Recrutement des professeurs : vers un formatage idéologique et pédagogique ?

lavage de cerveau

Le gouvernement va-t-il profiter de la crise sanitaire pour recruter des professeurs à sa botte, standardisés selon des normes qu'il aura lui-même définies ? À lire l'arrêté fixant les futures modalités d'organisation des concours du CAPES, subrepticement publié au Journal officiel du 29 janvier, on peut le craindre.

Cette réforme réduit encore, dans les épreuves du concours, l'importance de la part disciplinaire, sous prétexte d'une prétendue professionnalisation. Comme si la maîtrise de la discipline n'était pas fondamentale dans la sélection des candidats ! Un professeur ne peut enseigner efficacement que ce qu'il domine, parce qu'il a alors la capacité de s'adapter aux élèves qui lui sont confiés et de choisir les méthodes appropriées. La pédagogie est un art, dont on peut acquérir les prémices pendant sa formation initiale, mais qui s'enrichit par l'expérience. Il ne suffit pas d'être savant pour être un bon pédagogue, mais toute la pédagogie du monde est vaine si l'on ne possède pas un savoir solide.

Depuis des décennies, la même fausse philosophie pervertit la réflexion sur l'enseignement, imprègne tous les rapports officiels, régit la formation des professeurs. La plupart des politiciens suivent la mode, tout en prenant soin d'inscrire leurs enfants dans les meilleurs établissements. Il ne manque plus que les concours, dernier rempart du savoir, malgré de nombreux aménagements qui l'ont déjà relativisé. On se plaint, à juste titre, du niveau des derniers reçus dans certaines sections du CAPES : ce n'est pas par ces mesures qu'on le relèvera.

Le plus grave, dans cette réforme du CAPES, c'est l'introduction d'une épreuve d'entretien portant, selon son libellé officiel, sur « la motivation du candidat et son aptitude à se projeter dans le métier de professeur au sein du service public de l'éducation ». Cette épreuve a notamment pour objectif de permettre au jury « d'apprécier l'aptitude du candidat à s'approprier les valeurs de la République, dont la laïcité, et les exigences du service public (droits et obligations du fonctionnaire dont la neutralité, lutte contre les discriminations et stéréotypes, promotion de l'égalité, notamment entre les filles et les garçons, etc.) ».

Il faudrait être naïf pour ne pas y voir le risque de graves dérives d'un formatage idéologique et pédagogique entre les mains de l'État. Derrière des formules générales, dont l'interprétation n'est pas unanime, se dissimulent tous les lieux communs de la bien-pensance, susceptibles de devenir la doxa officielle. Avec un tel texte, les pouvoirs publics se donnent les moyens quasi totalitaires d'asservir les professeurs à leurs conceptions idéologiques, fussent-elles partisanes ou irrationnelles. Les plus habiles chercheront sans doute à jouer le jeu sans y croire, mais la majorité - parce que ce métier est de moins en moins attractif - tomberont dans le panneau. C'est ainsi que se propage l'impérialisme de la pensée unique.

Il faut, sans doute, mieux définir une déontologie de la profession, comme il en existe dans d'autres métiers, qui pourrait être intégrée à la formation. À condition qu'elle ne subisse pas elle-même la contagion. Pour s'affranchir du soupçon d'arrière-pensées, elle doit découler de la mission première des professeurs, qui est de transmettre, le plus objectivement possible, le savoir, d'apprendre aux élèves à penser par eux-mêmes, de les aider à construire leur avenir et leur liberté. Non pas se fonder sur les préjugés des princes qui nous gouvernent, tout occupés à préserver leurs privilèges.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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