« Reine des routes », la Via Appia entre au patrimoine mondial

© ICCD- Stefano Castellani
© ICCD- Stefano Castellani

Un nouveau site vient d'être inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO : la Via Appia ; précisément, 22 sections de son parcours. C’est en 312 av. J.-C. que le censeur Appius Claudius, qui appartient à l’une des plus prestigieuses familles de Rome, et qui assume la fonction de censeur, décide la construction de cette route. Son utilité est toute militaire. Elle doit « permettre le déplacement le plus rapide possible des troupes d’une extrémité à l’autre des territoires soumis à l’autorité de l’Urbs », écrit Alexandre Grandazzi (Urbs, Histoire de la ville de Rome, Perrin). À cette époque, la Via Appia, reliant Rome à Capoue, parcourt 200 kilomètres. À son maximum, elle en fera 500, reliant Rome à Brindes.

Au niveau de l’ingénierie, c’est une révolution. La Via Appia ignore les obstacles naturels, rivières ou collines. Autant qu’il est possible, elle file droit. On pense que son dessin a été permis par l’application du théorème de Pythagore. Son pavement est constitué de blocs de basalte, il y a des trottoirs et des fossés latéraux. D’une largeur de 4,10 mètres, elle est à deux voies, permettant à deux chars de se croiser. Des relais réguliers permettent aux hommes et aux bêtes de se restaurer et dormir. Mère des voies européennes, comme elle mérite l’appellation de « Reine des routes » (Regina viarum) !

Appius Claudius Caecus, un homme d’État oublié

Eloge d’Appius Claudius qui se termine par ces mots: « Il construisit la Voie Appia et apporta de l’eau à la Ville. Il édifia le temple de Bellone. » © MiC - Ministero della Cultura

Dans son ouvrage sur la vieillesse, Cicéron donne Appius Claudius comme un exemple de vieillard qui garde l’esprit clair et une autorité impressionnante, aussi bien au Sénat que dans sa famille : « Il tenait toujours son esprit tendu comme un arc et ne fléchissait pas sous le fardeau de la vieillesse. » L’homme exerça la fonction de dictateur à 85 ans passés.

Il est injuste que, de cet homme d’État - sénateur, censeur, deux fois consul, deux fois dictateur -, ne reste qu’un nom de route. Rome lui doit aussi un aqueduc de plus de 16 kilomètres, « apportant quotidiennement 75.000 m3 d’eau sur le Palatin ». C'est aussi un réformiste dans les domaines religieux (la « nationalisation » du Grand Autel d’Hercule), politiques et sociaux, avec une réforme des tribus… Autant de décisions qui mécontenteront une partie de l’aristocratie, raison sans doute de son relatif effacement de l'Histoire alors que sa carrière aurait mérité un plus grand hommage de la postérité.

De Rome à Brindes avec Horace

Au premier siècle avant Jésus-Christ, le poète Horace raconte, dans une satire, son voyage sur la Via Appia, de Rome à Brindes, en compagnie de Mécène. À Sinuessa où ils font étape, ils tombent sur… Virgile ! À Bénévent, on leur sert « des grives squelettiques », à Asculum, il fait provision d’un pain délicieux, quand celui de Canusium est « plein de petits cailloux ». On s’y croirait.

Avec la fin de l’Empire, la route perd de sa continuité. Cependant, elle guide les pèlerins au sud de Rome vers les catacombes. Bien des croisés emprunteront ce qu’il en reste jusqu’à Brindes pour s’embarquer vers la Terre sainte. À la fin du XVIIIe, Pie VI décrète sa réouverture. Les restaurations se poursuivront jusqu’à notre époque.

À la sortie de Rome, la Via Appia égrène parmi les cyprès tombeaux, églises, mausolées de Cecilia Metella ou Casal Rotondo, villa des Qintili, temples, arc de Drusus, catacombes de saint Calixte, de saint Sébastien… Il s’en est passé, des événements, sur la Via Appia. En -71 après la défaite et la mort de Spartacus, six mille de ses hommes sont crucifiés sur la Via Appia, entre Rome et Capoue. C’est là aussi que saint Pierre, fuyant Rome et les persécutions de Néron, rencontre le Christ et qu’il lui demande : « Quo vadis ?… » À sa réponse, saint Pierre comprend qu’il doit retourner à Rome pour y subir le martyre. L’église « Domine quo vadis » marque le lieu de cette rencontre. La Via Appia est à l’image de Rome : antiquité et christianisme s’y mêlent inextricablement. Telles sont nos racines.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

8 commentaires

  1. La Via Appia a donc été construiteafin de permettre aux troupes romaine de se rendre au plus vite d’un point à un autre afin d’assurer le contrôle et la sécurité mais aussi pour guerroyer victorieusement. Cette Via Appia est en quelques sorte à l’origine de nos autoroutes dont l’Allemagne nazi s’était fait une spécialité avec les mêmes objectifs il me semble…

  2. l’évocation des monuments ou constructions Romaines invariablement me transportent comme dans un livre que l’on ne souhaite pas refermer – La via Apia c’est comme sur la photo…. grandiose !

  3. Cette ingénierie aura une influence prépondérante sur les dimensions des chars,des calèches , nos voitures, et même une influence notoire sur la réalisation d’éléments de L’ISS, transportés par voies terrestre jusqu’à sa zone d’assemblage.

  4. J’ai pu aller voir sommairement la voie Appia à la sortie de Rome au cours d’un séjour de travail. magnifique, malgré la profusion de prostituée (c’était il y a une trentaine d’années, ça a peut être changé depuis) mais c’était aussi magnifique que sur la photo.

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