Ramener l’art et la culture au collège ? Mais avec quels contenus ?

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Imbattable dans le rôle du messie, Emmanuel Macron a déroulé, mardi soir, son programme : je sais tout, je vois tout, je fais tout et je le fais mieux que personne. Antienne connue depuis sept ans.

Néanmoins, pour celui qui prétendait en finir avec la vieille politique, ça sent furieusement la France des années 80. En témoigne la charge de ses ministres, VRP multicartes pour certains. Ainsi cette pauvre Amélie Oudéa-Castéra : ministre de l’Éducation, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques.

Ça ne vous rappelle rien ? Mais oui, bien sûr : Jack Lang ! Ministre de la Culture, de la Communication et du Bicentenaire sous Mitterrand. Toutefois, s’il fallait un modèle, on aurait préféré que ce fût Malraux car, hélas, la comparaison ne s’arrête pas aux titres.

Dans son enthousiasme digne d’un début de mandat, le Président a enchaîné les annonces mirobolantes, notamment le grand retour des arts au collège : « Comme la musique et l’art plastique, je souhaite que le théâtre devienne un passage obligé au collège dès la rentrée prochaine parce que cela donne confiance, cela apprend l'oralité, le contact aux grands textes. »

Là encore, ça ne vous rappelle rien ? Mais oui, bien sûr : Jack Lang encore, puis François Léotard, Lionel Jospin et toute la clique de ces chantres zélés de « la démocratisation de la culture » dont on voit aujourd’hui le résultat : l’inculture généralisée.

En effet, si l’on applaudit des deux mains au retour de l’enseignement de la musique, de l’art plastique et du théâtre au collège, la seule question qui vaut est celle des contenus : quelle musique, quelles œuvres, quels textes ? Quels programmes ? Les ministres évoqués plus haut nous ont déjà servi la chanson : laisser croire à l’enfant qu’un pinceau dans sa main fait de lui Picasso, qu’un collier de nouilles vaut un Titien, un tag dans le métro le plafond de la Sixtine ; que Grand Corps Malade, Booba ou Moha La Squale sont les fleurons de la poésie française ; qu’emmener les enfants des écoles faire baver des escargots sur un carré de moquette fera d’eux des artiste de talent (choses vues au Plateau) ; ou encore que la seule improvisation sur les thèmes du racisme et du harcèlement à l’école en fera des acteurs. Tout cela n’a fait que tuer l’appétence pour l’art, le beau, la culture.

Ce mélange d’hypocrisie et de cynisme a surtout entretenu le clivage social entre ceux qui avaient accès à la culture par leur milieu familial et ceux qui en étaient éloignés. Des cerveaux estropiés, atrophiés, aujourd’hui phagocytés dès le berceau par les écrans. Ces écrans dont vous prétendez « reprendre le contrôle (…) dans les familles (sic), à la maison comme en classe ». Et comment allez-vous faire, alors que beaucoup donnent un smartphone à leur gosse en poussette ?

Peut-être faut-il alors changer le contenu des écrans ? J’ai le souvenir, moi, d’un temps où, petite provinciale, je découvrais les classiques par l’ORTF qui diffusait les soirées de la Comédie-Française. J’y ai appris à rire devant Le Bourgeois gentilhomme, à aimer Phèdre par la voix de Geneviève Casile et découvert l’actualité du cinéma par La Séquence du spectateur. C’était autre chose que Les Marseillais à Dubaï… Dans mon lycée de Romorantin – qui n’était pas Stanislas ou l’École alsacienne –, il y avait une chorale, un orchestre, un ciné-club et des cours de dessin. Cours gratuits, je précise, le tout dispensé par des profs enthousiastes. Révolutionnaire, non ?

Hélas, des maux que vous ne voulez pas nommer sont passés par là et je crains qu’il soit un peu tard pour revenir en arrière…

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Tant que tous ce qui est de gauche ne sera pas réduit à une peau de chagrin la France perdra d’années par années sa culture ancestrale. Associer le RAP (qui est tout sauf de la musique) à de la musique classique c’est une immense absurdité sans nom et le grand perdant c’est la France et sa renommé culturel. Allez à l’étranger et on se rend compte rapidement que notre pays ne rayonne plus comme dans les années 60. Une grande évidence. Je me souviens en discutant avec des personnes âgées du Cameroun du voyage du Générale De Gaulle arrivé à Douala en Concorde, ils s’en rappel encore. souvenirs, souvenirs et ce n’est qu’un exemple. Actuellement la France ne représente plus rien pour l’immense jeunesse qui font évidement ces pays.

  2. Oui mais ça, c’était avant ! Quant aux cours de théâtre il faut faire attention de ne pas les confier à des enseignantes attirées par les jeunes garçons, parce quelques décennies après ça peut être une catastrophe pour la France.

  3. Quel art ? Quelle culture ? Fera t’on intervenir des acteurs extérieurs pour assurer ces « cours » ? Le nombre d’enseignement sera t’il augmenté ou réduira t’on encore l’enseignement des maths, du français ou de l’histoire ? Quelles garanties, quelles mesures seront prises pour assurer la protection de nos enfants contre d’éventuels actes de pédophilie qui pourraient être proférés par ces intervenants ?

  4. Je ne savais pas qu’il y avait des Gérard Philippe ou des Molières à l’Education Nationale pour donner des cours de théâtre.

