Quand Macron souhaite réformer les universités mais ignore les causes du déclin

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Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron a laissé Frédérique Vidal, qui n'a guère brillé par ses initiatives, s'occuper des universités. À trois mois des élections, il vient d'annoncer, devant la Conférence des présidents d'universités, rebaptisée France Universités, une réforme « systémique » de l'enseignement supérieur qui, par sa gratuité, coûterait un pognon de dingue pour un rendement médiocre. Que cache ce soudain intérêt pour l'enseignement supérieur ?

Il n'est pas sûr que cette sortie fasse plaisir à tous les étudiants. Laisser entendre qu'il serait opportun de les faire casquer davantage, eux ou leur famille, n'est pas du meilleur goût, en pleine crise sanitaire, d'autant plus que la gratuité de leurs études est toute relative, si l'on tient compte des frais engagés pour se loger et se nourrir. Cette perspective séduira peut-être davantage la droite bourgeoise et fortunée, soucieuse des dépenses publiques, qui l'avait déjà rejoint en 2017 : il s'agit de les fidéliser, au cas où ils seraient tentés par Valérie Pécresse.

Quand il fait allusion à l'échec d'une grande partie des étudiants, il se garde d'en mentionner les véritables causes. La responsabilité de cette situation incombe moins aux universités qu'à une politique éducative faisant accroire aux lycéens qu'ils sont suffisamment armés, avec leur baccalauréat, pour se lancer dans l'enseignement supérieur. Cet examen leur étant accordé avec une grande indulgence, il est devenu pour beaucoup un passeport pour nulle part, sinon pour la désillusion et l'aigreur. C'est un miroir aux alouettes, séduisant mais trompeur.

Il s'est gardé, aussi, d'évoquer le coût des étudiants étrangers, au nombre de 358.005, en 2019, dont 246.890 dans les seules universités, selon les chiffres du ministère de l'Enseignement supérieur. La présence d'étudiants de valeur, qui retournent dans leur pays, une fois diplômés, contribue au rayonnement des formations françaises, mais il est permis de douter que ce soit le cas de tous. Quand on sait qu'ils viennent en grand nombre d'Algérie, du Maroc et de pays africains, on est en droit de se demander si ce parcours n'est pas devenu pour certains une filière légale d'immigration.

Macron n'oublie pas, bien sûr, de faire quelques signes de connivence à la gauche et de caresser les présidents d'université dans le sens du poil. Il a ainsi remis en cause les grandes écoles, qui feraient concurrence aux universités. Lui qui en a profité peut aujourd'hui cracher dans la soupe, déclarer que« ce système est révolu » et que « demain, ce sont nos universités qui doivent être les piliers de l'excellence ». Comme s'il suffisait de détruire ce qui marche bien pour faire fonctionner ce qui marche mal.

François Hollande n'a cessé d'accuser Nicolas Sarkozy d'être le « Président des riches ». À supposer qu'il le fût, force est de constater que Macron, en comparaison, l'est encore davantage. Pour lui, la méritocratie se confond avec la ploutocratie, l'élitisme républicain, cher à Jean-Pierre Chevènement, est supplanté par la sélection par l'argent. Plus diviseur que rassembleur, roi cynique du racolage, il n'abusera que ceux qui se laisseront abuser ou y trouveront leur intérêt.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

23 commentaires

  1. L’université française ne cesse de se dégrader depuis Mai 68. Elle fut lente au départ, car les bacheliers d’alors étaient formés à l’ancienne..Puis le bac a laissé l’anaphabetisme passer puis infiltrer l’université…Avec des manifestations d’étudiants réclamant l’absence de sélection….

  2. Un quart à un tiers des élèves entrent en 6e sans savoir lire, et plus de 90 % obtiennent le bac… Inutile d’espérer un miracle entre les deux. Sans oublier que des bacs pros peuvent aller à l’université, comment pourrait-on espérer un bon niveau général ? Quand il y a quelques élèves faibles dans une classe, ils sont tirés vers le haut, quand ils sont majoritaires, ils tirent tous les autres vers le bas. J’ai enseigné 35 ans, je sais de quoi je parle.

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