Reconnaissance faciale : un rétropédalage de la Chine ? Pas vraiment.
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En Chine, l'Administration du cyberespace (CAC) a annoncé, mardi 8 août, que l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale allait être encadrée. Dorénavant, « les établissements commerciaux » devront préférer, si ce texte entre en vigueur, les technologies d’indentification non biométriques. Le régime chinois envisagerait-il de mettre des bâtons dans les roues du progrès technique ?
Car la reconnaissance faciale est incontestablement un progrès technique, un progrès dans lequel le pays s’est empressé d’investir, les entrepreneurs privés comme l’État. Via des caméras, on peut identifier ou authentifier un individu grâce à des données biométriques déjà connues. C’est donc un outil qui peut faciliter la vie domestique et les gestes de tous les jours. Pour faire ses emplettes, acheter une bouteille d’eau dans le métro, entrer dans son appartement, effectuer des opérations bancaires, prendre un train, plus besoin de monnaie sonnante et trébuchante, plus besoin de clés, de papiers. Il suffit de faire bonne figure : un regard face caméra, le tour est joué.
Mais pour un État totalitaire, qui veut contrôler les individus et qui rêve d'avoir les yeux partout, la reconnaissance faciale est une aubaine. Couplées à la technologie de l’intelligence artificielle, pouvant détecter les comportements « indésirables », les caméras succèdent aux commissaires politiques et aux comités de quartier, et permettent au régime de bercer en toute sérénité le peuple par l’illusion de la liberté en le laissant aller et venir où bon lui semble, consommer ce qu’il veut et goûter un semblant de vie à l’occidentale avec sa dimension d’individualisme. Par millions, ces caméras passent cependant au crible chaque centimètre carré des espaces publics urbains. Les yeux du parti sont partout et ne cillent jamais.
À ce sujet — Vive le modèle chinois !
Les systèmes d’identification biométrique, et la reconnaissance faciale en particulier, connaissent leur développement et leur utilisation les plus poussés en Chine. À part quelques voix dissidentes, tout le monde y trouve son compte. S’ils se conduisent bien et respectent les règles, le parti le sait, le crédit social des Chinois augmente, leur ouvre des portes, leur permet de réserver des chambres d’hôtel plus facilement sans être obligés de fournir une caution, ou d’obtenir des visas avec des listes de justificatifs et des délais raccourcis.
Pourtant, la Chine, cet éternel faire-valoir d’un Occident parangon des droit de l’homme, nous plonge dans un abîme de perplexité. Pourquoi limiter les moyens de contrôle dans un pays totalitaire et dictatorial ? En réalité, ce n’est pas le moyen de contrôle qui sera limité, mais l’usage qu’en font les acteurs privés. Si la CAC se risque, ici, à une petite concession à la « fiction bourgeoise » de la vie privée en bannissant les caméras indiscrètes des lieux d’intimité comme les « chambres d'hôtel, les salles de bains publiques, les vestiaires, les toilettes », elle n’en rappelle pas moins que ces caméras demeurent « nécessaire pour maintenir la sécurité publique ». Le pays s’est, certes, ouvert à l’économie de marché, les entreprises peuvent brasser des milliards, mais un outil d’une telle puissance doit rester dans le giron de l’État.
La proposition de l'Administration du cyberespace chinois s’apparente donc plus à un aménagement qu'à un recul. En France, l’exemple chinois permet de réfléchir. Le Sénat a montré, en juin dernier, l’urgence de donner un cadre juridique à cette technologie . Faut-il l’interdire totalement ? Ceux qui craignent de la voir dans les mains d’une police poursuivant les criminels se trompent de menace. Ceux qui, en revanche, avertissent du danger de sa systématisation ont bien lu La France contre les robots de Bernanos ou 1984 d'Orwell, et ont bien compris ce qu’était la véritable liberté. Et ses menaces.
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13 commentaires
Chez nous, la proposition de loi de reconnaissance faciale qui a été votée en juin par le Sénat serait destinée à des personnes « faisant peser une menace grave et immédiate sur l’ordre public »
« les images sont exploitées par les services de renseignement ou sous le contrôle d’un juge pour des infractions graves (terrorisme ou trafic d’armes par exemple) ».
Comme on y croit.
Avec les relents de communisme qui flottent sur la France, je ne suis pas du tout convaincu que cette « surveillance », doux euphémisme, soit utilisée uniquement pour notre sécurité. Les moindres de nos actions sont déjà suffisamment connus grâce au téléphones et cartes de paiements. La liberté c’est comme certaines plantes, une fois arrachées elles ne repoussent jamais.
La reconnaissance faciale, pourquoi pas. Par contre je voudrais savoir pourquoi faire, si c’est pour rendre la vie impossible à la voyoucratie, ça ne me dérange pas, si c’est pour « flicker » les honnêtes gens ,c’est autre chose. Je crains fort que ce soit pour la seconde solution. Faudra être vigilants et réactifs.
Vous voulez surveiller tous les « serviteurs » de l’état pour contrôler qu’ils ne font pas un mauvais usage de vos données biométriques? Bon courage et surtout bonne chance.
j’approuve..
ORWELL 1984. À lire ou à relire.
Moyennant quoi, on se sent plus en sécurité dans les rues de Pekin que celles de Paris
Mouais… je ne suis pas sûre que me sentir en sécurité dans les rues de Pékin me donnerait plus confiance en l’avenir.
Entièrement de votre avis.
Comme d’habitude, on prend prétexte de la sécurité pour imposer à tous des mesures de coercition et de rétorsion contre la liberté individuelle de chacun. Sans compter qu’une bombe bien placée sur un satellite ou sur des câbles sous-marins et ce « beau » système est totalement hors service !
façon » pass COVID », et obligation faite à tous de posséder ( acheter) smart- ou i-phone à la place d’un simple téléphone portable ; Savoir s’en servir .Télécharger des trucs et des machins inconnus…Quand tout sautera à la faveur d’une tempête solaire, bienvenue au retour de » Vendredi ou la vie sauvage » ( OK pour moi)…
moi aussi, je suis prêt !
Depuis l’homme des cavernes, le combat entre le bouclier et l’épée a été tantôt à l’avantage de l’un puis de l’autre. Il ne faut pas croire que ce combat est terminé que l’épée (la reconnaissance faciale) a gagné la guerre. Et la refuser c’est refuser le progrès, c’est faire le jeu des gauchistes qui veulent nous ramener à l’age de pierre. Des parades existent contre la reconnaissance faciale, qui par ailleurs peut apporter beaucoup en matière de sécurité.