  5. J’ai le souvenir de vacances scolaires dans les années 70 où la télévision (3 chaînes à l’époque) diffusait des classiques l’après-midi. C’est comme ça que ma mère me collait devant l’écran (en noir et blanc) pour voir des films avec de « bons acteurs » selon ses dires : Goupi, mains rouges, la beauté du Diable ou les visiteurs du soir, mais aussi les trois mousquetaires, Robin des Bois ou Ivanhoé. Une autre époque. Il a deux ou trois ans de ça, avec mes jeunes collègues, je parle d’Anouk Aimée. On me regarde avec des yeux ronds, personne ne la connaissait. Je précise que c’est une actrice célèbre (pas pour tout le monde apparemment) et sûr de mon coup j’affirme que tout le monde la connaît puisqu’elle a donné la réplique à Jean-Louis Trintignant dans « un homme et une femme ». Personne n’avait entendu parler de Jean-Louis « d’Artagnan » (sic) pas plus que d' »un homme et une femme », un film de « vieux ». je me souviens d’émissions comme « les dossiers de l’écran » sur Antenne 2, ou le « Cinéma de minuit » sur FR3. Sans parler de productions de qualité comme « les Rois maudits » ou « Belphegor » (encore que le costume de Belphegor ne ferait plus peur aux enfants aujourd’hui, puisque c’est devenu leur quotidien). Rappelons-nous qu’en 2014 le ministre de la culture de l’époque était incapable de citer un livre de Patrick Modiano, récent prix Nobel de littérature … l’exemple devrait venir d’en haut, non ?

  6. Oui en effet quelle culture …manga et raps plutôt que Balzac et Mozart …on s’en doute.
    On va à l’Art il ne vient pas à vous.

  7. … « Avec quel contenu ? »
    C’est simple, ne cherchez pas trop.
    Le contenu de l’art et la culture au collège à conditionqu’ilsoit décidé et estampillé gauche.
    C’est-à-dire par tout ce qui se fait de mieux en gauchie politique et médiatique, allant du rose pâle au rouge vif, en passant par le vert-de-gris, pour finir à la Nupes.

  8. Je sais que je vais être à contre courant total mais je me lance. Non ! L’école n’est pas faite pour enseigner l’art. Quand elle le fait, elle le fait si mal que seul l’ennui d’abord, puis le dégoût ensuite apparaissent chez les élèves.
    Je me souviens des cours de musique dans un grand établissement catholique d’une grande ville bretonne bien sous tous rapports. Le cours de musique, une heure par semaine, consistait à mettre un vinyle sur une chaine Hifi. Et en plus le choix était malheureux. Mozart ? Beethoven ? Beatles ? Stones ? Ray Charles ? Jamais ! que de la sous pop prétentieuse et ennuyeuse.
    En revanche Walt Disney lui avait tout compris ! Fantasia est un chef-d’oeuvre qui réussit le tour de force de faire penser que la musique du film a été composée pour celui-ci !
    Un reproche similaire pour le dessin. Qu’apprendre en une seule pauvre heure par semaine ? à peine les crayons et les pinceaux sortis qu’il est déjà l’heure de les remballer.
    Il serait peut-être préférable de réserver ces activités pour occuper les ados pendant les weekends de la même manière qu’ils font du foot ou du basket.

  9. Pour l’art à la sauce « macronie  » je crains le pire vaudrait mieux pas , quand aux cours de théâtre ….faut se méfier .

  10. En musique, ce sera du rap (rappelez-vous la fête de la musique à l’élysée) et en peinture: initiation aux « tag » !

    • Et vous avez malheureusement raison. Pourtant il y a des œuvres musicales classiques très abordables. En peinture, commenter et étudier un tableau pendant une petite heure, aborder un peintre, sa technique, son époque, apprendre à « lire » un tableau comme on lit un texte est passionnant. Ce devrait être le travail des enseignants. Le font-ils ? Peuvent-ils le faire ? C’est aux enseignants de donner aux enfants les clés qui permettent d’aborder une œuvre, de la déchiffrer, de la comprendre. Mais que faire quand trois quarts des élèves détournent la tête devant une poitrine dénudée sur une peinture et que les parents viennent hurler au scandale en menaçant de couper la tête du professeur ?

  11. J’ai été au lycée agricole à partir de la seconde, c’était il y a une dizaine d’années. On avait une matière qui s’appelait ESC (Éducation Socioculturelle). On y apprenais non pas à voir des films ou des livres, mais à les analyser et à comprendre la subjectivité des choses, ainsi que le fonctionnement de la culture chez les individus, comment elle s’acquiert. Il me semble que cela existe toujours aujourd’hui. À l’époque je trouvais cette matière totalement ridicule, surtout dans un lycée agricole, mais avec le recul je me dis que ça m’a servi à développer mon esprit critique aujourd’hui.

  12. ramener l’art et la culture à l’école, ça me rappelle quelque chose qui a fait pschitt, tout simplement parce que l’État, quand par hasard il a de bonnes idées, se repose ipso facto sur les municipalités, les départements, les régions pour se coltiner le boulot et les frais afférents. L’idée est bonne mais c’est le réchauffé d’un plat qui a fini à la poubelle faut de conviction, de volonté et de capacité à mettre en œuvre, sans oublier le fait qu’il n’avait pas cru bon d’associer ceux qui en auraient la charge au montage du projet. Je sens venir la récidive et hélas le résultat.

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