Rentrée sociale à haut risque : vers de nouvelles jacqueries ?

Acte 18 des Gilets jaunes : avec les pacifistes

2023 sera-t-elle l’année de tous les dangers en matière sociale ? C’est en tout cas la question qui agite nombre de cervelles, médiatiques comme politiques. Surtout quand on sait que le mouvement des gilets jaunes a démarré sur deux mesures gouvernementales a priori anecdotiques, sauf pour cette France périphérique qui en fut la première victime : limitation à 80 km/h sur les routes nationales et taxe sur le diesel.

Aujourd’hui, les réformes des retraites et de l’assurance chômage risquent d’être plus rudes à avaler pour nos compatriotes déjà passablement énervés. Ce qui explique pourquoi le Premier ministre Élisabeth Borne tente déjà d’allumer des contre-feux. À propos de la première, elle affirme : « Personne ne devra travailler 47 ou 48 ans. »

Quant à la seconde, même commencement d’abandon d’un article de la future loi qui catalysait tous les rejets, soit la baisse de 40 % des indemnités si le chômage venait à passer sous la barre des 6 % : « Nous allons retirer ce point, et nous remettrons ce sujet dans la concertation sur les nouvelles règles. »

Une fois traduit du sabir technocratique en langage vernaculaire, cela signifie que le gouvernement recule avant même d’avoir avancé sur le dossier. Mais le problème est ailleurs, ces deux réformes présentant autant de défauts majeurs : elles sont ressenties comme injustes et, surtout, incompréhensibles par le commun.

Injustes, car il est sous-tendu dans ces textes que les Français, non contents de se conduire en « Gaulois réfractaires », seraient de plus des fainéants rechignant à travailler plus longtemps pour gagner moins et à passer leur existence à frauder les prestations sociales. Qu’il existe des fraudeurs, la chose est avérée ; mais il s’agit plus souvent de réseaux organisés, souvent issus de l’immigration (voir, à ce sujet, Le Cartel des fraudes, du magistrat Charles Prats, Ring éditeur) pratiquant la triche à grande échelle, que du fait de magouilleurs à la petite semaine.

Certes, il y a donc détournement du système, mais ne serait-il pas plus logique de taper sur ceux qui le détournent plutôt que de démanteler ce même système ? À moins, bien sûr, de croire qu’il existe des classes sociales dangereuses par nature, tel que l’estimaient une certaine bourgeoisie de naguère et les enfants gâtés du macronisme d’aujourd’hui ?

L’incompréhension, ensuite. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, dit-on. Marine Le Pen a peut-être lu moins de livres qu’Élisabeth Borne, mais fait sûrement preuve de plus de sens politique quand elle explique que plus que l’âge du départ à la retraite, compte surtout le nombre d’années passées au travail. Pour elle, c’est quarante. L’un qui a commencé tôt part plus tôt. L’autre qui a commencé tard part plus tard.

Ceci expliquant probablement cela, Marine Le Pen annonce qu’elle s’apprête à aller à nouveau à la rencontre des Français. « Elle va reprendre ses déplacements. […] Mener une campagne qui ne dit pas son nom », apprend-on ainsi, de son proche entourage.

La lettre que Jordan Bardella, président du Rassemblement national, vient d’adresser, ce 3 janvier, à tous les boulangers de France, à propos de la flambée des prix de l’électricité, donne un avant-goût de la teneur de ce tour de France à venir : « Quel paradoxe de voir le président de la République se réjouir de l’inscription de la baguette au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO, mais condamner, par son inaction, des milliers d’artisans boulangers à fermer le rideau, pris à la gorge par une inflation hors de contrôle. »


En effet, il est une autre chose incompréhensible pour les Français : comment les gouvernements s’étant succédé depuis des décennies ont-ils pu saccager une industrie nucléaire qui nous permettait d’accéder à une électricité bon marché ? Le corolaire de cette question relève encore de l’injustice : pourquoi ceux qui travaillent dur devraient-ils payer au prix fort les errements de leurs gouvernants ?

