La remontée de l’euro va-t-elle contrarier la reprise ?

L’euro est au plus haut depuis trois ans et demi ; il vaut désormais 1,19 dollar. Au début de l’année, la crainte (du point de vue des financiers internationaux) de la victoire de Mme Le Pen et la perspective de l’accession au pouvoir de M. Trump avaient affaibli la monnaie commune car, selon les soi-disant « experts » économiques, en boostant les dépenses fédérales, le nouveau président américain allait provoquer une reprise de l’inflation et, par contrecoup, une envolée des taux d’intérêt dans son pays. La défiance envers M. Trump est dorénavant telle que toutes les autres considérations sont oubliées et que le dollar est aspiré vers le bas.

Ce renchérissement de notre monnaie nous coûtera, en 2018, de 0,3 à 0,4 % de croissance (alors qu’on ne prévoyait que 1,7 % de hausse). Les conséquences seront sensibles sur l’emploi, sauf si, par sa politique accommodante, la BCE parvient à enrayer le péril. Quand un pays n’est plus compétitif, quand ses productions se heurtent à une rude concurrence internationale, il a intérêt à ce que sa monnaie se déprécie. Il peut ainsi mieux vendre à l’étranger et les consommateurs se tournent vers les marchandises locales, car le prix de celles qui sont importées augmente sensiblement.

À l’inverse, quand un pays est en excellente forme économique, quand il est tourné vers le haut de gamme, quand la qualité de ses produits est telle qu’on peut difficilement les remplacer, il préfère que sa monnaie s’apprécie, car les matières premières (importées) lui reviennent moins cher ; ses coûts de production s’abaissent, ce qui compense à terme les pertes de marché qu’il subit dans un premier temps. Si on se fie aux expériences du passé, le principal argument (et sans doute le seul !) de Mme Le Pen pour le retour au franc était valable : l’importante dévaluation de 30 % qui aurait suivi aurait donné un coup de fouet à nos exportations et fait diminuer le chômage ; cependant, du fait d’une inflation importée et de l’effondrement de la valeur de leurs avoirs, les classes moyennes et défavorisées auraient payé ce redressement au prix fort.

Pour l’Allemagne, le taux d’équilibre est de 1,25 dollar pour 1 euro, pour la France c’est 1,15 dollar, et encore moins pour l’Italie, plus mal en point que nous. Selon Joseph Stiglitz (prix Nobel en 2001), la tare de l’euro est d’agréger des pays aux performances économiques disparates. Il aurait mieux valu avoir deux monnaies : l’une pour les pays du Nord, l’autre pour ceux du Sud. On aurait ainsi bénéficié des avantages (qui sont bien réels !) de l’unification sans en avoir les inconvénients. On peut comparer l’euro à un train lancé à 100 km/h avec des freins défaillants. Il aurait été préférable de ne pas monter dans le convoi, mais une fois qu’on l'a fait, c’est encore plus dangereux de sauter des wagons en marche, car on risque de se tuer à coup sûr.

On n’a plus, alors, qu’à espérer qu’aucun obstacle ne se dressera sur la route de la locomotive et que celle-ci s’arrêtera en douceur d’elle-même.

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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