Raout pour le départ de la sous-préfète : faites comme je dis, pas comme je fais

champagne

Nous sommes peut-être à quelques jours de plonger dans un nouveau confinement, les dernières guirlandes des « fêtes de fin d’année » sont actuellement démontées dans les rues de nos villes et villages et ce mois de janvier n’en finit pas de se traîner, d’autant que les galettes des rois organisées d’habitude dans toutes les sphères de la société (familles, associations, collectivités, travail, etc.), crise sanitaire oblige, en ont pris un sacré coup. Bref, c’est Carême avant l’heure et soupe à la grimace à l’heure des poules, en France.

Dieu merci (façon de parler), on apprend par la presse régionale que ce n’est pas le cas pour tout le monde. Ne parlons pas de ce restaurateur de Nice qui a osé ouvrir boutique et servir des repas. Lui, son compte est bon. L’a juste de la chance que les galères n’existent plus, sinon, il y avait droit direct. Non, je veux parler de ce petit raout sous-préfectoral rapporté par L’Union, journal couvrant la Marne, l’Aube et les Ardennes, ainsi que par France Bleu Rethel. Un coquetel organisé le 21 janvier dernier par le maire de Rethel à l’occasion du départ de la sous-préfète. Champagne et petits fours : à volonté, on ne sait pas, mais, en tout cas, pour tout le monde. Pour tout le monde, c’est-à-dire pour une soixantaine de personnes. Mais il paraît que les gestes barrières étaient respectés et qu’ils n’étaient pas plus de cinq à table. En plus, couvre-feu oblige, sans doute, la réception eut lieu dans l’après-midi : un petit « goûter », en quelque sorte. Donc, tout va bien.

Parmi les convives, le préfet, le procureur et des élus. La chose a, semble-t-il, mis une semaine à transpirer. Mais comme tout se sait, aujourd’hui, même ce qu’on ne devrait pas savoir, l’information a été publiée dans la presse locale, mercredi dernier. Le maire s’insurge qu’on puisse s’insurger contre la tenue d’un tel événement, alors même que les maires des 36.000 communes de France reçoivent quasi quotidiennement des tombereaux de directives relatives à la crise sanitaire. N’évoquons que ces protocoles sanitaires qui obligent les cantines des écoles à organiser de multiples services avec, pour conséquence, des gamins qui déjeunent (si on peut encore appeler ainsi le fait de s’alimenter à la va-vite) à partir de 11 heures et d’autres pratiquement à 14 heures !

Le maire s’insurge, disions-nous : « N’y a-t-il donc rien d’autre à commenter en ce moment ? Vive la délation je n’aimerais pas être en temps de guerre ! », ajoute-t-il. Pas faux, mais, justement, il paraîtrait que nous sommes en guerre, que nous vivons sous couvre-feu, que nous sommes très probablement à quelques jours de connaître de nouvelles restrictions de notre liberté d’aller et venir.

Autre argument imparable de l’édile : « Nous jugions normal de dire au revoir à la sous-préfète, cela fait partie des usage. » Et là, je ne sais pas pourquoi, je pense à toutes ces personnes qui sont « parties » durant le confinement de l’hiver et du printemps 2020 : parties définitivement et à qui il ne fut pas possible de dire au revoir convenablement, selon des « usages » autrement plus anciens que celui du pot de départ d'une sous-préfète au champ, c’est-à-dire entourées de toute leur famille, de leurs amis. Souvenons-nous de ces personnes qui furent verbalisées par les gendarmes à la sortie des cimetières ou parce qu'ils allaient dire au revoir à leur père mourant… Aujourd’hui encore, ne l’oublions pas, il ne peut y avoir plus de trente personnes, y compris les employés des pompes funèbres, réunies pour une inhumation dans un cimetière. Des cimetières autrement plus ventilés qu’une salle des fêtes de mairie !

En matière d'« usages », on en connaît un qui s'appelle la décence.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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