Réforme de la fonction publique : comme une lettre à la poste

Olivier Dussopt a été élu député socialiste en juin 2017, avant d’intégrer le gouvernement. Il défend, aujourd'hui, sa loi de modernisation de la fonction publique et son parcours politique dans une interview au Point.

Rappelons qu'en en 2011, il avait choisi Martine Aubry, avant de soutenir Benoît Hamon en 2017. Réélu député PS en 2017, en novembre 2018, il votait contre le budget du gouvernement. Intégrant le gouvernement quelques jours après, il n'eut pas de mal à revenir devant ses anciens collègues pour défendre ce même budget. Si ce n'est pas de la souplesse... Opposant au Président, il est devenu plus vite qu'à son tour son fervent défenseur. Il n'y aurait pas comme un léger petit problème de déontologie vis-à-vis de ses électeurs ? Mais passons...

En tout cas, Olivier Dussopt se félicite, aujourd'hui, que sa loi ait été adoptée sans opposition. Mais LREM détient la majorité absolue à la Chambre des députés et le Sénat, dominé par la droite, était sur la même longueur d’onde : le vote de la modification de la fonction publique n’est donc qu’une formalité.

Selon les nouvelles dispositions, les indemnités kilométriques seront augmentées, les primes de déménagement revalorisées, la mobilité favorisée, un fonctionnaire pourra désormais négocier une rupture conventionnelle et le reclassement en cas de suppression de poste ne semble plus garanti. M. Dussopt présente ces évolutions comme une amélioration du sort des agents de l’État, mais il s’agit en fait d’un pas vers la suppression du statut de fonctionnaire. Serait-ce un mal ? La Suisse a supprimé ce dernier sans drames, il y a quelques années, sans que le service public n’en pâtisse. Serait-ce scandaleux que les anciens fonctionnaires signent tous un CDI, qui ne serait rompu que pour des circonstances économiques justifiées ou des fautes graves ? Les agents de l’État auraient ainsi plus de droits qu’avec l’évolution prévue dans le projet de loi et qui privilégie les CDD d’au maximum six ans, ce qui est interdit dans le privé. Comment bâtir une vie sur une telle précarité ? Par ailleurs, lors de ma carrière de fonctionnaire, j’ai croisé des cas qui m’ont révolté : manque flagrant de conscience professionnelle, faible investissement au travail sont le lot de certains « moutons noirs » et devraient, en toute bonne logique, être sanctionnés par des licenciements. Mais cela est impossible avec le statut actuel des fonctionnaires. Un alignement sur le privé serait le bienvenu.

Reste la promesse phare d'Emmanuel Macron : la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires. Nous devons en passer par là, pour nous aligner sur la moyenne des pays européens qui sont aussi bien, voire mieux, gérés que nous. Cette hypertrophie de la fonction publique est la cause principale du déficit budgétaire et, pour revenir durablement à l’équilibre, ce n’est pas 120.000 contrats d’agents de l’État qu’il faudrait supprimer, mais un million ! M. Dussopt botte en touche. L’État ne promet rien et se défausse sur les collectivités locales. Cela n’est pas étonnant : Emmanuel Macron n’est qu’un réformateur de papier.

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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