Rapatriement des enfants de djihadistes : le piège de la compassion

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Après les cinq orphelins de mère rapatriés en mars dernier, le gouvernement vient de ramener du Kurdistan syrien douze enfants de djihadistes, la plupart également orphelins. D'autres devraient suivre. Il est difficilement concevable, lorsqu'il s'agit de jeunes enfants, de s'opposer à ces retours, mais il ne faut pas, non plus, être naïf ni tomber dans le piège de la compassion.

Douze enfants de djihadistes, âgés de 1 à 10 ans, sont donc arrivés, le 10 juin, à l'aéroport de Villacoublay. Un émissaire du ministère des Affaires étrangères avait été envoyé en Syrie pour coordonner l'opération, avec l'aide de l'armée française et des Kurdes. Après des examens médicaux et psychologiques, la Justice va les confier à l'aide sociale à l'enfance, avant de les remettre, éventuellement, à des proches qui les réclament.

Il paraît a priori évident, si l'on a un peu d'humanité, de ne pas laisser des enfants, qui n'ont pas choisi d'aller combattre aux côtés de l'État islamique, dans les camps surpeuplés du Kurdistan syrien. « Ce sont des enfants victimes », dit un avocat, ajoutant : « Je ne peux que me réjouir, car ce sont des enfants qui ont vécu un traumatisme tel qu'il fallait les sauver. » Le grand-père d'un des enfants, seul survivant de la famille, s'écrie : « Je suis heureux ! » Mais leur rapatriement en France, loin de résoudre tous les problèmes, en pose de nouveaux.

On peut s'imaginer les traumatismes subis par ces enfants et le conditionnement idéologique auquel ils ont été soumis, les djihadistes n'étant pas réputés pour cultiver la liberté de pensée ni de comportement. Rien ne permet de dire, malgré tous les soins qui leur seront prodigués, qu'ils n'en garderont pas des séquelles durables. On peut espérer qu'avant de les remettre à des proches (s'ils en ont), le gouvernement s'assurera que cette famille élargie est à l'abri de toute influence islamiste.

Si l'on comprend l'attention apportée à ces enfants, on ne peut qu'être mal à l'aise devant l'excès de commisération à leur égard. Certes, ils ont vu des horreurs, mais il existe, malheureusement, d'autres enfants dans le monde tout aussi dignes de pitié. Oui, mais ce sont des Français ! objecte-t-on. Christophe Castaner n'a-t-il pas dit, fin janvier 2019, de terroristes détenus en Syrie, que « [c'étaient] des Français avant d'être des djihadistes » ?

Quand Jacques Toubon, le Défenseur des droits, appelle la France à faire cesser « les traitements inhumains et dégradants subis par les enfants et leurs mères détenus arbitrairement dans les camps », on aimerait bien qu'il eût aussi un mot de compassion pour les victimes du djihadisme, pour tous les enfants innocents qui ont servi de bouclier humain ou d'otages à l'État islamique. Car il est facile de faire montre d'humanité quand on ne prend en compte qu'une facette de la réalité.

Le plus grave, c'est que les partisans d'un retour des djihadistes ne se limitent pas, pour la plupart, au sort des enfants. Une avocate demande au gouvernement de cesser la doctrine des retours au cas par cas et de rapatrier mères et enfants. Un porte-parole des Verts, expert en dialectique, soutient que ce rapatriement « est une victoire par rapport à ce que cherchaient finalement ces djihadistes, c’est-à-dire de casser en deux notre société et de nous faire prendre des mesures qui nous éloignent de nos valeurs ».

Après les enfants, les mères, puis viendront les pères... Quand on est pris dans l'engrenage de la compassion, plus ou moins sincère, on finit par mieux traiter des ennemis fanatiques de la France que ses propres compatriotes. Est-ce étonnant de la part d'une gauche qui tend souvent à se montrer plus indulgente pour les coupables que pour les victimes ?

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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