Rentrée scolaire : au fait, Charlemagne a-t-il vraiment inventé l’école ?

charlemagne

Le sentez-vous ? Les jours raccourcissent, l’heure de faire ses bagages et de préparer les cartables approche. Petits et grands rechignent à l’idée de délaisser les plages de sable chaud pour les salles de classes austères. Tous se mettent à chercher le coupable de cet odieux crime. Un seul nom vient à l'esprit : Charlemagne. En France, le réflexe stéréotypé et popularisé par France Gall porte à croire que « l’idée folle un jour d’inventer l’école » vint de cet empereur carolingien.

Un héritage trop lourd pour un seul homme. Dès l’Antiquité, que ce soit en Grèce, en Égypte ou au Moyen-Orient, des structures étaient déjà en place afin que les enfants des familles aisées puissent recevoir un enseignement de la part de précepteurs et d’érudits. Alexandre le Grand fut ainsi formé par le philosophe Aristote, la fameuse académie de Platon fut fondée en 387 avant Jésus-Christ, sans parler de la légendaire bibliothèque d’Alexandrie. Il est d’ailleurs curieux que le mot « école » vienne du grec scholê signifiant « loisir », un loisir consacré aux études. Une étymologie que nombre de petits écoliers pourraient malicieusement contredire.

Mais alors, pourquoi Charlemagne est-il lié à l’invention de l’école s’il n’en est pas le véritable créateur ? Avec son accession au titre d’empereur d’Occident en l’an 800, Charles le Grand devient l’égal du Basileus de l’Empire byzantin. Ce dernier était le dépositaire du pouvoir de l’ancienne Rome et de son savoir. Afin de rivaliser avec cette puissance orientale, l’empereur « à la barbe fleurie » s'était constitué une cour du même niveau intellectuel que celle de Byzance. Il s’était entouré de moines érudits comme l’Anglais Alcuin. Ce dernier fut surnommé « l'homme le plus savant de son temps » par l’auteur Éginhard dans son livre La Vie de Charlemagne. Le moine aida Charlemagne à réaliser son projet : unifier l'empire à l’image de l’ancien Empire romain d’Occident. Pour y parvenir, il décida d’unir son peuple par une culture commune. On pourrait presque parler, de façon anachronique, d’un projet politique d’assimilation. Le domaine carolingien rassemblait en effet de nombreux peuples qui ne cessaient de se révolter contre l’autorité ou contre la religion chrétienne, ce qui obligea Charles le Grand à mener plusieurs campagnes militaires, notamment contre les Saxons de Germanie.

Afin d’éviter ces guerres sanglantes et pour asseoir son pouvoir ainsi que celui de ses héritiers, Charlemagne remplaça l’épée par la plume. Il prit des mesures pour renforcer le système éducatif plutôt instable depuis la chute de l’Empire romain d’Occident et les invasions barbares, ces dernières ayant provoqué un effondrement civilisationnel et institutionnel. Le souverain carolingien s’inquiétait aussi du besoin de restructuration du clergé autour d’une même pratique du culte. Il instaura une formation commune de tous les ecclésiastiques sur l’ensemble du territoire franc. Cette pratique limitait l’émergence d’hérésies sources de divisions. Charlemagne favorisa aussi l’évangélisation et la christianisation des terres païennes nouvellement acquises, notamment en Saxe. Religion et éducation vont ainsi de pair, au haut Moyen Âge. Toujours secondé par Alcuin, Charlemagne fit rédiger en 789 un texte de lois appelé l’Admonitio generalis. Il y est demandé aux ecclésiastiques d’organiser des écoles dans leurs églises, leurs cathédrales et leurs monastères afin d’apprendre aux enfants destinés à des vies religieuses ou seigneuriales à lire, à compter et à chanter.

Ainsi, bien que n’ayant pas inventé l’école, Charlemagne permit une reconstruction du système éducatif et un développement global de l’apprentissage dans toute l’Europe occidentale. Ce qui entraîna une véritable floraison de la culture et des arts. Ce développement fut si important pour son époque que l’on parla de Renaissance carolingienne. Un tel renouveau fait rêver. Il invite à réfléchir aux règles simples, prescrites par l’ancien empereur d’Occident : apprendre à nos enfants à lire, à compter et à chanter.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Et l’on sait ce qu’il advint de certains de ses pauvres enfants qui « sautaient » sur les genoux de certains ecclésiastiques. Dans la famille nous avons connu un triste exemple ! Malheureusement demeuré sans suites ! Un fois adulte cet enfant souhaitait porter cette affaire en public ! Il lui a été discrètement conseillé de n’en rien faire ! Je ne connais pas la suite !

  2. Mais ils lisent, nos enfants! Des BD
    Mais ils écrivent, nos enfants! En code écourté sur leurs smartphones
    Mais ils comptent, nos enfants, avec leurs calculettes
    Mais ils chantent, nos enfants! Sur des  » mélodies » à deux ou trois notes de RAP
    Alors??? Ne soyons pas relous, TVB!

  3. Si ce n’est pas Charlemagne (évidemment) qui a inventé l’école…
    Ce sont bien les socialos qui se l’ont appropriée, et qui ont réussi à la détruire.

  4. Comme c’est beau le loisir d’apprendre qui s’opposait au travail des esclaves : d’ailleurs maintenant qu’on a supprimé le travail et dévalorisé les diplômes, on a plus besoin d’apprendre : c’est la décivilisation . Nous , on s’en moque , on se soigne…C’est la décadence !

  5. L’histoire ce répéterait elle ? « les invasions barbares, ces dernières ayant provoqué un effondrement civilisationnel et institutionnel » Nos politiciens égocentriques et arrivistes si cultivés !! fervents européïstes a œillères pourraient ils réfléchir aux conséquences mortifère de leur idéologie d’invasion migratoire sans contrôle

  6. Merci pour ce rappel historique qui prouve qu’un peuple ne peut être uni qu’autour d’un projet commun. Nous assistons aujourd’hui à tout l’inverse car nous assistons à un effondrement civilisationnel et institutionnel. Qui saura redresser la barre au plus vite avant que nous ne disparaissions et surtout, y a t’il une volonté populaire de vouloir redevenir civilisé.

  7. A propos d’école, j’avais lu un truc savoureux dans « la foire aux cancres »: Jules ferry a rendu les maîtresses obligatoires.

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