Renaud, « chanteur énervant », défenseur du professeur Raoult !

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Confinement, puis déconfinement obligent, même les plus grands se sont pliés à l’exercice : à savoir la chanson enregistrée de sa cuisine ou de son jardin. Parfois pour le meilleur, les Rolling Stones et Bertrand Burgalat, ou l’objectivement moins bon : Elton John et Robby Krieger, guitariste survivant des Doors.

Notre Renaud national, « chanteur énervant » selon ses propres dires, ne pouvait être en reste. D’où ce « Corona Song » enregistré à la maison et dans les vapeurs d’eau minérale, depuis qu’il a cessé d’avoir la main lourde sur les liqueurs anisées.

Au-delà des possibles qualités intrinsèques du titre, pas tout à fait évidentes à l’écran, le résultat est assez « énervant », comme toujours avec lui.

Ainsi, Renaud ne peut se dispenser de distribuer bons et mauvais points, en professeur stagiaire de morale qu’il a toujours plus ou moins été. Mais Renaud ose défendre à la fois caissières de supermarché, professeur Didier Raoult et même Philippe Douste-Blazy. C’est énervant pour les uns et les autres.

Renaud a toujours joué aux marlous et aux gavroches. Mais Renaud, né de la grande bourgeoisie, a fréquenté le lycée Montaigne. C’est assez énervant pour les autres et les uns.

Renaud a chanté sa fille dans le très joli « Morgane de toi », tout en dédiant à son père sa première chanson, « Crève salope », dont le moins qu’on puisse prétendre est qu’elle n’est pas tout à fait un hymne à l’amour filial. C’est plus énervant.

Renaud, dans son premier succès, « Hexagone », stigmatise les Français avec ces quelques vers : « Ils pensent au brave soldat ricain qu'est venu se faire tuer loin de chez lui. Ils oublient qu'à l'abri des bombes, les Français criaient : vive Pétain, qu'ils étaient bien planqués à Londres, qu’il n’y avait pas beaucoup de Jean Moulin. » Mais le père de Renaud, travaillant pour Radio Paris en pleine Occupation, semble avoir assez bien résisté à la Résistance. Voilà qui est plus qu’énervant.

Dans cette même chanson, il affirme : « La France est un pays de flics, à tous les coins de rue il y en a cent, pour faire régner l’ordre public, ils assassinent impunément. » Mais Renaud, c’est aussi l’homme qui chante « J’ai embrassé un flic », après les attentats de Charlie Hebdo, en 2015. Là, c’est totalement désarmant.

Plus tard, dans Mon beauf, tout homme de gauche qu’il prétend être, il verse dans le racisme de classe, accusant ce dernier de lire Paris Match. Mais quelques années plus tard, Renaud posera en une du même hebdomadaire, en compagnie d’une blonde aussi peroxydée que sévèrement poumonée. Ça serait énervant si ce n’était proprement hilarant, surtout pour celui qui, à propos de ces mêmes beaufs, assurait dans sa chanson « Hexagone » plus haut citée : « Au mois d’août, c’est la liberté. Après une longue année d’usine, ils crient : “Vive les congés payés”. Ils oublient un peu la machine, en Espagne, en Grèce ou en France. Ils vont polluer toutes les plages, et par leur unique présence, abîmer tous les paysages. »

Fort bien, les pauvres n’auraient même plus, à l’entendre, le droit de prendre des vacances, histoire de ne pas gâcher la vue de ses riches amis du show-biz. Aussi désolant qu’énervant.

Mais Renaud, c’est aussi l’homme qui, en 2007, accorde un entretien au Choc du mois, mensuel de la droite radicale d’alors, acceptant même d’en faire à la fois une et gros titres. Il est vrai que notre homme est aussi l’un des chanteurs préférés d’un certain Jean-Marie Le Pen. Là encore, ça peut être très énervant pour certains, mais encore plus marrant pour quelques esprits taquins.

Pour demeurer dans le même registre, rappelons que Renaud aura politiquement traversé, tout au long de sa carrière, plus de cinquante nuances de rouge, de celui qui tâche fort au rosé plus consensuel. Avant de plus ou moins soutenir François Fillon et d’ensuite vaguement démentir la sincérité de cet engagement du moment. Énervant ? Non, très poilant.

Quand il picolait, Renaud était tout de même plus marrant, quitte à nous la jouer façon Mistral perdant… Mais, après tout, pourquoi demander plus à un artiste, aussi bon soit-il, de penser au lieu de chanter ?

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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