Réconcilier les élites et le peuple ? Gérald Darmanin a une (étrange) solution

Capture d'écran CNEWS
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Eurêka ! Gérald Darmanin a trouvé. Il sait enfin comment réconcilier le peuple et les élites : dans un entretien accordé au JDD, il explique, visiblement content de lui : il faut tomber la cravate ! Comme il l’a fait, devant les caméras, à la sortie de l’Élysée, après la démission du gouvernement. Selon lui, « le bout de tissu est devenu pour beaucoup de Français le symbole d’une élite à laquelle ils ne s’identifient plus, au point parfois de la haïr » : à Tourcoing, des gens lui ont souvent reproché son « costume-cravate » : « ne plus en mettre quotidiennement est une façon de montrer que j’ai compris le message de ceux qui ne veulent pas que nous soyons au-dessus d’eux mais avec eux », conclut-il.

Petit marcel

Un Gérald Darmanin en petit marcel verrait son capital sympathie monter en flèche et serait d'un coup plus à même de régler les problèmes des Français... Qui peut croire une minute cette fable ? Et comment expliquer qu'a contrario, Jordan Bardella et sa quasi inamovible cravate rencontrent un tel succès auprès des milieux les plus modestes ?

L’idée qu’en se grimant en peuple, on fera oublier à bon compte le surplomb, la distance sociale et les privilèges est vieille comme le monde, ou en tout cas au moins comme Marie-Antoinette déguisée en bergère. On connaît la fin.

Jean-Luc Mélenchon est-il une source d’inspiration, pour Gérald Darmanin ? On se souvient que pour leur premier jour à l’Assemblée nationale, en 2017, Jean-Luc Mélenchon et ses « insoumis » étaient arrivés sans cravate. C’était leur « premier coup d’éclat », avait clamé Le HuffPost, rapportant ces propos bravaches du président de groupe : « Il y avait des sans-culottes, il y aura maintenant des sans-cravates. »

C’était le signe, disaient-ils, que « le peuple [rentrait] à l’Assemblée ». Tu parles ! Cultiver le style débraillé n’est pas la marque du prolo mais le snobisme du bobo. On pourrait dire son luxe, car si l’étudiant militant aux Soulèvements de la Terre peut, sans dommage, traîner hirsute et dépenaillé sur le bitume de La Rochelle, l’apprenti pâtissier, frais émoulu de son CAP, ne peut prendre les mêmes privautés dans l'hôtel où il est employé. Sa cravate Auchan coûte une misère, en tout cas infiniment moins cher que bien des accessoires prisés par les antifas. Et dans les restaurants étoilés, autour de bandes de copains bruyantes et débraillées façon Les Petits Mouchoirs, s’activent discrètement, aux petits soins, la serviette sur l’avant-bras, des serveurs en costume-cravate. Parce que ce n'est pas une marque de supériorité mais de respect.

La chemise de BHL

Alexis Corbière et Jean-Luc Mélenchon, encore amis alors, fustigeaient ce qu’ils appelaient un « code vestimentaire ». Qui s’appelle aussi la politesse et commande de ne pas se rendre, par exemple, à l’enterrement de sa grand-mère en tongs et caleçon hawaïen ou au mariage de sa belle-sœur en bleu de travail… et à l’Élysée vêtu comme si l'on partait jouer au tennis. Faut-il que Gérald Darmanin ait trop regardé Les Tuche pour imaginer le peuple aussi hermétique à toute notion d’éducation ? Que voulait donc dire le mot « endimanché » sinon, pour les milieux populaires, s’habiller autrement qu’à l’ordinaire pour les grandes occasions ? Et penser que cela le rendra populaire, dans tous les sens du mot, est une grave erreur. Le bermuda que portait Bruno Le Maire pour aller voter au premier tour des législatives a été très critiqué, comme une marque de mépris pour le suffrage universel, et il y a un peu plus de vingt ans, le 11 août 2003, alors que le bilan de la canicule s’alourdissait tragiquement, quand le ministre de la Santé Jean-François Mattei est apparu, au journal de 20 heures de TF1, depuis sa maison du Var, en polo noir, le contraste entre la décontraction de sa tenue et la gravité de la situation avait profondément choqué. Est-ce avec la chemise ouverte de BHL que le ministre de l’Intérieur démissionnaire ira apporter son soutien aux forces de l’ordre blessées et ses condoléances aux familles de victimes ?

En fait de cravate, le « peuple », comme il dit, attend surtout du ministre de l'Intérieur qu'il cravate les délinquants. Un point, c’est tout !

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

56 commentaires

  1. L’élégant Mathieu Bock-Côté aurait sûrement fait un bel édito s’il n’était pas en vacances ( bien méritées, très énervé de la mauvaise foi après les législatives…) Sinon à quand les abayas et les kamis à l’assemblée nationale ?

  2. Après le col roulé, l’absence de cravate. Cela vole très haut dans la tête de M Darmanin. IL devrait chercher un poste de créateur de mode chez LVMH « Leader mondial du luxe ».

  3. De quelle élite parle t-il ? pour la plupart, je ne constate que des arrivistes dénués de convictions.
    Les démissions sont « très » rares !

  4. Il y a tellement à faire tomber chez lui que la cravate n’y suffira pas. Et puis la cravate, n’est ce pas son domaine…

  5. Il vaut mieux qu’il se contente de faire tomber la cravate que faire tomber la chemise… C’est tout ce que j’ai à dire…

  6. Alors le ministre ou ex ministre, on ne sait plus comment dire, ne porte plus de cravate pour faire « peuple » mais le garde du corps, lui, en porte une ! Va comprendre Charles….

  7. Dans l’ Armée ou plutôt dans les Armées, selon les circonstances, le soldat ou le matelot de base porte la cravate tout aussi bien que le général ou l’amiral, alors où est l’élitisme ? Et puis l’on peut tout simplement avoir envie d’être « habillé » pour aller au « restaurant », ou au théâtre, et le lendemain être en jean / galoches pour faire ses courses. Par contre je désapprouve un élu sans cravate surtout pour les cérémonies, un employé de banque sans cravate, et bien sûr notaire sans cravate … Tout ceci participe (ou participait) d’un système ayant un minimum de bases et de codes, penser aux fameuses catégories « Col blanc » et « Col bleu », soit les « administratifs » et les « ouvriers », cela n’a jamais empêché de monter dans le même autobus.

  8. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Darmanin est juste un « NUL » , il ne dénote pas du tout dans le paysage politique actuel . De toutes façons , que voulez vous qu’il fasse d’autre ?

  9. Il n’a qu’a se déguiser en charbonnier, pour faire peuple! en plus c’est couleur locale!, Cela sent plutôt le mépris! C’est un peu comme ces députés qui s’étaient mis du rouge à lèvre en solidarité avec les femmes battues…….. et qui ont été condamnés pour violences conjugales !

  10. Avec cravate,ou. Sans chemise et sans pantalon on s’en moque de ces politicards qui nous prennent pour des imbeciles .

  11. La cravate peut avoir plusieurs significations, mais elle est aujourd’hui surtout une marque de soumission, bien illustrée par l’exemple de l’apprenti pâtissier, bien comprise de la « France insoumise « .

  12. Si c’est l’analyse de la situation faite par nos brillants dirigeants, la France est sauvée. Tous nos maux viennent de cette simple petite bande de tissu multicolore savamment nouée au cou de nos représentants. Et dire que personne n’y avait pensé auparavant. Merci M. Darmanin.

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