Quand vous perdez votre travail, vous êtes exclu de tout

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Installé au premier étage du McDonald's, place de la République, Michel observe le cortège avec tiédeur. Lui non plus ne travaille pas, aujourd’hui. Divorcé à la veille de sa cinquante et unième année, cet ancien expert-comptable a tout perdu.

Il s’approche de la borne, confus et frigorifié, les bras croisés sur un sac vide : « Excusez-moi… ça ne vous embête pas de me prendre un cheeseburger ? » Son bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles et son écharpe levée jusqu’au nez ne laissent passer qu’un regard timide. Cet homme n’a pas l’habitude de mendier. Nous passons la commande et trouvons une table à l’étage. « Si je ne prenais rien, je ne pouvais pas m’installer », dit-il.

Dehors, les manifestants occupent progressivement la place. De premières fumées noires se mêlent aux jets de lacrymo. Il n’est que 14 h 30. « Je les comprends, la vie est dure, soupire-t-il en ôtant son couvre-chef, mais eux, ils ont un travail, peut-être même une famille. »

Michel a 51 ans. Divorcé au printemps dernier, cet ancien expert-comptable vit désormais chez sa sœur aînée, en banlieue parisienne. La journée, il la passe dehors : « Quand vous perdez votre travail, vous êtes exclu de tout. » Après s’être inscrit à Pôle emploi, Michel a presque tout essayé en se formant, notamment, aux nouveaux outils de recherche, sites, réseaux sociaux et autres plates-formes d’annonces professionnelles.

Mais son téléphone portable ne lui permet ni de consulter ses mails ni de télécharger une application : « Comment voulez-vous que je trouve un travail à 50 ans avec ce truc ? » Le moral en berne, les yeux rivés sur l’un des slogans, « rêve générale », il repose la moitié de son cheeseburger sur le plateau : « Finalement, je suis devenu hors système. »

Moins d’emplois en 2020

Le 14 novembre dernier, selon l’INSEE, le taux de chômage avait augmenté de 0,1 point au troisième trimestre (soit 27.000 personnes de plus). Selon la même étude, cette légère hausse concerne les hommes de plus de 50 ans, passant de 6,3 % à 6,4 %. Si l’économie française connaît de meilleurs résultats que la plupart de ses voisins européens, les économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) prévoient une chute brutale des créations d'emplois à partir de l'année prochaine.

Maud Protat-Koffler
Maud Protat-Koffler
Journaliste en formation

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