Référendum : donner la parole au peuple, est-ce bien opportun ?
En démocratie, faut-il abandonner la parole au peuple ? Pas forcément.
Ainsi, dans Le Point de ce 15 octobre, Denys de Béchillon, professeur à la faculté de droit de Pau et accessoirement responsable du comité scientifique du Club des juristes [le genre de CV qui pose son homme tout en plaçant le voisin du dessus un peu plus haut que celui du dessous, NDLR], alerte-t-il le bon peuple de France contre les dangers de ces vulgaires référendums, qu’ils soient d’initiative populaire ou non.
Son argument premier ? « Les textes juridiques évolués sont difficiles à lire, globalement inaccessibles au commun des mortels et toujours passibles d’interprétations d’autant plus nombreuses et contrastées qu’il sont longs, délicats et porteurs d’enjeux volontiers récupérables dans l’affrontement partisan. » Dieu que cette seule phrase est porteuse de ces ressentiments que l’élite éprouve vis-à-vis du bas peuple…
Pour commencer, il s’agit de « textes évolués », mais manifestement destinés à une plèbe intellectuellement sous-développée, si l’on comprend bien. Histoire de poursuivre, on dirait bien à Sa Seigneurie Denys de Béchillon que s’il écrivait un français vernaculaire et intelligible par le commun, il serait probablement un peu mieux compris. Mais tel n’est sûrement pas le but de la manœuvre. Ou alors, comment comprendre qu’il faille faire revoter ce fichu peuple jusqu’à plus soif, jusqu’à ce qu’il vote « bien » ? Avortement en Irlande, Brexit en Angleterre, Constitution européenne en France : on en passe et des moins meilleures.
Quelques lignes plus bas, le mépris de classe prend encore un méchant coup de turbo. « Les médias dits “neutres” [c’est-à-dire ceux qui servent le pouvoir en place, NDLR] sont, de longue date, mal équipés en France pour traiter des questions juridiques. » On a compris : le peuple est un ramassis d’idiots et les journalistes une horde de nigauds. Bref, le véritable problème demeure cette démocratie dont Denys de Béchillon se proclame le héraut conjoncturel tout en admettant son ineptie structurelle : « Les urnes accouchent d’une vache sacrée et nous rendent aveuglément dévots. »
Pourquoi pas, et l’on pourrait même dire que tout cela n’est pas fort si mal vu. Mais en ce cas, pourquoi continuer à faire assaut de piété démocratique ?
En l’occurrence, mieux vaut encore parler au maître du château qu’à ses laquais, fussent-ils oints du lustre universitaire, et directement s’en remettre à l’impayable Jacques Attali, lequel, en son blog doré, affirmait, le 20 juin 2016, qu’il convient urgemment de « sanctuariser le progrès » !
Et là, comme on dit, c’est du lourd, du très lourd. « Jusqu’ici, on considérait certaines évolutions institutionnelles, économiques, sociale, scientifiques, comme des avancées telles que, une fois qu’elles étaient installées, nul ne chercherait plus jamais à les remettre en cause, même pas par un vote démocratique. » « Démocratique », quel vilain mot, surtout pour ce prolétariat s’acharnant à encore aller aux urnes et à voter à côté des clous…
Et notre intellectuel en chef de poursuivre : « Certes, il a toujours été admis qu’en principe, en démocratie, le peuple peut décider de tout [C’est en gros le concept, cher ami, NDLR] Il n’empêche : selon notre conception occidentale du droit, il existe des progrès irréversibles (par exemple, la démocratie, la liberté du culte, l’interdiction du travail des enfants, l’abolition de la peine de mort) qu’un vote ne peut défaire. Admettre qu’on puisse remettre en cause des acquis revient à nier la notion même de progrès. » D’où l’impérieuse nécessité consistant à ne pas se laisser assujettir à « une décision politique extérieure au cercle de la raison ».
Nous y voilà. D’un côté, une démocratie marchant de guingois ; et de l’autre, un progrès fonctionnant en cercle fermé et qu’il conviendrait d’urgence de dissocier de cette même démocratie.
Ce n’est même plus une confession, juste des aveux signés.
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