[RAISON GARDER] Trouble (politique) dans le genre

homme-femme

Traditionnellement, sur le plan politique (comme, d’ailleurs, sur le plan religieux), les femmes apparaissaient jusqu’ici davantage conservatrices que les hommes. C’est une des caractéristiques les plus stables de ce que l’on nomme, de façon savante, « le dymorphisme sexuel en matière politique ». Chacun en avait une explication, mais on n’a jamais vraiment déterminé la ou les causes exactes de cette différence stable.

Évidemment, les progressistes s’en sont toujours affligés, tandis que les plus conservateurs s’en sont constamment réjouis. Les républicains français de la fin du XIXe siècle ont ainsi refusé le vote des femmes, de crainte d’être balayés par une vague conservatrice, tandis que leurs adversaires l’auraient volontiers accordé, dans la persuasion de revenir au pouvoir par ce biais.

Il se trouve que depuis quelques années, l’équation semble s’être inversée pour les jeunes, et cela, à peu près partout dans le monde, et sans non plus qu’on sache quelles en sont les causes. Comme l’écrit Le Nouvel Obs : « Dans le monde entier, les sondeurs constatent un nouveau phénomène étonnant : depuis une dizaine d’années, les jeunes femmes ont tendance à voter de plus en plus pour des partis progressistes », tandis que « jusqu’aux années 1970, dans la plupart des pays occidentaux, les femmes votaient davantage que les hommes pour les partis conservateurs » (21 mars 2024).

Les périodiques répercutent évidemment cette nouvelle : « Les hommes sont de Mars, les femmes sont de gauche » (Le Nouvel Obs du 21 mars 2024) ; « Un inquiétant fossé entre filles et garçons » (Le Monde du 5 avril 2024) ; « Les femmes sont de plus en plus progressistes, les hommes de plus en plus conservateurs » (Le Point du 25 avril 2024) ; « Guerre des sexes : cette fracture mondiale qu’on n’avait pas vue venir » (L’Express du 23 mai 2024).

Personne, bien sûr, n’a jamais « reproché » aux femmes ce vote plus conservateur. On considérait, au final, que les femmes avaient bien le droit d’avoir leur opinion – même si celle-ci nous déplaisait. Mais, évidemment, la presse du système se réjouit de cette récente évolution, puisqu’elle va dans le sens du système.

Le lecteur s’attend donc à ce que personne ne « reproche » aux hommes, aux garçons, de désormais voter dans un sens plus conservateur que leurs homologues féminines : après tout, les hommes ont bien le droit d’avoir leur opinion – même si celle-ci nous déplaît.

Cela manifeste clairement que ledit lecteur ne pense pas du tout dans le bon sens : car s’il faut se réjouir que les femmes deviennent plus progressistes, il faut s’alarmer que les hommes deviennent plus conservateurs. C’est un grand danger, un scandale, une catastrophe.

En effet, cette évolution des hommes n’est pas une opinion (une opinion admissible, s’entend) : c’est ,en fait, le grand retour de « l’extrême droite ». Et Dieu sait si « l’extrême droite » est méchante ! Par ce biais, monte dans la société « le ressentiment contre les femmes », c’est-à-dire « la mécanique susceptible d’éroder des décennies d’émancipation féminine et de marche vers l’égalité » (Le Monde du 5 avril 2024).

La « violence masculiniste », la « haine des femmes et des féministes », disons le mot : le « terrorisme du sperme » entraîne la « multiplication des violences antiféministes » (Le Point du 25 avril 2024).

C’est le grand danger : les jeunes hommes sont attirés par « les partis d’extrême droite et populistes », les « partis anti-système », car ils ont « le sentiment de ne pas être les gagnants des bouleversements actuels ». D’où « leur ressentiment contre les étrangers et les femmes, qui dans leur esprit viennent saisir les positions qui leur revenaient » (Le Nouvel Obs du 21 mars 2024).

Vous comprendrez bien qu’il est hors de question, dans cette chronique sérieuse, de ne pas hurler avec les loups (les louves ?) : l’évolution progressiste des filles, c’est bien ; l’évolution conservatrice des garçons, c’est mal !

Alexandre Dumaine
Alexandre Dumaine
Journaliste, écrivain

Vos commentaires

27 commentaires

  1. Faites un sondage, demandez aux femmes l’importance qu’elles accordent au mariage pour tous, je ne suis pas convaincu qu’elle mettront une note bien supérieure à celle des hommes. Tout comme si vous leur demandez leur avis sur les deux athlètes intersexe qui combattent en boxe dans la catégorie femmes aux JO, pas certain que ce soit un plébiscite.. En réalité il s’agit davantage de posture, le système, par le biais de l’enseignement a fait croire qu’il fallait être tolérant, et que donc seule la gauche incarne cette tolérance. Mais la tolérance aux autres s’est transformé en intolérance de soi. Demandez aux hommes de se noter à quel point ils s’aiment, faites la même chose avec les femmes, vous comprendrez pourquoi cette différence de vote gauche/droite. En revanche, c’est se pencher sérieusement sur les causes de cette intolérance de soi qu’il nous faut faire car ça est le plus grave.

  2. Le fond de la guerre satanique menée par les terroristes de gauche commencent par les mots accusateurs choisis (détournés de leur sens!) et répétés sans modération. Je propose donc que l’ensemble des « anti-woke » utilisent le même procédé en retour avec des mots (reflétant la stricte réalité!!) pour désigner précisément toute l’engeance satanique du joli terme d’ ANTI-France (et par ailleurs d’ ANTI-Humanité…). A vos claviers, citoyens.!!

    • Bien vu, la mère des batailles est la culture, et le vocabulaire est le combat d’avant-garde, en effet

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