[RÉACTION]« En tant que chrétiens, nous n’avons encore subi aucun harcèlement »

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Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad et la prise de la Syrie par les islamistes, faut-il s’inquiéter pour les chrétiens ou croire les propos rassurants d’al-Joulani ? Pierre Merjaneh, ancien député indépendant d'Alep au Parlement arabe syrien et chrétien engagé, décrit pour BV le quotidien à Alep. Face aux menaces qui planent, il demeure pragmatique et s'en tient aux faits.

 

Iris Bridier. Quelle est la situation actuelle, à Alep ?

Pierre Merjaneh. Les habitants étaient inquiets lorsque des groupes armés islamiques sont entrés dans la ville. Les magasins ont été fermés pendant deux jours et un couvre-feu a été imposé pendant quatre jours, de sept heures du soir à sept heures du matin. Les services officiels ont fermé leurs portes et sont fermés jusqu'à présent, et les services publics ont diminué, mais ils ont commencé à revenir progressivement. Les provisions de nourriture sont devenues disponibles au fil du temps, et la plupart des magasins ont ouvert leurs portes. L’anxiété s’est transformée en inquiétude pour l’avenir de la vie en ville et pour la patrie.

 

I. B. De nombreux chrétiens ont quitté la ville, avant l’arrivée des rebelles. Pour quelle raison avez-vous choisi de rester sur place ?

P. M. La décision de rester peut être difficile, mais je n’ai pas hésité à la prendre. Ma famille a ses racines à Alep. J'ai grandi, fait mes études, travaillé comme ingénieur et j’ai fondé ma famille à Alep. J’aime ma ville et j'y ai servi en tant que citoyen et élu du conseil municipal. Je ne me vois pas en dehors de cette ville, et je n’accepte pas de la quitter sous la contrainte ou la force.

 

I. B. Comment les chrétiens vivent-ils ces événements ?

P. M. Je suis une personne chrétienne qui pratique sa foi librement jusqu'à présent, et ma foi me donne l'espoir d'être témoin de ce en quoi je crois. J’espère donc que l’avenir des chrétiens syriens sera meilleur. Lors de leurs réunions avec les évêques de la ville d'Alep, les responsables des groupes islamiques armés ont pu confirmer que les chrétiens sont des citoyens syriens qui ont tous les droits d'un citoyen syrien et peuvent pratiquer librement leurs rituels religieux. Nous espérons que les paroles seront accompagnées d’actions. En tant que chrétiens, nous n’avons encore subi aucun harcèlement.

 

I. B. Comment allez-vous fêter Noël ? Une vidéo montre une église de Hama vandalisée par les rebelles. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

P. M. Oui, c’est vrai. Ils sont rentrés et ont fait des dégâts, mais l’église est debout et elle n’est pas détruite. Je célébrerai Noël comme chaque année et je ne renoncerai pas à le célébrer, à moins d'en être empêché. Certaines églises ont commencé à placer des décorations de Noël sur leurs façades en plus des sapins, mais la crèche est généralement située à l'intérieur de l'église. Noël servira de test pour voir si nous pouvons faire confiance aux responsables des groupes armés islamiques.

 

I. B. Peut-on se fier aux apparences rassurantes d’al-Joulani alors qu'une autre vidéo circule sur les réseaux sociaux annonçant la mise en place de la charia ?

P. M. Nous nous accrochons à l’espoir, d’autant plus que nous sommes sur le point de célébrer Noël. Les prochains jours montreront si l'on peut se fier aux propos d'al-Joulani. Dans cette vidéo, il annonce que pour les transgressions à la loi générale, c'est le ministère de l'Intérieur qui interviendra, et non le ministère des Dotations (Awwad). Mais il y aura des représentants de la charia au ministère de l’Intérieur qui le conseilleront, et si l'accusé ne répond pas, le bâton sera utilisé. Là encore, pour l'instant, les déclarations sont nombreuses, mais ce sont les actions qui comptent.

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Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Ce brave homme me paraît bien naïf quand il dit « Oui, c’est vrai. Ils sont rentrés et ont fait des dégâts, mais l’église est debout et elle n’est pas détruite » ; encore un peu et il remercierait les islamistes de ne pas avoir détruit l’église. Fabrice Balanche, le grand spécialiste de la Syrie et du Proche-Orient, a un regard pessimiste mais lucide sur la suite des évènements en rappelant que les djihadistes ont toujours le même objectif : imposer la Charia. Voir son intervention dans le Figaro d’hier.

  2. Pourquoi se creuser la tête ? Quelle est la place réservée aux Chrétiens et aux Juifs dans les pays musulmans ? Eh bah voilà ! Vous avez la réponse. Pas besoin d’être devin pour prédire ce qu’il va advenir des minorités non musulmanes en Syrie. Mais bien sûr on feindra l’étonnement et on minimisera la chose pour faire passer la pilule. De toute façon, il y a bien longtemps que le sort des Chrétiens n’intéresse plus l’Occident, quant aux Juifs, la chasse semble ouverte depuis le 7 octobre, y compris en Europe.

    • Tout-à-fait exact, il n’y a aucune place tranquille pour les non musulmans dans un pays gouverné par l’islamisme. Les exemples sont nombreux. Le malheur c’est que pour ces pays il n’y a jamais de marche arrière, une fois les mollahs installés on ne les déloge plus.

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