[RAISON GARDER] Mirage de la proportionnelle
« La France est devenue ingouvernable : il faut abandonner le scrutin majoritaire à deux tours et passer à la proportionnelle. » Telle est, notamment depuis les législatives anticipées de 2024, la nouvelle coqueluche du milieu politique. Examinons cette proposition.
On reproche d’abord au scrutin majoritaire à deux tours de mal représenter le pays : les orientations politiques des élus ne correspondraient pas à la réalité politique du pays. Cela n’était pas réellement vrai lorsque deux forces très majoritaires, disons les gaullistes et la gauche unie, trustaient les rangs de l’Assemblée nationale. C’est devenu de plus en plus vrai, à partir de la fin des années 90, lorsque le paysage politique a commencé à éclater.
On en a vu un effet extrême, lors des législatives de 2017. Le Rassemblement national a alors obtenu 13 % des voix au premier tour et seulement 9 députés au second tour, tandis que Les Républicains obtenaient 16 % des voix au premier tour, mais 112 députés au second.
Toutefois, la fragmentation de plus en plus forte a finalement permis à ce mode de scrutin de mieux représenter le pays, spécialement lors des législatives anticipées de 2024. Le Rassemblement national, en particulier, a obtenu un nombre d’élus en rapport avec le nombre de voix qu’il a recueillies : 141 sièges avec ses alliés ciottistes et apparentés, alors qu’avec le scrutin proportionnel (sans prime majoritaire), il aurait obtenu entre 190 et 200 sièges - différence qui n’est guère significative.
On reproche, ensuite, au scrutin majoritaire à deux tours d’empêcher désormais de constituer un gouvernement, alors qu’il avait été choisi au début de la Cinquième République précisément pour cette capacité à dégager une majorité nette. Cette capacité s’est effectivement vérifiée jusqu’aux législatives de 2017, où la fragmentation du paysage politique a empêché l’émergence d’une force politique dominante.
Mais, en vérité, la capacité d’un mode de scrutin à représenter le pays ne garantit pas sa capacité à dégager une majorité gouvernementale, car les deux buts n’ont pas de lien direct. En l’occurrence, la difficulté à former un gouvernement provient précisément du fait que le scrutin majoritaire à deux tours s’est mis à représenter à peu près le pays, comme le ferait la proportionnelle. Le problème, c’est que la France est désormais partagée en trois blocs d’importance similaire : la droite nationale, le centre et la gauche.
Avec une telle division, deux possibilités, seulement, s’ouvrent pour gouverner. Première solution, on abandonne l’ambition de représenter le pays et on attribue (par une mécanique quelconque) une prime au plus important parti, qui lui permettra de gouverner dans tous les cas. C’est ce que nous connaissons pour les élections municipales, qui se font à la proportionnelle : la liste arrivée en tête obtient d’emblée la moitié des sièges, puis l’autre moitié des sièges est répartie en fonction des résultats de chaque liste. Une liste arrivée en tête avec 30 % des voix obtient, en réalité, 65 % des sièges. Pour les législatives anticipées de 2024, un scrutin proportionnel avec une telle prime majoritaire aurait fourni au Rassemblement national une nette majorité de plus de 380 élus : mais alors, 30 % des électeurs auraient gouverné les 70 % restants.
Seconde solution, on conserve l’ambition de représenter le pays, mais deux des blocs acceptent de discuter pour former un gouvernement qui représentera 60 % des électeurs. C’est ainsi que fonctionnent tous les pays européens qui utilisent la proportionnelle.
Le problème, c’est que nous autres Français n’avons aucunement, en politique, la culture du dialogue et du compromis, mais plutôt celle de l’invective et de la conflictualité. La situation est encore aggravée par le choix incohérent du parti présidentiel, aux législatives anticipées de 2024, d’ostraciser le Rassemblement national en faisant élire indistinctement des députés de gauche, tout en refusant de discuter, ensuite, avec une partie de cette gauche (LFI).
Le scrutin majoritaire à deux tours a peut-être fait son temps. Le scrutin proportionnel possède peut-être des atouts pour notre pays. Ce qui est sûr, c’est qu’en raison des mœurs politiques françaises, et tant que celles-ci ne changeront pas, la proportionnelle ne permettra pas de résoudre la crise de gouvernement, car aucun mode de scrutin ne peut dénouer un problème proprement politique (et culturel).
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48 commentaires
Je suis simplement d’accord avec GO et pas convaincu par cet article. La proportionnelle ou l’élection anglaise à un tour éviterait les magouilles du genre: L’Arc républicain contre l’Extrème-Droite ou un vote LR pourrait faire élire un LFI et vice-versa. Quoi qu’il en soit, l’alternance sera de plus en plus difficile si on n’arrête pas les naturalisations, tout au moins sans réciprocité des pays d’origine. La France donne tout à tout le monde au détriment de ses nationaux.
