[RAISON GARDER] Quand Libération nous monte une énorme péniche

Cène Vinci

Je dois le confesser humblement : je n’ai pas pris la peine de regarder la grande parade inclusive, queer, chaleureuse, festive, et tout et tout, qui a marqué l’ouverture des Jeux olympiques, le 26 juillet 2024. En revanche, j’ai entendu parler de cette cérémonie grandiose par divers canaux de presse. Et, spécialement, de cette fameuse représentation de la Cène de Léonard de Vinci, interprétée par des drag-queens. J’ai eu connaissance des protestations visant cette parodie, arrivant de France et du monde entier, y compris de pays musulmans, de Chinois, que sais-je, de sponsors des Jeux. Même Jean-Luc Mélenchon s’y est mis ! En sorte que le Comité international olympique a estimé nécessaire de présenter ses excuses.

J’en étais là, quand j’ai lu le numéro du 30 juillet 2024 du journal Libération. Ça, c’est du journalisme, ça, c’est de l’information factuelle, honnête et équilibrée ! Pas comme une certaine presse plus ou moins contaminée par le « discours de l’extrême droite ».

Donc, voici qu’un long article (une page entière) de Libération fait retour sur cette polémique. Intervient, en particulier, l’historien Patrick Boucheron, co-scénariste de la cérémonie du 26 juillet, donc aux premières loges pour nous dire ce qu’il fallait voir.

Boucheron n’y va pas par quatre chemins. Il déclare qu’il n’y avait, ce soir-là, pas plus de représentation de la Cène que « d’arêtes dans une dinde », pour reprendre une expression imagée d’Alphonse Daudet. Afin de le prouver, Boucheron approuve Thomas Jolly (le scénariste principal), lequel a déclaré, le 28 juillet, que le tableau de Léonard de Vinci ne faisait pas partie de ses sources d’inspiration, mais qu’il voulait évoquer une « grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe ».

Et, donc, les milliards de personnes qui ont cru voir la Cène ont été les victimes d’une sorte d’hallucination. Ensuite de quoi, Boucheron tire la conséquence nécessaire : « Il faut beaucoup de mauvaise foi pour trouver de la moquerie dans cette cérémonie. » Quant à ceux qui ont dénoncé cette parodie, ils étaient en fait mus par un « art de détester dont ils sont les virtuoses ». Le titre de l’article résume ainsi toute la question : « L’homophobie derrière la polémique ».

Le problème, c’est que tout le monde ne lit pas avec l’attention nécessaire l’excellent journal qu’est Libération. Et donc, ceux-là, même s’ils sont de bonne foi, continuent, bien à tort, à prêter attention à des affirmations qu’ont contredites définitivement Messieurs Jolly et Boucheron (dont personne, évidemment, n’oserait suspecter la sincérité en cette affaire). Il faut donc le dire et le proclamer : il n’y a pas eu de représentation de la Cène, le 26 juillet 2024 !

Ce genre d’erreur qui perdure se retrouve, par exemple, dans un long article de Luc Vancheri (une page entière), pourtant un admirateur de cette parade, dont il déclare qu’elle s’est « saisie de grands thèmes classiques ou religieux pour les faire vivre dans un univers queer », ce qui constitue « un hommage à nos valeurs révolutionnaires ».

Qu’écrit, en effet, ce professeur en études cinématographiques à l’université de Lyon ? « Nombreux sont ceux qui ont reconnu La Cène de Léonard de Vinci peinte pour le réfectoire des frères dominicains de l’église Santa Maria della Grazie, à Milan. À raison. La longue table rectangulaire derrière laquelle se pressent des personnages en proie à une soudaine agitation constitue une réminiscence figurative suffisamment établie pour que la reconnaissance soit fondée. » Ce qui prouve qu’il n’a pas lu Libération, qu’il n’a pas écouté le professeur Boucheron : car, en vérité, le 24 juillet au soir, il n’y a eu aucune allusion à la Cène, qu’on se le dise !

Ai-je oublié de signaler où l’article de Luc Vancheri avait été publié ? Simple distraction de ma part. Cet article est paru, le 1er août 2024, dans le journal Libération.

On peut vraiment dire qu’en affirmant tout et le contraire de tout en moins de vingt-quatre heures, le journal Libération nous monte un énorme bateau. Ou plutôt, vu le lieu et l’événement commenté, que Libération nous monte une sacrée péniche.

Alexandre Dumaine
Alexandre Dumaine
Journaliste, écrivain

Vos commentaires

33 commentaires

  1. Et quand on pense qu’une fillette a été placée au milieu de cette parodié ! Ou, comment salir l’innocence des enfants. A-t-elle seulement reçu des explications sur le spectacle auquel on lui a demandé de participer ?

  2. Vous vous rendez compte ? Le Comité olympique – la France, quoi – obligée de présenter ses excuses au monde entier, pour cette séquence honteuse, vulgaire, minable, indigne. Comment avons-nous osé nous traîner ainsi dans la boue ? Une volonté d’E. Macron pour achever toute estime résiduelle de la France car, évidemment, rien de tel n’a pu se faire sans son aval préalable ?

  3. Libération, un journal mal nommé, il devrait changer de titre et choisir soumission, ce serait plus honnête et conforme à sa ligne éditoriale. Quant au duo Boucheron – Jolly, il vaut mieux les oublier et ne plus faire appel à leurs délires.

  4. Et la présence d’une auréole derrière la tête du convive principal .? et la pauvre reine Marie Antoinette tenant sa tête ensanglantée c’était quoi ? Une ode à la Terreur ou à la République laïque ? Drôle de façon de réunir les Français à une cause. J’y vois plutôt le besoin constant de propagande via allégories blasphèmes et ironie qui pour l’occasion n’avaient pas lieu d’exister, Drôle de façon de réunir les Français et d’honorer les visiteurs royaux invités pour les Olympiades.

  5. Les initiés dans cette « péniche » (les organisateurs, le cercle présidentiel, la mairie de paris) ne se seraient-ils pas rendu compte qu’ils n’avaient pas à jouer à leur petite blague mondaine pour le plaisir des convives d’un garden party. Au contraire, ils avaient, au nom de l’image de leur pays qu’ils prétendaient vouloir projeter à travers la planète, la responsabilité de lever l’ambiguïté de cette représentation. Mais la cour aime bien s’amuser entre soi au mépris des contribuables, supposés incultes, qu’elle gouverne.

  6. C’est tout de même étonnant que l’on fasse sans arrêt référence à Libé, cette feuille moribonde qui ne survit que grâce à une « grasse » subvention.
    Il est loin le temps des Kravetz, Sorj Chalendon, Jean-Pierre Perrin. out comme sur le service public, il est loin le temps de Marcel Trillat & Co. La gauche, n’est vraiment plus ce qu’elle était.

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