Réouverture des églises : à la Trinité… ou à la Saint-Glinglin ?
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Prenons les paris : la France sera, en Europe, le dernier pays qui rouvrira ses lieux de culte. Il faudrait creuser, mais c’est probablement la première fois depuis la Terreur que le service public du culte catholique (parlons de la religion la plus ancienne et représentée en France) aura été interdit aussi longtemps dans notre pays. Pas pour les mêmes raisons, pas dans les mêmes circonstances, évidemment. Mais le résultat est là. Au fond, à bien y réfléchir, c'est normal et cohérent : il y a bien longtemps que l’église n’est plus au milieu du village !
N'a-t-on pas dit qu’il n’y avait rien au-dessus des lois de la République ? Il est donc tout à fait logique que la pratique religieuse soit considérée, au mieux, comme une activité sociale secondaire, pas vraiment « de première nécessité », pour reprendre l’expression consacrée par l’attestation de déplacement dérogatoire. Le pape, combien de divisions ? disait Staline ; aujourd’hui, la religion, combien de points de PIB ? Certes, Emmanuel Macron s’est entretenu, mardi, par visioconférence avec les représentants des différents cultes. Une réunion que Jean-Luc Mélenchon, sur son blog L’Ère du Peuple, a qualifié d’« incongrue ». Effectivement, rassembler autour de la même table (virtuelle) l’archevêque de Reims, président de la Conférence des évêques de France, et les représentants des loges et de la Libre-Pensée, il fallait oser ! Emmanuel Macron l'a fait. Pas certain, cependant, que Mélenchon ait vu sous cet angle cette incongruité qu’il qualifie d’ailleurs de « comédie officielle ». Ce qui n’est pas faux quand on voit ce qu’il en est ressorti de concret : a priori, pas de réouverture des lieux de culte avant la mi-juin.
Pour faire court, à partir de mi-mai, les enfants devront - ou pourront, ce n’est pas encore très clair, avouons-le - aller à l’école, pas à la messe - ça, en revanche, c’est très clair. Toujours pour faire court, en 2020, la République n’est donc pas capable, durant des mois entiers, de garantir « le libre exercice des cultes », comme le prévoit la loi de 1905. C’est donc bien une première dans notre histoire. On saura donc faire preuve d’imagination dans les écoles, collèges et lycées pour que soient appliqués les fameux gestes barrière. En revanche, on est sans doute trop bête ou obscurantiste dans les lieux de culte. Même si, déjà en temps normal, les églises sont en bien des endroits à moitié vides…
Les représentants des cultes sont donc plutôt gentils, voire dociles, avec le président de la République qui voudrait, par ailleurs, les associer à une sorte de machin qui porterait le nom de « conseil national de la résilience », allusion, là aussi quelque peu incongrue, au Conseil national de la Résistance. On a envie de demander que chacun, de son côté, accomplisse son devoir d'État : la République en faisant le nécessaire pour garantir les libertés, dont celle des cultes, et les ministres des cultes en pratiquant les rites de leur religion.
Cette interdiction de célébrer le culte public, à l’exception des obsèques - et l’on sait avec quelles terribles restrictions -, par-delà les contraintes liées à la situation sanitaire, n’est peut-être finalement que la partie la plus visible de la détresse de notre civilisation.
« Étrange civilisation que la nôtre [...] On a construit, récité, imaginé, mains jointes, bras dessus bras dessous, paumes vers le ciel. On a veillé les mourants puis leurs cadavres avant de les accompagner ensuite en priant, en chantant, en psalmodiant jusque dans la pyramide, sous le dolmen, devant le caveau. Dans son lit de fleurs, son sarcophage, sa bière, son drap de lin. On a convoqué Anubis, Thor, Pluton, le Christ ressuscité, et j’en oublie, mille excuses. Aujourd’hui le directeur de l’EHPAD note le dernier souffle et il sera le seul témoin de la mise en bière conformément à son contrat de travail… ce monde si prompt à tout transformer en chose est parvenu au bout de ce qu’il est, au sens ultime du néant auquel il a voué la civilisation humaine et la nature qui l’entoure. » Paradoxe, ce texte a été écrit par le très laïcard Jean-Luc Mélenchon. Il est vrai qu'il fut enfant de chœur et fit sa première communion.
Alors, la réouverture des églises ? On a raté Pâques, on espère que ce sera peut-être à la Trinité et pas à la Saint-Glinglin.
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