Quitter Twitter ? Mais on n’abdique pas l’honneur d’être une cible !

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La tribune de David Desgouilles publiée par le FigaroVox « Quittons Twitter, cette cour ridicule » est excellente. Elle compare opportunément la plate-forme de micro-blogging à la cour de Louis XVI telle que dépeinte (fantasmée ?) par le remarquable film de Patrice Leconte, Ridicule. Oui, le mimétisme y fait rage, lynchage numérique du bouc émissaire compris : René Girard y trouverait un champ d’étude extraordinaire. Les vanités s’y mesurent en nombre d’abonnés, pas en quartiers de noblesse. On s’y hausse du col à force de bons mots ou d’attaque ad hominem en 280 caractères, pas en alexandrins. Parfois, elles humilient l’adversaire. Pire : la plate-forme n’est pas neutre. D’une part, ses algorithmes ne laissent apparaître qu’une partie des tweets, ceux les plus à même de faire réagir et d’exacerber les conflits. D’autre part, la modération de Twitter est objectivement partisane : progressiste et bien-pensante. La conclusion de David Desgouilles rejoint celle du film : il faut déserter cette cour. « Un arbre pourri ne donne pas de bons fruits. » Il a désactivé son compte et rejoint, en cela, le Dr Michel Cymès dont j’avais commenté le départ.

Il n’y a rien à redire sur l’exposé des motifs, c’est pertinent, ça frappe juste et fort là où cela fait mal, et la métaphore filée avec le film Ridicule illustre remarquablement le propos.

Du mot grec πόλεμος (la « guerre »), notre français a tiré la « polémique », cette bataille de mots. Twitter est un champ de bataille et le débat est un combat où s’affrontent des adversaires. Peut-être même, si Antonio Gramsci a raison, est-ce « la mère de toutes les batailles » qui se joue dans ce combat des idées. Et parfois, à la guerre, il n’est pas possible de choisir son terrain. Les pieds-noirs et les indigènes du corps expéditionnaire français récemment à l’honneur auraient bien aimé que la ligne Gustave fût située ailleurs qu’au Monte Cassino, où les défenses allemandes ne pouvait être que redoutablement efficaces : ils ont fait avec. Alors, dans les débats/combats d’idées, autant admettre que Twitter est l’une des lices où les affrontements ont un impact. Quelqu’un qui souhaiterait faire essaimer ses analyses, ses idées et ses convictions ne peut pas quitter Twitter : ce serait un abandon de poste devant l’ennemi, une désertion.

Faut-il, pour autant, tout tolérer sur Twitter ? Non, bien sûr. Il y a le blocage, cette version numérique du « J’parle pas aux cons, ça les instruit » » de Michel Audiard. Il y a aussi le recours à la modération quand l’éthique du débat n’est pas respectée, et la dénonciation publique de cette modération quand elle se montre partisane ou inconséquente.

Les militaires sont supérieurs aux guerriers en ce qu’ils savent s’organiser collectivement pour être plus efficaces et gagner. Face à une meute de lyncheurs, mieux vaut riposter en groupe et, donc, s’organiser. Pour faire avancer ses arguments aussi, autant avancer de façon coordonnée. Et pour se soigner mutuellement des blessures reçues.

Il serait illusoire de penser que tous les fantassins des idées qui pépient respecteront l’éthique du débat, n’useront jamais les ficelles émotionnelles pour masquer la vacuité des arguments objectifs, s’abstiendront d’attaques personnelles, sauront s’abstenir de lyncher. Ce n’est pas une raison pour ne pas essayer de respecter cette « loi de la guerre » et de se corriger lorsqu’il nous arrive d’y déroger.

Un autre marxiste m’inspire pour conclure, Bertolt Brecht et son « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu ». Heureusement que le Cyrano d’Edmond Rostand me donne le titre !

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