Personne ne peut évidemment dire s’il y aura un nouveau mouvement social de type gilets jaunes. Un fait est néanmoins avéré : les grands bouleversements surviennent souvent quand le peuple ne veut plus et que l’État ne peut plus. Nous n’en sommes pas loin.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

90 commentaires

  1. En 15 jours après l’annexion du budget 2023 déjà dans les concession Renault les représentants avaient reçu les listings pour les taxes carbone pour les voitures une Dacia avec un moteur TSE 130 Taxe 2020 330 euros ,10 jours après la taxe était passée 600 euros De qui se foutent ils ces autocrates ,il est temps de couper des têtes . Ils cherchent du Fric dans tous les coins ils sont en train de nous piquer nos derniers sous au fond de nos poches . Et ses braves pochards de la Télé personne en parle .,omerta complète .

  2. Comme tous les marchés, le « marché européen » de l’électricité est un marché spéculatif, saturé de parasites (compagnies concurrentes d’EDF, qui ne produisent rien, n’investissent rien) dont le seul but est d’acheter l’électricité à EDF bon marché pour la revendre avec marge énorme aux entreprises, artisans, boulangers, etc. C’est le corollaire du dogme européen de la « concurrence libre et non faussée » qui exige le démantèlement d’EDF ainsi que la privatisation du réseau hydro-électrique. Pour la privatisation des barrages, ce sera l’explosion des prix à la production. Le démantèlement d’EDF n’est pas encore achevé ; mais il est programmé (EDF que les Français ont construit avec leurs impôts !). EDF ne vendra plus son électricité et laissera place à ces compagnies voraces qui appliqueront selon l’idéologie de Bruxelles « la libre concurrence ».
    Si l’État vole au secours des entreprises et des particuliers (bouclier énergétique), c’est pour ne pas fausser cette « concurrence » (déloyale en fait) et maintenir dans le marché ces compagnies avides qui ont multiplié le prix de leur électricité pour les boulangers et autres entreprises…

    • Bien d’accord avec vous, avec qqs réserves explicitées dans mon commentaire ci-dessus (dans mon jargon d’ancien expert…)

  3. Après la consternante affaire du « covid », il ne peut plus jamais rien arriver. Un peuple de moutons attend dans le couloir de la mort l’abattage inéluctable. La machine à mensonges tourne à plein régime.

  4. Hélàs, ce n’est pas que l’industrie nucléaire française qui a été saccagée, mais également toutes les industries. Les chômeurs du Nord et de l’Est en savent quelque chose Et maintenant, l’artisanat ( via les boulangers, mais pas qu’eux !). Le désastre me parait suffisamment avancé pour penser qu’il est trop tard. Mais il reste quelque chose à faire : se saisir des traîtres et corrompus qui nous ont mis dans cette situation.. délibérément.

  5. Et encore Bardella n’explique pas que si les PME ont le couteau sous la gorge, alors que ce sont tous les Français qui ont payé la mise en route du nucléaire et qu’EDF est à eux, est que si la facture explose c’est uniquement à cause de notre alignement tarifaire sur l’Allemagne, que nous acceptons pour être impuissants face à elle, ruinés économiquement par nos gouvernants….Et que la solution que ceux ci ont trouvé est de nous ruiner encore plus (aides de l’Etat payées par le contribuable) pour aider ceux qui sont directement dans la mouise, les PME….

  6. Imaginons Le général De Gaulle à la place de Macron . Il ne lui faudrait pas des mois pour sortir de cette idiotie du marché européen de l’énergie. L’affaire ne prendrait que quelques jours au plus. LUI aurait à coeur de défendre nos PME, et pour cela pas besoin de mettre en place des aides , des délais de paiement , etc…. De Gaulle remettrait en place une tarification en adéquation avec notre cout de production, très en dessous du tarif imposé par Bruxelles.
    Nous n’avons que le chef que nous méritons. MLP qu’on dit nulle en économie , elle non plus ,ne laisserait pas mourir nos PME . Macron ,Notre Mozart de l’économie ,n’est qu’un mauvais joueur de pipeau .

  7. « de nouvelles jacqueries »?  » Une révolte?  » « Non Sire, c’est une révolution. » Et que ça saute! Pour ceux qui sont assis sur des sièges qu’ils considèrent comme inamovibles.

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