiha, Kamel Daoud, l’imam Chalghoumi, Rachel Khan… par l'extrême gauche - et l’ont payé de la pire des façons. Les seuls à avoir fait montre d’empathie pour eux ont donc été leurs frères d’armes, ceux qui avaient lutté à leur côté, et mangé le même « pain de la misère », pour reprendre l’expression du chanteur pied-noir Jean-Pax Méfret. Le massacre dont ils ont fait l’objet, la trahison sans vergogne des accords d’Évian, le sentiment tragique d’impuissance mêlée de culpabilité qui a étreint alors les militaires forcés de les abandonner n’ont du reste pas été pour rien dans l’engagement « OAS » de ces derniers (à l'instar du célèbre commandant Guillaume, alias le Crabe-Tambour).
Oui, comment la droite, au sens large, pourrait-elle faire autrement que saluer le geste… et s’indigner en même temps (!) de l’ingénieuse schizophrénie d’un gouvernement capable, presque simultanément, de déposer une gerbe devant le monument des « martyrs du FLN » à Alger et de rendre hommage en des termes élogieux - « figure majeure de l’histoire contemporaine de l’Algérie » - à celui qui, en 2000, avait traité les harkis de « collabos », feu Abdelaziz Bouteflika.
Mort de Bouteflika: Macron salue une "figure majeure" de l'Algérie et "un partenaire exigeant pour la France"https://t.co/ibE1fc47FT pic.twitter.com/Qor8XzRwoB
— BFMTV (@BFMTV) September 19, 2021
Que la France n’ait pas été à la hauteur est un fait, mais le sort des harkis sur notre sol est toujours plus enviable que celui, atroce, subi par ceux qui sont restés en Algérie. Algérie toujours prompte à battre la coulpe des autres mais qui n'a jamais reconnu ses exactions, fait repentance pour les dizaines de milliers de harkis et pieds-noirs morts ou disparus. Emmanuel Macron n'en a demandé aucun compte, comme si lever le voile sur les vrais tortionnaires reviendrait à donner du grain à moudre au moulin réactionnaire. Il préfère retourner comme une chaussette la cause des harkis à son profit ; soyons bons joueurs, reconnaissons que l'exercice est assez réussi ! Ce n’est pas leur statut ô combien honorable de soldat valeureux, patriote et sacrifié qui est mis en avant, mais celui d’Arabe musulman, auquel la France doit éternellement et ontologiquement demander pardon... même s'il a été assassiné par d'autres Arabes musulmans. Emballez, c’est pesé ! Le tour est dans le sac et vient s’inscrire astucieusement, ni vu ni connu, dans la grille de lecture antiraciste de la gauche. Chapeau, maestro ! Supplétifs les harkis sont, supplétifs les harkis restent, mais, cette fois, de l’armée électorale d’Emmanuel Macron.
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