Rencontre Merkel-Trump : dialogue de sourds mais progrès en coulisses ?

Il est dur de négocier avec Donald Trump lorsque l’on vient du reste du monde. S’adresse-t-on au Trump isolationniste de la campagne électorale de 2016 ou à celui du complexe militaro-industriel ? Au populiste de la restauration des classes moyennes ou à l’envoyé des grandes banques d’affaires ? Au candidat de l’intérêt général ou à l’homme des basses œuvres de l’industrie énergétique qui vise le contrôle de la totalité de l’hémisphère nord, pôle Nord inclus ?

Angela Merkel a toutefois fini par s’habituer à Trump. Se distançant de cet « impératif catégorique » prussien qui avait caractérisé sa première visite, et s’inspirant de Macron, elle a tenté flatterie et souplesse. Flatterie, parce que son arrivée à Washington coïncidait avec la rencontre « historique » entre les deux leaders coréens. Elle ne manqua donc pas d’en attribuer le mérite publiquement à Trump, qui en fut satisfait. Et il fut fort aimable, charmant, même. Elle tenta donc la souplesse, en exprimant son souhait de voir Washington rejoindre l’accord de Paris sur le climat, en s’engageant à faire des efforts pour augmenter ses budgets militaires (mais plaidant pour la patience de son interlocuteur) et en présentant l’accord iranien déjà signé comme « une première étape » d’un processus plus large visant à l’équilibre de la région. Bref, en tendant des perches en vue de renégociations.

Puis elle reconnut l’amplitude du déséquilibre de la balance commerciale avec les États-Unis (65 milliards de dollars), mentionnant que « des progrès » (réduction du déficit) avaient déjà été réalisés et que d’autres le seraient encore. Madame Merkel avait certainement en tête deux enjeux majeurs, et une grosse inquiétude. Le premier enjeu étant celui de la guerre tarifaire que veut mener Washington contre l’Europe sur l’acier et l’aluminium (de nouveaux tarifs devant s’appliquer le 1er mai, sans aucune exemption). Le deuxième enjeu étant que l’accord iranien rapporte cinq milliards de revenus supplémentaires à l’Allemagne.

Quant à la grosse inquiétude, elle est la même que celle de Macron : si Trump ne certifie pas l’accord iranien le 12 mai et annonce qu’il s’en retire, cela signifiera un retour à la « sanctionite » aiguë américaine, les néoconservateurs visant alors non seulement les entreprises russes qui font affaire avec l’Iran, mais aussi les européennes et les chinoises, ce qui fera capoter la négociation coréenne - les Chinois n’ayant alors plus aucune confiance en Trump -, ce que veulent très exactement les néoconservateurs qui n’ont aucun désir de voir l’ensemble de la péninsule coréenne de facto passer sous influence chinoise.

La visite de Merkel, suivant celle de Macron, pourrait-elle donner à Trump les munitions nécessaires pour contrer les néoconservateurs, procéder à un atterrissage en souplesse sur les sujets épineux précités et même réintégrer Assad et Poutine dans un « nouveau » Nouvel Ordre mondial ? Les médias américains se demandent s’il n’y a pas des tractations invisibles qui se déroulent en ce moment.

Madame Merkel aura au moins échappé à une chose : un boycott de CNN. Car la chaîne, furieuse de voir Macron encenser Trump sans aucune retenue, avait décidé de ne pas diffuser en direct son discours devant les membres du Congrès, usant de ce créneau pour continuer sa vendetta contre le président.

André Archimbaud
André Archimbaud
Consultant stratégique

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