R. Ménard refuse de marier un OQTF : la Constitution ne protège pas les maires

« J’ai refusé de plaider coupable. » Ce 18 février, à la sortie de son audience avec le procureur, Robert Ménard, maire de Béziers (DVD), dénonce une « situation ubuesque ». Pour comprendre les faits qui lui sont reprochés, il faut remonter au 7 juillet 2023. Ce jour-là, l’édile refuse de célébrer le mariage d’une Française avec un Algérien en situation irrégulière et, qui plus est, visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Deux semaines après ce refus, le jeune Algérien est expulsé vers son pays d’origine où il réside toujours, et le couple dépose plainte contre le maire. En effet, en l’état actuel du droit, Robert Ménard ne pouvait pas s’opposer à ce mariage au simple motif que l’un des deux membres du couple est en situation irrégulière. Suite à son refus de plaider coupable, l’élu Divers droite comparaîtra donc devant le tribunal correctionnel. Il encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, 75.000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité.
Total soutien à Robert Ménard jugé aujourd'hui pour avoir légitimement refusé de marier quelqu'un sous OQTF.
Donc un individu illégalement sur notre territoire. C'était du bon sens. Changeons la loi en urgence. #ÇaSuffit ! ⤵️pic.twitter.com/llcBamGjPK
— Vincent Jeanbrun (@VincentJeanbrun) February 18, 2025
Des maires démunis
Entouré de dizaines d’élus ceints de leur écharpe tricolore, Robert Ménard dénonce le caractère kafkaïen de cette affaire. « On m’oblige à marier quelqu’un qui a une obligation de quitter le territoire et c’est moi qui dois rendre des comptes ? », s’insurge-t-il. Avant de poursuivre : « Je ne suis responsable de rien dans cette histoire, ce n’est pas moi qui ai décidé de mettre ce garçon sous OQTF. La seule chose dont je suis responsable, c’est d’avoir choisi entre mon rôle d’officier d’état civil, qui est de les marier, et celui d’officier de police judiciaire, qui est d’assurer la sécurité de mes concitoyens. »
Le cas de Robert Ménard n’est pas isolé. En juin 2023, Stéphane Wilmotte (UDI), maire d’Hautmont (Nord) refuse lui aussi de célébrer le mariage d’une Française et d’un ressortissant algérien, ancien directeur d’une mosquée fermée pour « apologie du terrorisme » et visé par une OQTF. L’arrêté ministériel précise que cet homme évoluerait dans une « mouvance radicale » et qu’il se déclarerait « en rupture avec les valeurs de la République ». Stéphane Wilmotte a donc, en conscience, décidé de ne pas célébrer cette union, sachant pertinemment que ce mariage permettrait à cet Algérien de rester en France. « Si j’avais fait mon devoir de maire et célébré le mariage, j’aurais eu le sentiment de trahir mon pays », confie-t-il au Figaro. Visé par des menaces de mort, l’édile a comparu devant le tribunal pour voie de fait en janvier 2024. Il s’est vu reprocher d’avoir « illégalement porté une atteinte grave à une liberté fondamentale » sans être condamné.
Menace du Conseil constitutionnel
Face à ces cas répétés, et alors que de nombreux maires, par peur de la sanction et sous pression, préfèrent céder, Stéphane Demilly, sénateur de l’Union centriste, a déposé, en décembre 2023, une proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire. Une loi simple et concise qui ne comporte qu’un seul article. Il dispose que « le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national. » Hasard du calendrier, ce texte sera débattu en séance ce 20 février. « C’est un coup de bol que ça tombe en pleine affaire Ménard. C’est un coup de projecteur immense ! », souffle le sénateur. Avec cette proposition de loi, Stéphane Demilly souhaite modifier le droit français qui, « en l'état actuel, ne permet pas de s'opposer au mariage d'une personne en situation irrégulière ou faisant l'objet d'une OQTF ». Ce texte a déjà reçu le soutien de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, qui estime que « la règle est [aujourd’hui] mal faite », et de Gérald Darmanin, ministre de la Justice. Mais au Sénat, beaucoup pointent du doigt le risque d’inconstitutionnalité. Le texte a d'ailleurs été rejeté en commission.
En effet, depuis 2003, le Conseil constitutionnel consacre la liberté de mariage comme une « composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 ». Par ailleurs, il est précisé que « le caractère irrégulier du séjour d'un étranger [ne peut faire] obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé ». À cela s’ajoute l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui consacre le droit à une vie privée et familiale. Stéphane Demilly connaît bien cette jurisprudence. Cependant, il considère qu'en « plus de vingt ans, le contexte a considérablement évolué » et que rien ne l’empêche de proposer une évolution législative et d’ouvrir le débat. D'autant plus que l'article 4 de la déclaration de 1789 affirme que « l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. » « Je vous propose donc de déplacer ces bornes », suggère le sénateur centriste. Mais ses détracteurs, notamment à gauche, ont d’ores et déjà déposé une motion d’irrecevabilité et des amendements de suppression.
