Refus de la misère : faut-il pour autant refuser qu’il y ait des riches ?
4 minutes de lecture
En cette Journée mondiale du refus de la misère, je dois avouer que je ne suis pas indignée par certains très hauts salaires. Il m’est assez indifférent de savoir que certains gagnent, en un jour, plus que mon revenu annuel, et même beaucoup plus. Ce qui me choquerait, ce serait que, dans la même entreprise, le salaire versé aux plus modestes des salariés ne leur permette pas de sortir de la misère, les empêche de se nourrir, se vêtir correctement et les prive d’accès à un logement décent, en dépit d’un travail normal correctement assuré. Fort heureusement, dans l’entreprise où le salaire qui a été versé à sa présidente suscite aujourd’hui tant de commentaires défavorables - à savoir la SNCF -, il semble que ce ne soit pas le cas et que la situation de cheminot soit relativement enviable.
Ce n’est pas à l’opinion publique, me semble-t-il, de juger de la pertinence du salaire versé à tel ou tel dirigeant, mais bien à ceux qui le paient, c’est-à-dire, dans ces grandes entreprises, à leurs actionnaires.
Tant que le dirigeant en question fait honnêtement le travail pour lequel il lui a été promis une certaine rémunération, que peut-on lui reprocher ?
Encore faut-il que celui que sa rémunération transforme en « riche » s’acquitte des obligations de cette situation. Et parmi celles-ci, la première (mais oui), c’est de dépenser. Le riche peut, certes, user de l’argent dont il dispose pour favoriser des œuvres caritatives ou des activités politiques, intellectuelles, artistiques ou sportives, mais cette générosité, louable, n’est pas l’essentiel. Un riche a d’abord l’obligation morale de dépenser son argent largement, quoique sans ostentation, en sorte que des entreprises produisent les biens et services qu’il décide d’acquérir et soient donc en mesure d’offrir des emplois pour assurer cette production. Car sans riches faisant leur « métier de riches » en dépensant largement en constructions, en mobilier, en décoration, en vêtements sur mesure, en bijoux, en hôtellerie de luxe, en voyages, il n’y a pas d’entreprises pour fournir ces biens et, donc, pas d’emplois dans ces entreprises.
Supposons que, au lieu de s’étaler comme aujourd’hui de un à plus de cent, les rémunérations soient arbitrairement limitées à un petit nombre de fois le salaire minimum, comme beaucoup semblent le souhaiter : les dirigeants, comme les salariés modestes, verraient leurs dépenses limitées, peut-être à un peu plus que le strict nécessaire à la vie de leur famille, mais ne disposeraient certainement pas de suffisamment d’argent pour que l’on puisse entreprendre à leur intention la production de biens plus coûteux que ceux dont on ne peut pas se passer et de créer des emplois pour les produire. Nombreux seraient, donc, ceux qui seraient maintenus dans la misère ou dépendraient entièrement de l’assistanat. Sans riches faisant correctement leur « métier de riches », il n’y a plus que des pauvres.
Maintenir une certaine proportion de « riches » dans la société est donc une nécessité pour ne pas augmenter la misère.
Mais le riche qui thésaurise l’argent qui lui est versé, que ce soit pour assurer son avenir ou celui de ses héritiers, ne fait pas son « métier de riche ».
Cela n’exclut évidemment pas d’autres mesures pour sortir de la misère les « travailleurs pauvres », parmi lesquelles la formation à de nouvelles compétences, leur permettant l’accès à de nouvelles fonctions mieux rémunérées, devrait avoir une place de choix. On pourrait aussi envisager de délocaliser certaines activités qui maintiennent actuellement leur main-d’œuvre dans des zones où le coût de la vie est faramineux vers des zones où le logement, en particulier, serait bon marché. Avec une formation adéquate, les salariés ainsi délocalisés pourraient utiliser les outils numériques actuels pour travailler comme s’ils se trouvaient dans une grande ville, sans subir les coûts inhérents à celle-ci. Mais je laisse à d’autres le soin de trouver d’autres mesures.
Si le président de la République se montre outrageant envers ces travailleurs pauvres et d’autres, moins pauvres mais loin d’être riches, en les traitant de "fainéants", par exemple, il n’a pas tort quand il attribue à la jalousie certaines réactions qui, non seulement n’auraient aucun effet positif pour réduire la misère, mais pourraient l’aggraver si elles étaient satisfaites.
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées
BVoltaire.fr vous offre la possibilité de réagir à ses articles (excepté les brèves) sur une période de 5 jours. Toutefois, nous vous demandons de respecter certaines règles :