Qui sera puni le plus lourdement, Nicolas Bedos ou Elias d’Imzalène ?

Capture d'écran X
Capture d'écran X

Le délicieux Elias d’Imzalène fait face, ce 23 octobre, au tribunal de Paris. L’homme promène sa barbe généreuse et son catogan ramassé en chignon dans les vastes couloirs du nouveau palais de justice de Paris, dans le XVIIe arrondissement de la capitale. L’institution judiciaire qui vient de condamner Nicolas Bedos à un an de prison, dont six mois avec sursis probatoire durant deux ans, assorti d’une obligation de soins, la peine de prison ferme étant aménagée sous bracelet électronique - elle lui reproche un « bisou dans le cou » et une main pas innocente sur le jean d’une jeune femme en boîte de nuit -, a affaire, avec d’Imzalène, à un cas très différent.

Prêts à mener l'intifada dans Paris ? 

Le 8 septembre dernier, El Yess Zarelli, né à Trappes, dit Elias d’Imzalène, a définitivement brisé le plafond de l’anonymat en montant sur une estrade, place de la Nation, non pour rendre hommage à ladite nation mais pour haranguer une centaine de personnes qu’il chauffe à blanc. Ses propos sont assez clairs… « Est-ce qu’on est prêt à mener l’intifada dans Paris ?, interroge-t-il, salué par des applaudissements enthousiastes. Dans la banlieue ? Dans nos quartiers ? On va leur montrer que la voix de la libération vient de nous. Qu’elle démarre de Paris », scande l’homme. Cet appel à l’intifada, à quelques encablures des lieux de pouvoir en France, le ministre de l’Intérieur de l’époque (on est en septembre 2024) les a entendus aussi : Darmanin a des preuves à donner à ceux qui doutent de sa détermination face à l’islam radical. Il signale Elias d’Imzalène à la Justice, laquelle déclenche une enquête et convoque l’individu, ce 23 octobre, pour « provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion ». Au terme d’« intifada », on associe immédiatement la révolte armée des Palestiniens contre l’État d’Israël. Le soulèvement d’un peuple qui revendique un pouvoir, un État et une terre. Le Larousse donne une définition un peu différente : il s’agit, « dans les pays arabes », d’une « révolte populaire menée contre un régime oppresseur ou un ennemi étranger ». Appelant à mener l’intifada « dans Paris », dans « la banlieue » et dans « les quartiers », ce doux apôtre semble considérer que c'est là l'équivalent de pays arabes soumis à un « régime oppresseur » et à cet « ennemi étranger » : l’État juif ou l’État français, ou les deux ? On ne remerciera jamais assez notre ami Elias d’énoncer avec tant de clarté ce que bien d’autres, à LFI et ailleurs, s’escriment à planquer sous le tapis.

Palestine et RN au pouvoir

Évidemment, d’Imzalène ne parle pas pour tous les musulmans de France ; tous ne rêvent pas de mener l’intifada dans Paris. Sans doute, mais une partie d’entre eux sont apparemment très partants pour engager cette « révolte populaire menée contre un régime oppresseur ou un ennemi étranger ». Combien ? D’Imzalène, sur son compte X, est suivi par près de 10.000 personnes. En image de tête, il a placé l’annonce d’une conférence « Vers une intifada mondiale pour la Palestine ? », assortie d’une « Discussion sur l’arrivée du RN au pouvoir ». Ce qui manifeste à tout le moins un intérêt partisan pour la politique intérieure française. Plusieurs messages sur son compte appellent à manifester, ce 23 octobre, devant la XVIIe chambre. Le prédicateur qui se présente comme « artiste-interprète-compositeur & influence politique » a son site Web, Islam et Info, ses partisans pro-palestiniens, ses relais politiques à LFI, son « comité de soutien » qui a organisé une cagnotte en ligeSoutenez Elias d’Imzalène détenu par la police pour avoir dénoncé le génocide ! »). Il veut des écoles, des banques, des mosquées, bien sûr, pour la communauté. Il dispose d'oreilles bien disposées dans une population musulmane de 6 à 7 millions d'individus en France, où plus on est jeune et plus on est radical et religieux.

Deux univers se télescopent ainsi par les hasards de l'actualité : celui de quelques progressistes arc-boutés contre la fameuse masculinité toxique et celui de milliers de musulmans radicaux qui avancent leurs idées. Il n’est pas question de contester la peine infligée à Nicolas Bedos ni de le défendre, mais est-il aussi dangereux pour la société française que d’Imzalène ? Le prêcheur ne risque pourtant pas davantage que le réalisateur : le délit de « provocation publique à la haine » institué par l'article 1er de la loi de 1972 est passible d'un an d'emprisonnement et/ou 45.000 euros d'amende. Au maximum. Prêcher l’intifada en France ou déraper en boîte de nuit, même punition ? Réponse avec le verdict, dans quelques semaines.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

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