Référendum : les hautes castes contre le peuple ?
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Quand l'inculture politique, économique et juridique s'étend, la démocratie régresse et le malheur progresse. La conférence de presse d'Emmanuel Macron - dans le fil des flots de paroles de son « grand débat » - a noyé d'eau tiède les sujets essentiels attendus par la nation. Faut-il encore rappeler que la nation, c'est nous, et que c'est à la fois le cadre contractuel, le creuset, le but, la légitimation nécessaire, l'expression et la justification démocratiques de toute décision ?
Quant aux foules désespérées et résolues qui manifestent tous les samedis, si leur juste attente doit nous interpeller toutes affaires cessantes, ce n'est pas pour autant que les formulations de cette attente sont heureuses. On rappellera l'échec de la pétition déposée au CESE au sujet de la conception de la famille et du mariage. Cette pétition était, juridiquement, irrecevable, ce qui permit à Delevoye de la rejeter.Tout juriste l'ayant lue savait qu'elle échouerait pour des raisons juridiques de fond.
Qui a conseillé aux gilets jaunes de réclamer un RIC ? Qui a lancé ces mots d'ordre conduisant nécessairement à l'échec ? Car tout juriste savait aussi, par avance, que cette revendication échouerait. Qui a intérêt à encourager des actions vouées à l'échec ? Chaque Français comprend la puissance incontournable du droit mais se croit juriste. Au fait, qu'est-ce qu'un juriste ? À ce jour, qui connaît un seul nom de juriste théoricien, alors qu'aux siècles écoulés, chacun savait ce que Descartes, Montesquieu, Portalis, puis Carré de Malberg, Saleilles et Josserand ont apporté dans la compréhension et le fonctionnement des institutions publiques et civiles.
Les ennemis du référendum sont nombreux parmi les castes dirigeantes. En 77 ans, de 1793 à 1870, il y eut 10 référendums en France. De Gaulle y recourut quatre fois en 1945/46. Puis, à nouveau, cinq fois de 1958 à 1969. Mais seulement cinq furent organisés en 50 ans, de 1969 à 2019. De plus, le dernier, en 2005, fut l'occasion d'une haute trahison de la démocratie puisque la voie fédéraliste de la Constitution européenne, largement rejetée (55 %), fut imposée de force par le congrès de Versailles, socialistes et UMP confondus. À rapprocher de leurs scores sondagiers actuels misérables et du fait - plus terrible - que plus de la moitié des Français sont non inscrits sur les listes électorales, non votants ou votants blanc ou nul.
Emmanuel Macron vient de rejeter : toute idée de référendum d'ici la fin de l'année, l'introduction des référendums locaux, et surtout le RIC dans nos pratiques constitutionnelles. Son manque de sérieux sur un tel sujet lui fait dire : « Est-ce que j'ai [...] une idée précise de telle ou telle décision qui serait soumise à référendum ? Non. C'est une liberté que je conserve et qui, à certains moments, peut permettre de clarifier les choses, un débat » (sic). On se souviendra que l'avis de Richard Ferrand aurait été déterminant pour ce blocage, le président de l'Assemblée s'étant opposé à la tenue d'un référendum sur ce sujet (RTL). Emmanuel Macron a toutefois annoncé vouloir « aller plus loin sur le référendum d’initiative partagée » en simplifiant « ses règles ». Les seuils pour l’activer seraient ainsi abaissés et l’initiative viendrait d’abord des citoyens. Si un million d’entre eux (et non plus l'impossible 4,5 millions actuellement) soutient une proposition de mesure sous forme de pétition, elle arrivera sur le bureau des assemblées qui devront s’en saisir. Si elles ne le font pas, la proposition sera soumise à référendum.
C'est désormais cette question cruciale qui est la seule façon de sortir du grave et constant abaissement de la nation française. Mais il faudra veiller à ce que les sujets soumis à référendum puissent être les plus larges et que les conditions de mise en œuvre soient atteignables : une demande de la nation et un travail juridique de mise au point. Alors, et seulement alors, la démocratie reprendra ses droits dans le pays qui fut longtemps la référence en la matière.
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