Pour passer les fourches Caudines du Conseil constitutionnel, plusieurs solutions ont tout de même été proposées. Gérald Darmanin, le premier, a suggéré de « donner raison au maire » quand le procureur ne répond pas dans les temps sur la fiabilité du mariage et d’exiger des futurs mariés de « fournir une preuve de régularité du séjour ». « Le mariage est un droit, ce n'est pas un passe-droit », souligne le ministre de la Justice. Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône, propose quant à elle de « rendre systématiques les enquêtes diligentées par le procureur lorsque la personne est en situation irrégulière », de « rallonger les délais de l’enquête », de « considérer l'absence de réponse du procureur comme une annulation du mariage » et, enfin, de « renforcer la protection des maires ». Autant de solutions qui, si elles n'interdisent pas directement les mariages des personnes en situation irrégulière, permettent tout de même de lutter contre cette « prime à la fraude ». Contactée par BV, la sénatrice, qui considère qu’« on est totalement muselé par la CEDH », refuse, en effet, que « les maires se retrouvent dans des situations impossibles ». À noter que depuis 2002, le Danemark, membre de l’Union européenne, impose aux étrangers qui souhaitent se marier dans le pays la détention d'un titre de séjour valide. Si le Danemark le fait, alors, pourquoi pas la France ?
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128 commentaires
Le Rocambole de l’anarchisme ne nous montre pas la provenance du vent : c’est dommage !
ça s’appelle l’état de droit. C’est comme pour l’Ukraine, on ne cherche pas les motivations de la Russie (que Trump a compris lui). Nous, on répète « état de droit » : c’est la Russie l’agresseur. Curieux, car dans les crimes, on cherche les motivations du tueur, même du pire sadique !
La girouette fait de la mousse il doit se sentir présidentiable
Monsieur le Maire de Béziers a raison. Tous les élus, donc les Maires de France, doivent le soutenir.
NE SONT-ILS PAS SCANDALISES, comme moi, QUE LA JUSTICE DONNE SUITE DANS CETTE AFFAIRE ?
« Contactée par BV, la sénatrice, qui considère qu’« on est totalement muselé par la CEDH », » Quand on est LR, on l’est pour longtemps . Me revient en mémoire cette déclaration de Mendès-France : « Ce ne sont pas les institutions de la IVème république qui étaient mauvaises, ce sont les hommes qui ont MANQUE DE COURAGE ». A part Robert Menard.
Il a bien fait, je soutiens son action qui met le doigt sur une énième incohérence qui devrait être remédiée rapidement par les législateurs .
Fervent soutien à Robert Ménard pour son courage et ses convictions assumées et justifiées. Honte à la République des juges et leur inversement idéologique des valeurs.
cela fait 40 ans que les élus de droite et de gauche, votent des lois contre la France et ans le dos des Français, en diabolisant le rn, ils restent à lors postes et profitent du confort de la République, c’est honteux .
En fiabolodant le RN qui pourtant vote avec eux.
Ex :loi Darmanin.
Le « futur marié » est retourné dans son pays d’origine mais, si leur amour est véritable, pourquoi la future mariée se s’est-elle pas rendue, elle aussi en Algérie afin d’y contracter l’union qu’elle prétend vouloir ? Réciprocité avez-vous dit ?
D’abord un sincère bravo devant un maire courageux face à une justice « hors sol » . Puis de rappeler à cette future épouse anéantie qu’il existe un recours pour elle , c’est de se rendre dans le pays de son bien aimé pour célébrer cette union sacrée et si possible d’y rester.
Quand ce ne pas le Conseil Constitutionnel ,qui bloque, c’est la CEDH ou la CJCE!! Un jour ou l’autre il faudra bien tapé du poing sur la table et passer outre à ces jurisprudences mortifères pour notre pays et pour l’Europe. En France les pouvoirs exécutifs et législatif issus du suffrage universel ont la légitimité et le pouvoir régalien pour le faire. c’est une question de volonté politique le général de Gaulle l’a fait en 1962 en imposant le référendum sur l’élection du PDR au suffrage universel contre l’avis du CC ! Il faut mettre fin au gouvernement des juges! Souvenons nous de la phrase de Mitterrand: » Les juges ont tué la Monarchie ,ils tueront la République » .
Un expert ce vieux François. Il a dû s’inspirer des juges…
Quand il s’agit de détruire ou laisser détruire la france, les gauches répondent toujours « présent! »
Le but du mariage est de fonder un foyer de deux personnes ou plus. Il n’est pas de frauder. Donc célébrer un mariage destiné à frauder constitue un DÉTOURNEMENT DU BUT de la loi. Comment des juristes et des magistrats peuvent-ils accepter cette contravention à nos lois et surtout à leur esprit ? Merci à Monsieur Ménard de protéger la lettre ET l’esprit des lois.
Je ne vais pas juger de la sincérité de « l’histoire d’amour » que nous a vendu l’avocate de la partie civile, mais ce que je sais, c’est que cette résistance est nécessaire pour endiguer ce moyens assez grossier de contourner la loi, et cette volonté de certains d’user de moyens légaux pour légaliser une illégalité.
Personne n’est dupe, mais là encore, l’état de droit bouffe les droits de l’Etat.
Ce contournement des lois fait partie de la stratégie de conquête des Frères musulmans, toujours pas interdits en France et bien implantés à gauche…
Soutient total à M.Ménard, homme de conviction et de bon sens. Quand une loi est mal faite, on la change! Le BON SENS est souvent plus juste que le juge…
Le problème est dû au fait que cette loi soit mal faite et que les jufges ne peuvent que l’appliquer avec mesure.