Réformes : le gouvernement joue la montre jusqu’aux européennes

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Les mauvaises langues disent que le « grand débat » n'avait pour objectif que de gagner du temps. Le calendrier des réformes annoncé par le Premier ministre, à l'issue du séminaire gouvernemental, va renforcer leur sentiment : les grandes décisions seront prises... après les européennes.

« Je comprends l'impatience, je comprends la volonté d'aller vite, mais il faut à la fois aller vite et aller bien », a commenté Édouard Philippe. On se demande à quoi a servi le « grand débat ». À donner des idées au Président, à court d'inspiration, qui a chargé le gouvernement de les mettre en œuvre ? Lequel gouvernement réunit en séminaire des ministres et des parlementaires de la majorité. Pour renforcer leur cohésion ? Pour décider qu'il est urgent d'attendre ? Comme, par hasard, les grandes réformes – qui n'ont rien à voir avec les attentes des gilets jaunes – se feront après le 26 mai. En attendant, il faut donner l'illusion d'agir. Depuis la conférence de presse, pas un jour où un ministre ne donne son son de cloche, où une nouvelle concertation ne soit organisée. Il faut « prendre le temps de consulter », n'est-ce pas ?

Tenez ! La baisse de l'impôt sur le revenu, Macron a promis qu'elle serait « >significative ». Gérald Darmanin en appelle à la solidarité des entreprises, qui devraient renoncer à certaines niches fiscales. Bruno Le Maire annonce une baisse « moyenne » de 350 euros pour la première tranche, moitié moins pour la deuxième. Édouard Philippe exclut, d'emblée, le crédit impôt recherche et les allègements de cotisations patronales qui correspondent au CICE. Soyez patient : vous saurez tout en juin ! En attendant la bonne (ou la mauvaise) nouvelle, vous pouvez, comme Perrette, rêver de châteaux en Espagne.

Le projet de réforme constitutionnelle, que l'affaire Benalla était venue interrompre, en juillet 2018 ? On en connaît tous les ingrédients, mais il faudra patienter jusqu'en juillet pour que le plat soit présenté en Conseil des ministres. Pour juillet aussi, le projet de loi bioéthique avec, notamment, l'extension de la PMA pour toutes – un sujet controversé, dont on espère qu'il sera tempéré par la chaleur de l'été. La suppression de l'ENA, décidée par Macron ? On en saura plus dans six mois. Le temps de relancer la fameuse discrimination positive qui, si l'on y réfléchit bien, est un privilège accordé à quelques-uns au détriment de tous.

Et la réforme des retraites par points, mise sous le boisseau pendant la crise des gilets jaunes, dans l'attente de jours meilleurs ? Un rapport sera présenté en juillet, un projet de loi, « à la fin de l'été ». Le temps d'habituer les esprits, sans le dire expressément, à l'idée qu'il faudra travailler plus longtemps pour obtenir une retraite décente. Quand on connaîtra le projet plus précisément, les réactions risquent d'être vives : mieux vaut que ce soit après les européennes. Manquerait plus qu'on ne révèle trop tôt que cette réforme, censée rendre « plus simple, plus juste pour tous » le système des retraites, répond à une recommandation de l'Union européenne.

Tout se passe comme si Macron et le gouvernement voulaient franchir le cap de cette élection pour faire passer en force leurs réformes les plus importantes. Si leur liste l'emporte, ne serait-ce que d'un chouïa, ils se sentiront pousser des ailes pour imposer leurs projets. Mais s'ils subissaient une cuisante défaite, ils auraient moins les coudées franches... Le gouvernement joue la montre, Macron n'a pas renoncé à rester le maître des horloges : les électeurs risquent de venir mettre leur grain de sable dans cette machination où nos dirigeants croient avoir tout à gagner, alors qu'ils pourraient tout y perdre.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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