Réforme des retraites : le Conseil d’État tape sur les doigts du gouvernement

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Les opposants à la réforme des retraites viennent de trouver un allié inattendu : le Conseil d'État. Dans son avis sur le projet de loi organique et le projet de loi instituant un système universel de retraite, la plus haute juridiction administrative française souligne notamment la précipitation du gouvernement et les risques d'atteintes à la Constitution.

Saisi le 3 janvier, le Conseil d'État n'a disposé que de trois semaines pour rendre son avis sur les deux projets de loi, ce qui « ne l'a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de l'examen auquel il a procédé ». Situation d'autant plus regrettable qu'il s'agit d'une réforme « inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système social qui constitue l'une des composantes majeures du contrat social ». Sans compter que « de nombreuses modifications [ont été] apportées aux textes pendant qu’il les examinait ».

Le Conseil d'État critique également le recours à 29 ordonnances pour compléter les lois, y compris « pour la définition d'éléments structurants du nouveau système de retraite », ce qui « fait perdre la visibilité d'ensemble qui est nécessaire à l'appréciation des conséquences de la réforme et, partant, de sa constitutionnalité et de sa conventionnalité ». L'étude d'impact accompagnant les textes n'est pas épargnée, puisque « les projections financières restent lacunaires », en particulier sur la hausse de l'âge de départ à la retraite, le taux d'emploi des seniors, les dépenses d'assurance chômage et celles liées aux minima sociaux.

Ce n'est pas tout ! Les dispositions de l'article 1, qui renvoient à une loi de programmation la revalorisation des enseignants et chercheurs, « constituent une injonction au gouvernement de déposer un projet de loi » et sont donc « contraires à la Constitution ». Voilà qui fragilise encore les promesses lancées à la va-vite pour tenter d'apaiser la colère de ces fonctionnaires, particulièrement lésés par une réforme à points prenant en compte toute la carrière.

Le Conseil d'État reprend donc la plupart des critiques formulées par des catégories de métiers de plus en plus nombreuses, y compris, récemment, par l'armée. On ne peut l'accuser de faire de la politique ni de vouloir mettre le gouvernement en difficulté. Force, donc, est de constater qu'il met l'accent sur des défauts inhérents à ce projet gouvernemental, dicté non seulement par le Premier ministre mais aussi par Emmanuel Macron, s'il est vrai qu'il n'y a pas « le début du commencement de la moitié d'une feuille de papier à cigarette » entre le Président et lui, comme il aime à le répéter.

Dans l'avion qui le ramenait d'Israël, Macron s'est confié à trois journalistes, assurant que « nous sommes une démocratie » et lançant comme un défi : « Essayez la dictature et vous verrez ! » Nous ne sommes peut-être pas en dictature, bien qu'il existe des formes insidieuses de totalitarisme, comme les tentatives de mainmise de la pensée unique sur les esprits. Mais, s'il veut donner l'exemple de la démocratie, qu'il cesse de se replier sur ses certitudes, qu'il descende de son Olympe et commence par tenir compte de l'avis d'une majorité de Français, qui rejoint celui du Conseil d'État !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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