Je me permets de remettre un article du Figaro que j’ai précieusement conservé depuis sa parution en septembre dernier : « Eric Schoettl ancien secrétaire général du conseil constitutionnel (le Figaro du 12 septembre). « L’instauration de la proportionnelle serait le dernier clou dans le cercueil de la cinquième république : si elle se réalise, l’instauration de la proportionnelle serait l’une des conséquences chaotiques de la dissolution. Elle affecterait profondément notre système politique, compromettrait les chances d’un retour aux alternances bipolaires de majorité qui avaient fait la force des institutions de la cinquième république. Ce pourrait être la dernière pelletée de terre sur le cercueil de cette dernière. »
Et il cite comme exemples de mauvais fonctionnement la Belgique, l’Espagne et Israël, sur la proportionnelle intégrale : « elle ne ferait qu’augmenter les risques de majorité introuvable et de tyrannie des groupes charnières. »
Quant aux « doses » de proportionnelle, elles constitueraient deux sortes de députés, les uns ayant obtenu la confiance des électeurs sur leur personne, les autres ne devant leur élection que pour avoir été suffisamment bien placés sur une liste. Où est dans ce cas la « volonté générale » ?
Je ne partage qu’en partie le point de vue de A. Dumaine, :
1- le grand risque de la proportionnelle « pure » c’est de permettre en réalité le gouvernement des minoritaires. Personne n’ayant la majorité, car le système pousse chacun à se présenter, ce sont les petits partis qui permettent aux « gros » d’avoir la majorité, mais ce faisant ce sont eux qui gouvernent (CF. en RFA pendant des années le FDP).
En réalité la solution est à chercher chez les anglais, c’est à dire un système à un tour.
Avec ce système celui qui a le plus de siège gouverne car, par définition, il ne peut y avoir d’arrangements de second tour, ou bien les arrangements se font pour le premier tour et l’électeur sait directement à quoi s’en tenir.
Simplicité, clarté pour l’électeur= démocratie
Avec la proportionnelle a 1 tour reconquête aurait eu des elus..autre chose que le RN
Passer de 141 à 190-200 sièges soit 40 % de plus, vous ne trouvez pas ça significatif vous ! Où avez-vous appris à compter ou alors pour qui travaillez-vous ?
Non, le R.N. serait toujours ostracisé par « les autres ». Sauf à transformer le R.N. en parti de gouvernement, capable d’amender une partie de son programme. Or il en va du R.N.comme du LFI : on brandit la ligne rouge, on vote la censure avec les voyous de LFI. Bref on reste pur, éternels opposants ne cherchant pas à adhérer au système constitutionnel. Proportionnelle ou pas, le R.N. n’obtiendra jamais la majorité absolue seul. Alors ?
1- Il n’y a pas de système parfaitement équitable. Tous ont leur avantages et inconvénients. 2- Equité ne rime pas forcément avec gouvernabilité. Donc il faut savoir si on privilégie un gouvernement stable et fort, ou une représentativité adéquate des différentes sensibilités politiques. Les 2 extrêmes existent. Dans une dictature, le gouvernement est fort mais peu représentatif. Dans une scoop le gouvernance est faible mais la direction très représentative. Où placer le curseur entre ces 2 extrêmes ?
« alors qu’avec le scrutin proportionnel (sans prime majoritaire), il aurait obtenu entre 190 et 200 sièges – différence qui n’est guère significative » Tiens , drôle de raisonnement. Le scrutin qui me semble le plus adéquat et juste est le scrutin uninominal à un tour, comme chez.les british. Pas de magouille pour un second tour. Et ça dégage une majorité, soit totale, soit en entente, mais sans l’alliance contre nature avec les désistements. On voit la suite..
Ou alors sinon il y a une autre solution. On fait une élection en deux temps, et non en deux tours. C’est à dire qu’on garde les circonscriptions et les candidats par circonscription, on vote une seule fois, si dans une circonscription un candidat obtient 50% il sera élu d’office. Si ce n’est pas le cas, on fait un cumul des voix dans chaque département et on attribue à la proportionnelle les circonscriptions vacantes par département, en tenant compte aussi d’une cohérence par rapport aux votes sur chaque circo. Car quelle légitimité aurait un député LFI élu à la proportionnelle dans la Marne et quelle légitimité aurait un député RN en Seine-Saint-Denis si on fait la proportionnelle intégrale, même par département.
En bon gaulliste je voterai contre le référendum sur la proportionnelle. Car Macron a laissé entendre qu’il aura recours au référendum, je ne vois pas sur quel autre sujet il demandera l’avis des français. S’il convoque un référendum c’est pour une question qui ne l’affectera pas, question où il est neutre. La proportionnelle c’est l’approbation du régime des partis que honnissait le général De Gaulle.
Est-ce que démocratie est synonyme de majorité ? Non. Ceux qui vous disent que le pays est ingouvernable quand il est équitablement représenté sont finalement contre la démocratie. Ils veulent gouverner seul, sans les autres qui ne doivent plu avoir droit au chapitre en attendant la prochaine élection.
Un seul tour évite les petits arrangements et la volonté du gueux est exprimée clairement.
« la culture du dialogue et du compromis » : Même pas en rêve ! Pour quelle raison, étant de droite, j’accepterais de renoncer à des mesures fermes concernant l’immigration et la sécurité, dans le seul but qu’un gouvernement tienne un peu plus que quelques mois ?! Ce n’est pas parce que « les autres le font en Europe » qu’ils ont raison et que nous devons faire pareil. Je ne suis pas un mouton.
Le problème de la France c’est qu’elle est composée de « nouveaux Français » n’ayant rien de commun avec la culture du pays où ils vivent et surtout qu’ils veulent imposer la culture des pays qu’ils ont fuit !! Alors cela donne un grand désordre où la « patrie » n’a plus rien à voir !!