Qui est Taha Bouhafs, condamné pour « injure publique à raison de l’origine » ?
Le 28 septembre 2021, le tribunal correctionnel de Paris a donc condamné le militant indigéniste Taha Bouhafs « pour injure publique à raison de l’origine » à l’encontre de Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat de police Unité SGP-FO. Le tribunal a estimé que Bouhafs s'était « volontairement fondé sur son origine (celle de Linda Kebbab), à laquelle il l'a réduite, pour l'assigner à une place peu valorisante, voire dégradante ». Frappé d’une amende de 1.500 euros et de 200 euros de dommages et intérêts à verser à la victime (qui annonce reverser la totalité à des œuvres sociales de la police), Taha Bouhafs va faire appel du jugement.
Sur fond d’affaire Traoré
Que s’est-il passé, le 2 juin 2020 ? Taha Bouhafs participe à la manifestation interdite « Justice pour Adama » organisée par le clan Traoré une semaine après la mort de George Floyd, aux États-Unis. La ficelle est grossière : rapprocher les événements américains et le mouvement Black Lives Matter des « violences policières » qui seraient commises par les forces de l'ordre françaises. Rappelons, à toutes fins utiles, qu’une expertise a exonéré la gendarmerie de toute responsabilité dans la mort d’Adama Traoré. Le lendemain, Linda Kebbab réagit en dénonçant ce rapprochement : « Le fond du problème, c'est cette affaire, avec cette jeune fille, la sœur d'Adama Traoré, dont je comprends la colère et la souffrance d'avoir perdu son frère, qui se saisit d'une affaire américaine qui n'a absolument rien à voir, ni dans son histoire, ni dans son fond, ni dans sa technicité. » En retour, Taha Bouhafs la qualifie « d’ADS, Arabe de service ». Linda Kebbab porte plainte pour injure publique à caractère raciste.
L’audience, qui s’est tenue en juin dernier, a duré dix heures. Le Figaro en a fait un compte rendu très éclairant car il met en lumière les secousses telluriques qui traversent la société française : les Français d’origine immigrée maghrébine et nord-africaine et leur rapport avec la France. En clair, les assimilés pour qui la France est leur patrie et qu’ils veulent, à ce titre, servir, et ceux pour qui la France et toutes les institutions qui la représentent ne sont que des ennemis à combattre dont il faut se venger au nom d’une vision largement fantasmée de l’Histoire. Ainsi, Taha Bouhafs enfonce le clou au procès : « Linda Kebbab est une syndicaliste qui fait de la politique et utilise son origine pour invisibiliser le racisme dans la police. » Sans vergogne, les avocats de Taha Bouhafs renchérissent : « Monsieur Bouhafs parle de Madame Kebbab en tant que syndicaliste de police. Il n'a aucune animosité personnelle. Le problème, c'est qu'elle tient un discours qui utilise son origine pour protéger une institution raciste » (Me Arié Alimi). « Linda Kebbab a été mandatée pour fermer les yeux sur les actes racistes dans la police » (Me Yassine Bouzrou). Réponse de Linda Kebbab : « Vous êtes censé lutter contre le racisme mais vous assignez les gens » et clame, d’un ton définitif, « Je ne suis pas une indigène, je suis française ! »
Deux grands-pères membres du FLN
Âgé de 24 ans, Taha Bouhafs, arrivé en France à 4 ans, possède la double nationalité française et algérienne. Ses deux grands-pères étaient membres du FLN, sa famille ne lui a sans doute pas appris à aimer et servir la France. Quittant l’école à 16 ans, il s’engage tôt dans le militantisme politique : contre la loi El Khomri, contre Parcoursup, toutes les causes sont propices à la contestation. L’homme qui a filmé Alexandre Benalla frappant des manifestants le 1er mai 2018 « s'est d'abord fait remarquer en 2017 en tant que plus jeune candidat aux élections législatives, à 19 ans, sur une liste La France insoumise » à Grenoble, raconte Libération. Il est battu mais « continue son engagement chez LFI, où il est souvent vu aux côtés des députés Eric Coquerel et Danièle Obono », poursuit Libération. Il est proche du Parti communiste, de la France insoumise et participe à toutes les mobilisations de l’extrême gauche. Auprès de CheckNews (Libération), Danièle Obono loue celui qu’elle considère «comme un ami, comme un camarade ; et pour son intervention publique comme un journaliste ». Le 20 avril 2018, en pleine évacuation par la police de la faculté de Tolbiac, on le voit tenter de forcer un cordon policier, puis injurier les forces de l’ordre. Dans son livre, Gardienne de la paix et de la révolte, Linda Kebbab raconte comment Bouhafs sur le plateau de Cyril Hanouna (C8) lui lance : « La révolte populaire sera toujours violente jusqu’à ce que vous (les policiers) tombiez ». La tirade ne choque personne sur le plateau, pas même un avocat de la Ligue des droits de l’homme présent ce jour-là, remarque Linda Kebbab.
Proche du Comité Adama (en hommage pour Adama Traoré), il participe à la manifestation contre l’islamophobie, en novembre 2019, aux côtés de Marwann Muhammad : il est la parfaite expression d’un islamo-gauchisme revendiqué. Celui qui se déclare « journaliste militant », « applique, sur les réseaux sociaux, les nouvelles modalités d’une agit-prop 2.0 particulièrement redoutable qui s’articule selon quatre phases : provocation - répression - victimisation - solidarité. Avec ses 41.300 abonnés Twitter (115 300 aujourd'hui, ndlr), les partages de ses tweets hyper-réactifs démultiplient l’effet de cette stratégie militante » peut-on lire sous la plume de Barbara Lefebvre, dans les colonnes du Figaro.
Emporté par son zèle, il assure en avril 2018, lors d’une manifestation à l’université de Tolbiac, qu'un étudiant est dans un état grave et précise, sur Twitter, que « les CRS avaient épongé le sang pour ne laisser aucune trace ». Des faits vite démentis qui marqueront, pour de nombreux observateurs, son rapport aléatoire à la réalité. « Taha Bouhafs a tenté de faire redéfinir par la justice la notion de racisme en politisant l'audience, parfois proche du meeting indigéniste : les magistrats ont su garder le cap », déclarait à l’AFP Me Thibault de Montbrial, avocat de Linda Kebbab, à la sortie du tribunal. Est-ce véritablement un coup d’arrêt au racisme et à l’assignation à identité carcérale pratiqués par Bouhafs et consorts ? L’avenir le dira.
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