Quand Parcoursup creuse les inégalités
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Jeudi 2 juin, les résultats sur Parcoursup sont tombés pour les 936.000 inscrits sur la plate-forme. Certains ont été très déçus, d’autres plus heureux. C’est le cas, par exemple, de Jonathan Kikanga, élève au lycée Dupuy-de-Lôme, à Brest (Finistère), qui a obtenu ses 25 vœux Parcoursup dès les premiers résultats. Le jeune de 18 ans est un immigré clandestin : il est arrivé en France par avion en 2019, en provenance de Kinshasa, après avoir été déscolarisé de la 6e à la 3e. Né d'un père angolais et orphelin de mère, il s’est retrouvé seul en France, mineur et sans domicile fixe. Jusqu’à se tourner vers l’association de l’ADJIM (accompagnement des jeunes isolés migrants), un organisme spécialisé dans l’aide aux migrants et composée essentiellement de professeurs.
Ses progrès fulgurants au sein de l’association lui permettent ainsi rapidement d’intégrer une classe de première en section Sciences et Technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D). Élève studieux, il obtient les notes de 15 (oral) et 17 (écrit) lors des épreuves anticipées de français. Il n’a pas encore réussi à obtenir ses papiers français et a dû justifier déjà deux fois auprès de la Justice sa situation de mineur isolé. « Quand j’ai une baisse de moral, je me dis que je vais devoir quitter la France. Ça me pousse à bosser deux fois plus. Je n’ai pas le choix », déclarait-il sur Ouest-France (6 juin). Être clandestin serait donc un moyen de se motiver et de réussir encore plus ?
Sa situation de sans-papiers et ses excellents résultats sur Parcoursup suscitent de nombreuses réactions depuis le 2 juin. Certains prennent le cas de Jonathan comme une preuve du potentiel de réussite des clandestins et des étrangers. D’autres crient à l’injustice, à la fois sur la question de la gestion de la plate-forme et sur les quotas sociaux imposés par les recteurs.
Par ailleurs, ces quotas sont chaque année remis en cause par les utilisateurs de Parcoursup, depuis la loi du 8 mars 2018. L’article L. 612-3 du Code de l’éducation indique en effet que les recteurs des universités sont tenus d’imposer un quota pour les bacheliers bénéficiaires de la bourse nationale de lycée lors de la sélection des étudiants. Il est d’un seuil minimum de 5 %. Cet article impose de plus aux universités un taux minimal pour les bacheliers professionnels ou technologiques. Jonathan fait partie de ces deux quotas : il est à la fois boursier et bachelier technologique.
Jonathan a déclaré avoir choisi de se tourner vers l’INSA à Lyon, l’Institut national des sciences appliquées, une grande école d’ingénieurs. Cette école indique sur sa fiche Parcoursup qu’elle a un quota de 11 % de boursiers en 2022. La procédure d’admission impose aux universités d'éplucher les dossiers pour sélectionner les candidats, pour ensuite en refuser une partie au profit des boursiers. Ce sont donc peut-être 11 % d’élèves méritants qui se sont vu refuser l’école de leurs rêves au motif que leurs parents sont trop riches.
La loi « ORE » avait été mise en place pour « remettre en route l’ascenseur social de notre pays », selon Frédérique Vidal, ancien ministre de l’Enseignement supérieur.
Oui on peut prendre son temps pour travailler, oui on peut prendre son temps pour réussir. Mais, quand on travaille en parallèle de ses études, tout le monde ne peut pas se permettre de prendre son temps. #ONPC
— Frédérique Vidal (@VidalFrederique) May 26, 2018
« Oui on peut prendre son temps pour travailler, oui on peut prendre son temps pour réussir. Mais quand on travaille en parallèle de ses études, tout le monde ne peut pas se permettre de prendre son temps », tweetait-elle.
Pour autant, Colin Champion, président du syndicat La Voix lycéenne, le résume d’ailleurs sur France 3 Île-de-France : « Les inégalités au sein de l'Éducation nationale sont déjà très fortes et Parcoursup ne fait que les creuser en opérant une sélection selon les milieux sociaux des uns et des autres. » En 2020, un tweet de @soso_la_star résumait bien la situation : « 16,5 de moyenne générale en terminale dans le meilleur lycée public de ma ville, les félicitations depuis la 6e et refusée dans tous mes vœux favoris. »
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