Réouverture de Notre-Dame : un sermon ex cathedra de Macron ?

Capture d'écran KTO
Capture d'écran KTO

Mis à jour le 13 novembre à 12 heures.

Il y a 785 ans, le 19 août 1239, Louis IX, roi de France, entrait dans Notre-Dame de Paris pour y déposer la couronne d’épines du Christ qu’il avait achetée, l’année précédente, à Baudoin II de Courtenay, empereur latin de Constantinople. L'acquisition avait coûté une fortune au trésor royal : 135.000 livres tournois. Une somme colossale puisqu’elle représentait onze tonnes d’argent, soit plus de neuf cents kilos d’or fin ! A titre de comparaison, la construction de la Sainte-Chapelle, destinée à accueillir cette Sainte Couronne, ne coûtera au trésor royal « que » 40.000 livres. Autant dire que le futur Saint Louis s’était et avait beaucoup investi pour que son royaume acquiert et mette en valeur cette relique afin de l’offrir à la dévotion du peuple parisien. Mais en ce 19 août 1239, c’est un roi débarrassé des attributs de la royauté qui faisait son entrée dans la cathédrale, puisque revêtu d’une simple tunique et… pieds nus.

Autres temps, autres mœurs, autre ambiance : le 7 décembre prochain, Emmanuel Macron, président de la République française, chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran, fera donc son entrée dans Notre-Dame. Non pas pieds nus – on ne lui en demande pas tant -, non pas à cheval non plus, mais, si l’on en croit les bruits, en grande pompe, entouré de tout plein de gens qui comptent dans le monde. Le Canard enchaîné, qui est allé barboter dans le bénitier du sanctuaire, nous apprenait, le 5 novembre dernier, que pas moins de 160 têtes couronnées, chefs d'Etat et de gouvernement, auraient été invitées à cette manifestation d’ores et déjà mémorable. Une sorte de consécration, d’épiphanie, pour tout dire d’apothéose, pour un Emmanuel Macron qui en connaît un rayon en matière de festivités. On ne sait pas encore si la chorégraphie de cette liturgie, qui pourrait hésiter entre celle d’une inauguration de salle polyvalente d’intercommunalité et celle d’une assemblée générale extraordinaire des Nations unies, sera confiée à Thomas Jolly, le génial metteur en scène de la cérémonie d’ouverture des JO, mais, de nos jours, il faut s’attendre à tout.

Blague à part, le plus baroque dans cette affaire, c’est que le président de la République – on l’a déjà évoqué à BV - devrait prononcer un discours dans la cathédrale. Nous en aurons confirmation ce 13 novembre puisque le programme va enfin nous être dévoilé. Néanmoins, l’archevêque de Paris, Mgr Ulrich, en a donné un avant-goût dans un entretien donné à l’AFP, le 31 octobre dernier : « le président de la République prendra la parole pour dire, nous avons tenu le pari ». Jusque-là, rien à dire. L’incendie de Notre-Dame a été un événement national et mondial. Sa réouverture doit être un événement national et mondial, dans une sorte de parallélisme des formes de bon aloi. En revanche, ce qui est plus que contestable, c’est que le chef de l’État prenne la parole dans la cathédrale et non sur le parvis. « C'était trop compliqué d'imaginer qu'on entasse le monde devant la cathédrale et qu'on rentre, l'affaire est trop longue », a expliqué le prélat pour justifier cette incongruité. Compliqué comment ? Comme de faire rentrer les gens dans le stade de France lorsque les Anglais de Seine-Saint-Denis veulent fiche le bazar ? En gros, donc, si l'on comprend bien Mgr Ulrich, c’est technique. On ferait preuve de mauvais esprit, qu’on dirait que l’Église catholique de France est mûre pour obtenir le statut d’ONG.

Ainsi donc, le président de la République va prendre la parole dans le sanctuaire. Car il s’agit bien d’un sanctuaire, qui n’a jamais cessé de l'être, consacré canoniquement, malgré l’incendie, et qui, au regard de la loi de la République, est toujours affecté au culte, à tire permanent et perpétuel. Une grande première, donc, qui pourrait bien se faire retourner dans leurs tombeaux les vénérables archevêques inhumés dans la cathédrale. Non seulement, on tord le bras de la loi de séparation, mais, cerise sur le gâteau, l’affectataire – en clair, l’archevêque – offre à Emmanuel Macron l’occasion de célébrer son propre culte devant le monde entier. Reste à savoir d’où ce dernier délivrera son homélie : du côté de l’épitre, de l’Évangile ? Peut-être un sermon ex cathedra ?

Finalement, on apprend, ce 13 novembre, que le président de la République prononcera son discours sur le parvis de Notre-Dame. Une information « confirmée » par l'archevêque de Paris. Donc, ce qui était « trop compliqué à imaginer » pour Mgr Ulrich, il n'y a pas trois semaines, devient réalisable. Exit de la cathédrale ! Comme quoi, les miracles, ça existe...

 

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

90 commentaires

  1. La loi de 1901/1905 interdit les discours politiques au sein d’un lieu de culte , c’est simple !!!! Si l’église catholique romaine n’avait résisté à notre président actuel , je n’aurai pas donné cher pour l’avenir de notre pays . J’espère que cette bonne et dernière décision sera suivie des faits !!!!

  2. merci à Georges Michel pour son article … et comme le Seigneur veuille Macron distribuera la bonne parole hors les murs de la cathédrale Notre-Dame. ouf, nous avons échappé au pire !!!! parce qu’avec notre « monarque à deux balles » on sait maintenant que le célèbre Audiard avait raison :  » les c…s çà ose tout, c’est même à çà qu’on les reconnait « .

  3. Le pari de la reconstruction a été tenu. Certes, mais si l’état avait mis les moyens pour assurer la sécurité et l’entretien de ce joyaux patrimonial, tout ce travail aurait été inutile. Remercions plutôt les donateurs, les artisans, les pompiers de Paris et tous ceux qui ont œuvré à la reconstruction à l’identique de Notre Dame qu’au Président de la République dont la place en ce sanctuaire ce doit de relever uniquement du privé.

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