Rendre l’entrée de Notre-Dame payante : La fausse bonne idée ?

©https://www.wikidata.org/wiki/Q34788025
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Dans un entretien accordé au Figaro, le ministre de la Culture Rachida Dati émet l’idée de rendre payante l’entrée de Notre-Dame de Paris, dont la réouverture adviendra le 8 décembre, afin de financer par ce biais la restauration des églises en danger en France : « Faire payer l'entrée de Notre-Dame sauverait toutes les églises de France. » Cette proposition ne fait pas l’unanimité. Elle serait même contraire à la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. En effet, l’article 17 de cette loi indique clairement que « la visite des édifices et l’exposition des objets mobiliers classés seront publiques ; elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance ». Rendre payante l’entrée à un lieu de culte contrevient à cette règle.

Illégal et illégitime

Dans une publication sur son réseau social X, Maître Henri de Beauregard analyse les multiples raisons pour lesquelles le projet du ministre de la Culture est choquant. Au-delà du plan strictement légal de l’accès libre aux lieux de culte, les mots de Rachida Dati contreviennent à l’essence même des églises. Historiquement, les églises doivent être ouvertes à tous. Il s’agit, en effet, des derniers endroits gratuits où tous peuvent profiter d’une exposition d’art varié, architecture, statues, tableaux. Au Moyen Âge, les églises, les cathédrales, étaient considérées comme des Bibles illustrées, afin de mettre à la portée des illettrés

De plus, avant d’être un lieu de visite, une église est un lieu de culte où les fidèles catholiques se rendent pour se recueillir, assister à la messe… Exiger une contribution financière aux visiteurs sans distinction, c’est considérer une église comme un musée, quitte à pénaliser les croyants qui viennent exercer leur culte.

Maître de Beauregard met en lumière le plan culturel des églises. L’architecture typique de chaque région, les saints locaux mis en valeur dans chaque petite chapelle sont un condensé de l’histoire des régions de France, ces lieux sont des témoins des particularités régionales qui ont façonné la France. Rendre payant un accès privilégié aux racines françaises semble inenvisageable.

L’État et les communes ont les moyens

Plus concrètement, Henri de Beauregard dénonce l’aspect économique de l’affaire. Selon lui, nul besoin de chercher de l’argent à l’entrée de Notre-Dame de Paris pour l’entretien des églises de France. Il explique que « l’État et les communes ont les moyens d’assumer ce patrimoine. C’est une affaire d’arbitrage politique. Les monuments historiques, c’est 3 % du budget de la culture quand la transmission devrait être sa première obligation. » Il avance un deuxième argument économique : le tourisme que génère ces églises, qui parfois apportent plus d’argent aux villes où elles se trouvent qu’elles ne leur coûtent.

De plus, il n’est aucune garantie que les fonds collectés aux portes de Notre-Dame de Paris seront, de fait, alloués à l’entretien des églises en danger. Dans leurs communiqués respectifs, la cathédrale de Paris et Monseigneur Rey ont réaffirmé la position inchangée de l'Église de France sur la gratuité de l'accès aux lieux de culte. Certaines personnalités ont tout de même accordé leur soutien au ministre de la Culture : Valérie Pécresse, Bruno Retailleau… L'historien et fervent défenseur du patrimoine français Stéphane Bern souscrit à l’idée de Rachida Dati. Lui-même en avait déjà proposé la mise en place en 2017. La Conférence des évêques de France avait rejeté le projet, en raison justement de la loi de 1905.

Raphaelle Claisse
Raphaelle Claisse
Journaliste stagiaire à BV. Etudiante école de journalisme.

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