[REACTION] Narcotrafic : « Multiplier les lois ne sert à rien »

Adoptée en première lecture par le Sénat, la proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic » est examinée à partir de ce lundi 17 septembre à l’Assemblée nationale, après avoir subi plusieurs modifications en commission. Alors que le gouvernement met en avant ses mesures plus strictes, le criminologue Xavier Raufer dénonce une inflation législative qui ne se traduit pas par une application effective sur le terrain.
Aliénor de Pompignan. Cette nouvelle proposition de loi contre le narcotrafic est-elle nécessaire ?
Xavier Raufer. Il est normal que les lois s’adaptent pour des motifs techniques, mais encore faut-il qu’elles soient appliquées. Les multiplier ne sert à rien si elles ne sont pas mises en œuvre. Actuellement, la Pologne a quatre fois plus de procureurs que nous pour 100.000 habitants et la Moldavie en compte aussi beaucoup plus. À quoi bon voter des textes si les moyens ne suivent pas ? Quand on promet des sanctions mais qu’on ne punit jamais, les délinquants se moquent de vous. Dans le Code pénal, l’article 222-34 prévoit pourtant la réclusion criminelle à perpétuité et 7,5 millions d’euros d’amende pour ceux qui dirigent ou organisent un groupement criminel lié aux stupéfiants. Si ce texte était réellement appliqué, des centaines de chefs de bandes, aujourd’hui intouchables, seraient condamnés et les autres continueraient leur trafic ailleurs, dans d’autres pays.
A. de P. Pour vous, ces lois sont purement symboliques ?
X. R. Napoléon disait : « La guerre est un art simple et tout d’exécution. » Savoir qu’on a envie de gagner la guerre est à la portée de tout le monde. Ce qu’il faut, c’est la gagner effectivement sur le terrain. Le régime actuel produit des lois factices pour donner l’illusion d’agir. À chaque attentat en 2015-2016, nous avons voté une nouvelle loi contre le terrorisme, mais elles n’ont pas été plus appliquées que les précédentes. Tout cela est fait pour passer au 20 Heures et pour montrer au bon peuple que le gouvernement agit. Ce que dit M. Retailleau sur la lutte contre la criminalité est très bien, mais où sont les résultats ? Depuis qu’il est là, il n’y a pas un crime de moins, pas un braquage de moins, pas un kilo de drogue vendu en moins. Tout cela reste dans les limbes.
A. de P. Le problème vient-il alors de l’inaction des magistrats ?
X. R. Le problème ne vient pas des textes mais de ceux qui ne les font pas appliquer. Même les criminels en viennent à être perplexes. Il y a quelques mois, je marchais dans la rue quand trois jeunes de cité m’ont interpellé pour me demander : « Que font les magistrats ? » Ils m’ont raconté que leur cousin, convaincu qu’il allait faire de la prison, était ressorti libre, quelques heures après son passage devant le tribunal. Même les voyous ne comprennent pas.
Si on continue à produire des lois sans les appliquer, rien ne changera. Le ministre peut pourtant donner des instructions générales et ordonner au parquet de faire respecter le Code pénal. Il est anormal que des individus qui devraient, sur le papier, être condamnés à perpétuité et à des millions d’euros d’amende ressortent libres. La justice doit redevenir une réalité.

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