[RAISON GARDER] Trump : le rayonnement d’un chef
Il existe, en démocratie, une question lancinante qui se pose à chaque élection : vote-t-on d’abord pour un homme (et, subsidiairement, pour le programme qu’il propose) ou, d’abord, pour un programme (et, subsidiairement, pour l’homme qui le porte) ?
Il est probable que cette difficulté ne pourra jamais être résolue, car elle est du genre « l’œuf ou la poule ». Cependant, l’extraordinaire séquence qui s’est écoulée entre l’élection de Donald Trump (5 novembre 2024) et sa prise officielle de fonction (20 janvier 2025) apporte des lumières sur ce point.
Durant ces deux mois et demi, Trump, simple président désigné, n’avait aucun pouvoir réel, mais seulement un « magistère de mots ». C’était Joe Biden qui continuait de posséder la réalité du pouvoir. Pourtant, par la puissance de la personnalité du futur président, Biden semblait avoir disparu des radars, comme s’il était déjà parti.
On ne parlait que de Trump, on ne réagissait qu’aux initiatives de Trump, on ne se positionnait que par rapport à Trump. Trump téléphonait à Poutine, et ce dernier lui parlait comme au dirigeant des États-Unis. Trump venait à l’inauguration de Notre-Dame de Paris, et tout le monde n’avait d’yeux que pour lui, oubliant complètement que Biden était fort bien représenté par son épouse Jill. Ou, si l’on parlait d’elle, c’était pour signaler que Trump avait daigné lui adresser la parole.
Trump annonçait l’élévation des droits de douane, la rapide résolution de la guerre en Ukraine, la nécessité d’une augmentation des budgets militaires des membres de l’OTAN, l’annexion possible du Groenland, l’intégration souhaitée du Canada, la reprise envisagée du canal de Panama, l’obligation pour l’Europe d’acheter plus de gaz en provenance des États-Unis, etc. Et les responsables politiques du monde entier se positionnaient par rapport à ces discours de Trump.
On se pince pour le croire, et pourtant, les plus gros capitalistes des États-Unis sont venus lui faire allégeance, dont certains l’avaient combattu lors de son premier mandat : Elon Musk, bien sûr, mais aussi Jeff Bezos d’Amazon, Mark Zuckerberg de Meta, Tim Cook d’Apple, Sundar Pichai de Google, Reed Hastings de Netflix, James Quincey de Coca-Cola, Satya Nadella de Microsoft, etc.
Pourtant, il est assez clair que Trump ne réalisera qu’une partie, et probablement une petite partie seulement, de ses annonces fracassantes, de son programme électoral ambitieux. Souvenons-nous que deux de ses principaux buts, lors de son premier mandat, étaient de supprimer l’Obamacare et de construire un mur tout au long de la frontière mexicaine : or, il n’en a réalisé aucun.
Bien sûr, Trump entame ce deuxième mandat dans de meilleures conditions : c’est un miraculé de la vie et de la politique, il a reçu un mandat clair du peuple états-unien, les deux Chambres lui assurent une majorité parlementaire, il possède maintenant de l’expérience, il a pu constituer une équipe à sa main : bref, il bénéficie d’un « alignement des planètes ». Malgré tout, il va inévitablement se heurter à des réalités qui vont lui résister, car les faits sont têtus.
Mais même si son programme est plus que discutable, même s’il est en partie irréaliste, même si Trump ne pourra pas obtenir tous les résultats qu’il escompte dans le court laps de temps de son mandat... n’empêche que le fait que ce programme électoral soit porté par une personnalité aussi puissante, aussi décidée, aussi impossible à faire changer d’avis, aussi dépourvue de « surmoi », permet à ce programme de bénéficier d’une « puissance performative » absolument extraordinaire. Il est certain que, grâce à sa personnalité, Trump va être en mesure de réaliser une part beaucoup plus importante de son programme que beaucoup de ses prédécesseurs.
Si, donc, pour revenir à notre question initiale, on ne peut trancher définitivement la question de savoir si c’est le programme ou l’homme qui compte en premier, Trump, simple président élu et non encore investi, a en tout cas démontré que le rayonnement d’un chef peut donner à n’importe quel programme, fût-ce le plus improbable, une influence démesurée.
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées
2 commentaires
Je souscris à200% à votre pertinente analyse! Trump est impressionnant à tous points de vue et il est certain que quoi qu’ il fasse il aura au moins essayé…De plus, ne pas oublier que s’ il lui arrivait quelque chose il a un successeur jeune brillant populaire et très ancré à droite donc on peut espérer que sur la durée America is really back!
« .. Biden était fort bien représenté par son épouse Jill. » Il vaut mieux entendre ça qu’être sourd, ça dure moins longtemps!
Les programmes, les partis, ne sont que des mots, des slogans, des mirages dont se servent des individus avides de pouvoir pour éblouir les foules, quittes à les interprêter, voire à les bafouer par la suite. Les seuls critères fiables pour confier le pouvoir à un individu sont son caractère, intégrité/honnêteté, et ses accomplissements passés.